Les débuts des Sophistocrats
Par : Gabrielle Lemire
Sophie Moreau Parent est une auteure-compositeure-interprète originaire d’Orléans en Ontario. Après des études en travail social à la Cité, un baccalauréat en anthropologie à l’Université d’Ottawa, elle a décidé d’aller étudier la musique au Collège Selkirk en Colombie Britannique. Elle revient dans la région pour lancer son projet The Sophistocrats avec un EP groove, trip-hop. L’album Together porte surtout sur la recherche de relations interpersonnelles plus saines que celles valorisées dans la culture populaire. L’album anglophone ne sonne que le début pour Sophie Moreau Parent, qui souhaite commencer à écrire en français à l’automne prochain. La Rotonde s’est entretenue avec cette diplômée de l’Université d’Ottawa.
La Rotonde: Quand as-tu réalisé que tu devais faire de la musique?
Sophie Moreau Parent: Je pense que ce qui m’a vraiment poussée à faire de la musique c’est que j’allais voir les shows et je me disais je veux être à leur place fait qu’il faut que je le fasse. C’est le feeling de l’envie, du « je veux être toi ». Je trouve qu’il fallait que je le priorise et parce que l’école c’était tellement implanté dans mon cerveau. Une fois que j’ai pris l’habitude de le faire beaucoup, c’est devenu un devoir. Si je passe une journée sans jouer, ça me chicotte. Je veux faire de la musique que les gens vont vouloir écouter, qui est accrocheuse, mais qu’il y ait quand même un message qui est valorisant, qui présente de la réflexion un peu. Je trouve que ce qui passe à la radio, c’est ça qui manque: les paroles, c’est la partie la moins recherchée. Les idéaux de relations que j’ai appris en écoutant Beyoncé et autres artistes c’est vraiment: «Si tu as de l’argent, j’aime ça. Et si tu m’ignores, j’aime encore plus ça. » C’est malsain. Je trouve que mes parents m’ont inculqué une bonne base pour l’estime de soi, mais au niveau des relations, c’est surtout la société qui m’a montré comment ça se passait.
LR: Qu’est-ce qui t’as le plus influencée lors de ton développement en tant qu’artiste?
SMP: Quand j’avais cinq ans, un garçon de ma classe apprenait à jouer du violon avec la méthode Suzuki et je suis revenue à la maison en disant que je voulais apprendre la méthode Suzuki. Donc j’ai joué du violon pendant deux ans et ensuite du piano pendant deux ans. Mes parents m’ont quand même encouragée dans tout ça. Moi, ce qui me manquait c’était la connexion avec d’autres personnes, parce que je ne jouais pas avec un groupe. Quand tu es toute seule, surtout en tant qu’enfant, c’est plate d’apprendre seule. Après, je suis partie en voyage à 19 ans. Je suis allée apprendre l’espagnol au Guatemala. Chaque jour, j’allais à l’école d’espagnol et je marchais devant un magasin de musique. J’avais beaucoup de temps libre, alors je me suis achetée une guitare et j’ai appris à jouer comme ça. Quand j’étais en voyage, c’est sûr que je me suis mise dans des problèmes moi-même, pour expérimenter. Je vivais vraiment plus pauvre, je parlais à des sans-abris, j’ai cherché un peu le trouble. Je me tenais avec des personnes, c’était eux les plus accessibles (les gens qui travaillaient pas), pour pratiquer mon espagnol. Mais même au secondaire, j’étais intriguée par les personnes problématiques, pour apprendre de leur vécu. Je suis vraiment quelqu’un qui expérimente.
L’idée du Kurt Cobain dépressif qui écrit des chansons sur son mal de vivre… souvent les gens ont besoin de ces chansons-là pour passer à travers de leurs épreuves. Selon moi, si tu souffres tous les jours, si ta vie est intolérable, change quelque chose. J’admire ceux qui bougent, qui changent quelque chose.
LR: Comment tes études à l’Université d’Ottawa ont influencé ta musique?
SMP: Quand je suis revenue, j’ai fait mes études en anthropologie à l’Université d’Ottawa. Vers la fin, j’avais encore le désir de faire plus de musique et mes parents sont vraiment axés sur l’école, donc ça a été ça mon angle. Vers la fin de mes cours d’anthropologie, j’avais pris des cours de world music, de musicologie, alors je m’étais dit que je pourrais faire une maîtrise en musicologie ou quuelque chose comme ça. Et ma mère, pour elle « maîtrise », elle était aux anges. Je me suis dit que je devais connaître la musique un peu plus. Donc avant d’aller au collège Selkirk dans l’ouest, où j’ai vraiment plus trouvé mes mentors, j’avais juste fait un open mic ici, c’est tout. Après ça, je me suis dit je vais aller apprendre la musique, j’ai été acceptée en chant. J’avais déjà écrit deux premières chansons qui m’étaient venues comme ça, qui sortent d’un coup, en un après-midi.
