Inscrire un terme

Retour
Opinions

Elles ne seront plus Anonymes

Rédaction
23 juillet 2020

Crédit visuel : Flickr

Par Noémie Calderon Tremblay – Journaliste

Premier contact avec le mouvement de dénonciation des agressions sexuelles : le nom de Maripier Morin. Un simple hasard, le fait que le seul nom que j’aperçois sur les médias sociaux soit celui d’une femme. Non, bien sûr que non ! Encore une fois, il faut pointer l’exception, car ELLE confirme la règle. Mais malgré ce bémol classique, la liste s’étend et les bouches se délient. Maintenant, les femmes, les filles et les autres (re)prennent les mots et la parole pour souligner l’invisible.

Je ne vais pas mâcher mes mots, je suis en colère, frustrée, en peine, bouleversée et je n’ai pas les bons (entre gros guillemets) mots pour bien exprimer ce que je souhaiterais dire. Je ne sais pas exprimer cette chose qui m’oppresse et qui nous oppresse depuis si longtemps. Ce fardeau qui se glisse sur nos épaules dès le moment où notre sexe est vu et notre corps est étiqueté « femme. »

Je vais donc en les citant, bien évidemment, emprunter les mots d’autres et les agglutiner aux miens, pour créer un tout solidaire. Ensemble, nous sommes plus fortes.

Engagée avec Elles

Oui, je suis pompée et n’essayez pas de me calmer ! J’emprunte au collectif féministe de Hyènes en Jupons, qui est à l’heure actuelle en suspension, en disant « notre identité de femme ne devrait pas permettre à nos détracteurs de réduire nos débats à des « chicanes de sacoches » ou à des crises de jalousie. »

Alors, je dis moi aussi, je vous crois, car la révolution féministe n’existe pas sans la solidarité féminine.

« Reconnaissons-nous, les femmes, parlons-nous, regardons-nous, ensemble, on nous opprime, les femmes, ensemble, révoltons-nous ! » Je vous conseille ce chant puissant à écouter en arrière-plan ou suite à la lecture de cette chronique.

La force d’un hashtag, si minime soit l’impact de ce symbole, est immense. Son ampleur qui parfois peut paraît démesurée, est un indicateur du changement majeur qui est en train de s’opérer partout autour de nous.

Je crois au pouvoir des vagues de dénonciations, certes, mais cela n’est pas suffisant. Il faut fouiller, se documenter et user à bon escient de notre esprit critique, si nous ne souhaitons pas que ces révolutions ne soient que des écrans de fumée.

S’informer crucialement

Si j’avais un conseil à me donner, à vous donner, ce serait : « trouvons les mots ou la parole pour dire ce que nous n’arrivons pas à dire. Que ce soit par votre main ou par celles des autres. » En effet, si vous ne savez pas par où commencer, nombre de femmes et d’hommes ont écrit et pensé la condition féminine et leurs oeuvres sont là pour venir aiguiser nos armes et notre langue.

Hélène Cixous, féministe et poétesse le dit dans son livre Le Rire de La Méduse : nous, les femmes, devons nous écrire. « Écrire pour se forger l’arme anti-logos. Pour devenir enfin partie prenante et initiante à son gré, pour son droit à elle, dans son tout système symbolique, dans tout procès politique. Il est temps que la femme marque ses coups dans la langue écrite et orale. » Ça ne fait pas si longtemps que nous, femmes et autres (un nous, qui n’est pas encore international), avons le droit d’occuper autant la sphère publique que la sphère privée.

À tous ceux qui croient que les émotions sont les limites de l’intelligence, je réponds le contraire, elles sont le futur et une clé puissante pour comprendre l’être complexe qu’est l’humain. Il n’y a pas de honte à être triste, fâché, en colère ou jaloux. C’est seulement lorsqu’on tente de les réprimer qu’elles deviennent des bombes à retardement.

Combien de fois par le passé, a-t-on accolé à des femmes des termes associés à la perte de contrôle et à l’émotivité démesurée ? Que des mots comme : sorcière, drama queen, colérique, menteuse, rageuse ou hystérique cessent de mettre au frein à nos ambitions ? L’espace social à cette tendance nuisible à stigmatiser et à diminuer ce que nous ressentons.

Aussi, n’oublions pas notre histoire : nos privilèges d’aujourd’hui ne sont pas acquis. Pensons, par exemple, à l’avortement qui est remis en question dans certains états des États-Unis ou même ici au Canada.

La centrale des syndicats démocratiques  le dit « l’accès des femmes à l’égalité est sans cesse limité. L’impact sexiste des mesures d’austérité dont les coupes dans les services publics, les multiples violences contre les femmes et notamment les femmes autochtones, l’absence d’équité salariale pour de nombreuses femmes, la privatisation des services de garde éducatifs, la discrimination systémique en emploi qui perdure pour toutes les femmes et en particulier pour les femmes racistes ou en situation de handicap, le mythe de l’égalité déjà là : la liste des barrières dressées devant les femmes semble se reproduire à l’infini. »

Notre corps et notre voix sont politiques, je le lis et je l’entends chez les écrivain.e.s, les auteur.ice.s, les artistes, les penseur.e.s féministes chez qui je tente de m’instruire. Alors, sortons de cet anonymat qui nous colle à la peau et élargissons les limites de nos possibles que ce soit avec un mouvement comme « Je n’ai plus peur » ou dans tout autre domaine. 

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire