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Arts et culture

Entrelacement de cultures théâtrales avec Daniel Brière

Culture
30 janvier 2021

Crédit visuel : Frederick Duchesne – Contribution

Entrevue réalisée par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Cheffe de pupitre Arts et culture

Mettre en scène les voix croisées de la Martinique et du Québec ; là est l’objectif de la pièce de théâtre Entends-tu ce que je te dis ? Kouté mwen titak ! disponible en ligne depuis le 18 décembre 2020 jusqu’au 30 juin prochain. Son metteur en scène, Daniel Brière, codirecteur artistique et général du Nouveau théâtre expérimental (NTE) de Montréal, discute de son œuvre, de sa carrière, et de sa vision du mélange des deux cultures. 

La Rotonde (LR) : Quel a été votre parcours professionnel ?

Daniel Brière (DB) : J’ai suivi une formation de comédien au Conservatoire d’art dramatique de Montréal, alors mes premiers pas dans le théâtre ont été comme acteur […], mais j’ai toujours été intéressé par toutes les formes d’arts, et tous les moyens de création. C’est là-bas que j’ai rencontré Jean-Pierre Monfort, le fondateur du NTE

Dès ma sortie du Conservatoire […], il m’a invité à faire des spectacles en tant qu’acteur. Dans son théâtre, chaque acteur.rice était amené.e à toucher à tous les départements de la création. On faisait donc beaucoup de productions collectives à l’époque, et presque toutes les décisions devaient être prises à l’unanimité. Naturellement, je me suis mis à vouloir faire de la mise en scène ; j’ai commencé à faire du théâtre à l’extérieur du NTE, et à créer des spectacles comme metteur en scène et comme créateur. 

LR: Quels sont les principaux thèmes abordés dans la pièce Entends-tu ce que je te dis ? Kouté mwen titak !  

DB : Au départ, le projet était un spectacle sur scène, joué ici au NTE à Montréal, mais aussi en Martinique, au théâtre Tropiques Atrium Scène Nationale. On a donc cherché un sujet et une façon de procéder ; on voulait vraiment qu’il y ait un échange entre les deux pays. On a fait une équipe mixte, composée d’auteur.rice.s, d’acteur.rice.s, et de concepteur.rice.s martiniquais.e.s et québécois.e.s […]. On s’est [finalement] réuni.e.s autour du thème des râleur.euse.s : ces gens qui s’expriment sur la place publique et qui sont souvent un peu décalé.e.s de l’actualité et de la réalité, mais qui prennent la parole. 

Chacun.e des auteur.rice.s a écrit quatre monologues d’environ 20 minutes, et moi j’ai pris ces histoires et je les ai séparées, scindées, pour en faire un montage. Mais la pandémie est arrivée, et on s’est rendu.e.s compte qu’on ne pourrait pas faire le projet comme prévu, et qu’on ne pourrait pas se retrouver sur scène […].

J’ai trouvé que ça avait beaucoup de sens de se déplacer depuis la place publique sur internet, parce qu’il y a beaucoup de râleur.euse.s sur le web aussi. Au fond, la parole des gens qui sont un peu en marge, décalé.e.s, ou à contre-courant, réinvente le monde, car elle confronte. Elle se lie à un désir de changement, et on sent que les gens qui prennent la parole dans le contexte de la pièce en ont assez du rythme de notre façon de vivre, où tout le monde est conditionné par la société.

LR: D’où vient cet intérêt d’entrelacer les cultures martiniquaise et québécoise ?

DB : Les thèmes de la Martinique sont intéressants, parce qu’il abordent l’émancipation, les femmes […]. Alors que les textes du Québec traitent plutôt de la solitude ; la solitude de gens dans la foule qui se sentent profondément fragiles, malades dans notre société, et qui ont besoin de trouver une façon de s’exprimer. Les thèmes abordés par les auteur.rice.s martiniquais.e.s et québécois.e.s sont très différents, mais ils reviennent toujours à cette idée de prendre la parole sur la place publique. 

Je trouve que c’est toujours très riche de se dépayser, et l’un des axes qu’on a peu rencontrés [jusqu’à présent], c’est celui vers le Sud. Le théâtre a tendance à aller vers l’Europe, là où il y a beaucoup de festivals par exemple. Il y a beaucoup de collaborations entre la France et le Québec, et c’est normal, puisqu’on y parle la même langue. Mais il y a eu moins d’échanges théâtraux avec les autres régions du monde.

Pour nous, c’était donc dépaysant de faire ce choix artistique. On s’est rendu.e.s compte en allant vers cette ancienne colonie française qu’est la Martinique, qu’on partageait beaucoup de choses, notamment par rapport à l’idée de mère patrie […], ou à la langue. L’importance du créole a sa place dans la pièce.

LR: Quels sont vos projets pour l’avenir ? 

DB : Mon prochain projet concerne une pièce de théâtre avec la compagnie autochtone Ondinnok, qui s’appelle L’enclos de Wabush. Évidemment, on veut la faire sur scène, donc [on fait au mieux pour] répéter, travailler avec les acteur.rice.s, monter le décor, et préparer un peu le tout. Pour l’instant, on s’apprête à faire une captation de la pièce, pas tant un film numérique, mais vraiment [un effort pour] capter la pièce. Cela va servir d’outil de promotion pour qu’on puisse, dès que l’on regagnera le droit d’ouvrir les théâtres, faire une tournée et présenter la pièce. 

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