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Éditorial

La FÉUO et l’art de s’enliser

Rédaction
29 octobre 2018

Éditorial

Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

L’état des choses au sein de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) ne va pas pour le mieux, tout le monde le sait. Près de deux mois avant la résiliation du contrat la reliant à l’Université, on essaie tant bien que mal de se sortir du trou. Et pourtant le tout aurait dû être évité, et il aurait pu l’être.

Dans une lettre, le comité des représentants étudiants du Bureau des gouverneurs et du Sénat de l’Université d’Ottawa (l’U d’O) s’est formellement positionné en faveur de l’envoi de l’avis de résiliation le 24 décembre 2018. Quelques passages de cette lettre sont particulièrement intéressants dans l’optique de la dégénération de la situation. Par exemple, le premier incarne le sentiment général qui plane à l’égard de la réactivité de la FÉUO.

« Cet avis est le résultat d’un manque de réponse de la part des membres de l’exécutif de la FÉUO et du Conseil d’administration [CA] en ce qui concerne les allégations de fraude ».

Premier élément, le manque de réponse. Lorsque La Rotonde a dévoilé les allégations de fraude le 9 août 2018, les réactions ont commencé à s’empiler les unes sur les autres. Il y avait pourtant une voix qui est restée particulièrement silencieuse.

Aucun communiqué. Aucune publication sur les réseaux sociaux. Aucun message à ses membres. La FÉUO est restée penaude, cachée dans ses bureaux, insensible au problème.

La Rotonde non plus n’a pas vu ses demandes d’entrevues et de commentaires mener à grand-chose. En fait, depuis la fin d’avril 2017, une seule demande s’est avérée être un succès : durant l’été, quelques semaines après la demande initiale. Depuis le début de la session ? Absolument rien. Le responsable des relations avec les médias de la FÉUO, Rizki Rachiq – qui est aussi président reclus et directement nommé dans les allégations de fraude –, avait accordé cette unique entrevue avant le scandale. Depuis son retrait, la situation est la même sous la présidence intérimaire de Paige Booth.

Et pourtant le contexte était facile à comprendre : les étudiant.e.s voulaient des réponses, cherchaient à être rassuré.e.s quant à la prise au sérieux des responsabilités de l’organisation.

Mais non. Les seules actions directes et publiques de la FÉUO à ce moment-là vis-à-vis des demandes d’information du public ont été de supprimer des commentaires sur leurs réseaux sociaux.

Qui responsabiliser ?

Second élément intéressant, on réfère dans ce passage de la lettre aux membres de l’exécutif, mais aussi au CA de la FÉUO. Souvent oublié et au rôle négligé par la communauté étudiante, il est temps, une fois pour toutes, de responsabiliser concrètement cet organe décisionnel.

Ce sont les membres de ce conseil qui devaient décider s’il y aurait suspension des individus nommés dans les allégations de fraude. Le CA a décidé que cela ne se produirait pas.

Ce sont eux qui avaient à approuver l’étendue de la vérification juricomptable. Résultat ? Elle ne comprendra pas les dépenses des membres de l’exécutif, pourtant un élément primordial à la suite des allégations.

Ce sont eux qui ont décidé que le rapport de l’audit ne pourrait être utilisé dans le but d’entamer des poursuites judiciaires sauf décision contraire de ce même CA.

À la fin de la journée, on peut pointer du doigt certains individus pour les allégations qui ont parti le bal. Mais ce sont les membres du CA, qui ont décidé de ne rien faire en leur capacité de représentant.e.s élu.e.s par les étudiant.e.s, et qui ont fait en sorte que les choses se soient rendues là où elles en sont, qui doivent être remis en question.

Comparons cela de manière très simpliste au rôle des juges, malgré que la comparaison ne soit pas flatteuse pour ces derniers. Ils doivent non seulement prendre des décisions neutres et impartiales à la lumière des faits, ils doivent aussi conserver une apparence de neutralité et d’impartialité. Pourquoi ? Parce qu’à défaut de cette impression, le public peut commencer à douter et remettre en question leurs décisions sur des bases d’allégations de partialité. Résultat ? On perd confiance en ce système.

C’est a contrario de ce principe que les choses se déroulent au sein du CA de la FÉUO. Ses administrateurs avaient des informations devant eux, certes des allégations, mais dont le contenu sérieux nécessitait au moins des actions temporaires concrètes. Ils ont décidé d’aller à l’encontre de toute logique, négligeant la confiance des étudiants  alorsqu’ils se sont battus pour les représenter, à moins qu’au fond ce ne fût que pour se servir soi-même.

Des doutes sont ensuite apparus. Pourquoi tant d’employés de la FÉUO étaient-ils des représentants par procuration lors de la réunion où l’on a voté au sujet de motions d’envergure, dont celles des suspensions ? Pourquoi, comme par hasard, certains de ces représentants par procuration étaient d’anciens candidats du parti Uni.e.s, le même que celui des personnes visées par les allégations ? Pourquoi est-ce que les représentants de ce même parti ont voté en bloc contre toutes réelles mesures à ce moment-là ?

La réponse est simple. La structure de la FÉUO est empreinte par la subjectivité des décisions, l’importance des relations ainsi qu’un égocentrisme particulièrement présent. Tout est personnel, on oublie alors de voir réellement les choses telles qu’elles sont.

Se sauver la face

Une seconde citation du comité des représentants étudiants résume de manière concise l’opinion générale quant aux soudains changements de comportement de la FÉUO. Tout à coup on prône la transparence, on organise des séances d’information, on « s’excuse ». Par contre, cette mentalité a changé à un moment très précis, ce qui soulève quelques doutes raisonnables quant à la sincérité de ce nouveau visage.

« Bien que nous trouvions les mesures prises par la FÉUO lors de la récente réunion du [CA] rassurantes, nous reconnaissons que ce ces mesures ont été prises en dépit de l’avis récent de résiliation de l’entente entre [l’U d’O] et la FÉUO ».

Les cosignataires touchent au bon endroit. Ce n’est qu’après que la FÉUO ait réalisé qu’il y avait des conséquences à leur manque d’action que, soudainement, on a eu la brillante idée d’agir.

Son existence en jeu et fort probablement sur ses derniers milles, l’organisation joue le tout pour le tout. Mais c’est trop tard. Le lien de confiance avec l’administration et, plus important, ses propres membres est impossible à remettre en place.

C’est un peu comme si la FÉUO essayait de remplacer la soudure par de la colle blanche pour bricolage. On regarde ça en se disant que cette naïveté est cute, mais aussi avec une certaine pitié en se demandant si on devrait juste lui dire que non, ça ne va pas marcher.

C’est trop peu, trop tard. Mais au moins ça se fait.

Ce n’est que sur son lit de mort que la FÉUO s’est rappelée de ce pourquoi elle existait. Ce n’est qu’à la toute fin qu’elle s’est dit qu’un brin de redevabilité, ça ne ferait pas de mal.

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