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Arts et culture

Écrire, raconter et transmettre : la mission d’Évelyne Trouillot

Crédit visuel : Jurgen Hoth – photojournaliste

Article rédigé par Bianca Raymond – Cheffe du pupitre Arts et culture

Sous le thème « Savoir raconter l’histoire :  personnages, événements, genres et résonances dans son œuvre », l’écrivaine Évelyne Trouillot a captivé le public réuni à la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa. Invitée dans le cadre d’un nouveau partenariat entre le Collège des chaires de recherche sur le monde francophone (CCRMF) et le Salon du livre afro-canadien (SLAC), l’autrice a animé, le 24 octobre, une réflexion profonde sur le pouvoir du récit, la mémoire des oubliés et la liberté qu’offre la fiction.

La polyvalence dans tout son être

Évelyne Trouillot est à la fois écrivaine, dramaturge, traductrice et enseignante. Comme l’a souligné Legault-Beauregard, elle possède une étonnante capacité à écrire dans des genres littéraires variés : poésie, théâtre, roman et nouvelle. Pour Trouillot, le choix du genre découle toujours du thème à aborder et du message à transmettre.

Le poème, dit-elle, est « plus exigeant et plus intense » qu’un roman. Il surgit dans un moment de nécessité : « la poésie vient quand elle vient ». Le théâtre, lui, permet de « faire entendre et vivre une histoire », tandis que la nouvelle, plus brève, frappe avec force et clarté. Dans le geste d’écrire, chaque mot compte, explique-t-elle, car « écrire est un défi ».

Son travail de traductrice, notamment lorsqu’elle traduit ses propres textes, l’amène à repenser son œuvre différemment. Pour elle, qui écrit en français et en créole haïtien, « traduire c’est réécrire ». Elle décrit ce processus comme une manière de « traduire la douleur de la mère », évoquant ainsi l’héritage linguistique et affectif d’Haïti.

Raconter l’histoire des invisibles

Évelyne Trouillot partage souvent ses réflexions avec des universitaires en Amérique du Nord et ailleurs. Elle réalise des ateliers d'écriture avec des jeunes en Haïti et ailleurs.

Trois de ses romans historiques ont été présentés lors de la rencontre : Désirée Congo, Sara Sans Souci et Rosalie l’Infâme. Pour Trouillot tout roman commence par un personnage. Sans personnage, il ne s’agit que d’une idée floue, affirme-t-elle. Elle donne notamment l’exemple de Désirée, l’héroïne de Désirée Congo, qui va naviguer à travers l’histoire en lui donnant un sens concret. Désirée est un personnage qui se distingue des autres par sa capacité à créer un monde imaginaire, malgré l’esclavage des Caraïbes anglaises.

L’écrivaine précise toutefois que son rôle n’est pas celui d’historienne mais bien celui de conteuse. Contrairement aux historien.ne.s, elle peut raconter des événements qui n’ont pas nécessairement de traces tangibles. C’est, selon elle, la liberté du roman historique.

"Je veux raconter l’histoire des invisibles, des anonymes, de ceux.celles dont on ne parle pas."

-Évelyne Trouillot-

Dans Sara Sans Souci, Trouillot aborde la condition des femmes en Haïti. Sara ne pouvait ni écrire ni posséder quoi que ce soit : elle était simplement « la femme de quelqu’un ». À travers ce personnage, l’autrice évoque la lutte pour la dignité, le désir et la liberté, dans un contexte où l’identité féminine est liée au statut social. Elle souligne également le manque de documentation sur ce sujet en Haïti, une absence qu’elle tente de combler par la fiction.

Parmi toutes ses œuvres, l’autrice décrit Rosalie l’Infâme comme le roman le plus difficile qu’elle ait écrit. Ce roman plonge dans la violence de l’esclavage tout en refusant de réduire ses personnages à leur souffrance. Il s’agit, selon elle, de retrouver leur humanité, de «se construire sans se détruire». 

Enseigner, écrire et transmettre

En dehors de sa carrière d’autrice, Trouillot joue un rôle essentiel en tant qu’éducatrice. Après le tremblement de terre de 2010 qui a durement touché Haïti, son pays, elle a participé à la création du Centre culturel Anne-Marie Morisset, qui abrite aujourd’hui une bibliothèque de près de 6000 ouvrages. Dans le centre, elle propose des cours d’écriture et divers ateliers artistiques. Trouillot demeure convaincue que l’éducation est la clé pour « permettre aux enfants d’apprendre à se connaître. »

" On se nourrit de ce qu'on lit."

-Évelyne Trouillot-

En définitive, l’écrivaine insiste sur l’importance de la scolarisation des filles en Haïti, tout en rappelant aussi que beaucoup de garçons sont encore privés d’école. Pour elle, l’écriture et l’enseignement demeurent deux des plus belles manières d’agir sur le monde.

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