Qu’est-ce que tu as appris de plus utile au Collège Selkirk à Nelson en Colombie Britannique?
SMP: Je trouve que, vu que j’étais à l’école, on nous apprenait différentes ressources où on pouvait appliquer pour des bourses. Pour la vie artistique, c’est de connaître les ressources, avoir les contacts. C’est sûr qu’en trois ans, j’ai appris à connaître d’autres musiciens et les ressources de cette province-là, puisque le financement se fait vraiment par province. J’ai appliqué pour quelques bourses mais je n’ai pas reçu de financement en Colombie Britannique. La vie est plus chère, malgré que le salaire minimum ne soit pas aussi élevé. À Nelson, il y a beaucoup plus de musiciens qui passent par là comparé à la grosseur de la ville, donc ça j’ai beaucoup apprécié ça.
Mes mentors là-bas ça a vraiment été les autres étudiants, qui avaient 18, 19 ans, j’en avais 24. Mais ils avaient beaucoup plus d’expérience que moi. Les autres artistes femmes que j’aime bien aussi, je les considère comme modèles. J’étais surprise d’apprendre qu’au Bluesfest, 75% des artistes étaient des hommes. Un plus petit pourcentage il y a une fille dans le groupe et encore moins d’artiste où la fille est la tête d’affiche. Il y a vraiment une sous-représentation de la femme dans la musique. Je me souviens d’un groupe qui s’appelait Boys of Bytown, c’était un girls band. Mon background en anthropologie m’a ouvert à beaucoup de différentes manières de vivre. C’est quand même fascinant de voir que tu peux étudier des façons d’être comme tel. Mais faire carrière là-dedans c’est écrire et continuer à étudier, mais la femme qui donnait les cours de musique du monde avait dit que l’Unesco commençait à protéger des choses non physiques, comme la musique flamenco par exemple, donc c’est reconnu comme quelque chose qu’il faut protéger de la culture. Ces choses-là m’intéressaient. Ça m’a ouvert l’esprit à différentes façons de vivre, mais c’est le voyage qui m’en a appris le plus.
LR: Quels ont été tes voyages jusqu’à maintenant?
SMP: J’ai fait le Guatemala où je suis restée quatre mois. Ensuite, je suis allée au Mexique et j’avais rencontré des Mexicains qui faisaient de l’escalade en Colombie Britannique, alors j’avais été les rejoindre. Je suis restée là six mois. J’étais allée en échange au Chili à l’université aussi, et trois mois en Argentine. Je suis allée en Europe pour faire un cours de deux semaines en sciences politiques sur Berlin. C’est ce que j’aimais de l’université, de prendre les opportunités comme les échanges pour étudier dans un autre pays.
LR: Pourrais-tu me parler de tes prochains projets?
SMP: Je suis de retour à Rockland depuis septembre dernier, je veux renouer avec ma communauté et y faire ma place en musique et par le fait même, établir des liens avec des artistes de la région. J’ai remarqué qu’il n’y avait pas beaucoup de musique à Rockland et encore moins de concert pour les jeunes, donc je veux offrir la possibilité aux familles de la région d’assister à un concert suivi d’une discussion. Le projet que je veux terminer c’est The Sophistocrats, parce que j’ai étudié en anglais et j’écrivais en anglais en Colombie Britannique. Maintenant que je suis revenue ici, je veux inclure au moins 50% de mes chansons en français. Mais avec le projet en ce moment, j’aimerais inclure des chansons en français, pour pouvoir passer dans les écoles et parler de relations saines, que ça peut exister. Toujours en tant que soliste, je travaille à un prochain album sur lequel j’aurai des chansons en français. Je compte m’établir à long terme dans l’est ontarien et promouvoir la francophonie par la création de musique dans ma langue maternelle. J’ai aussi quelques amis qui font du rap en espagnol, donc j’aimerais les inclure dans un projet. Mais j’ai l’impression que ce projet-là devra être accompagné d’un voyage! (rires)
Sophie Moreau Parent sera de passage au pavillon Alex-Trebek vendredi le 4 mai prochain à 17h à l’occasion de la semaine des diplômés.