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Arts et culture

Est-ce la fin du mouvement #moiaussi ?

Culture
4 novembre 2019

Crédit visuel;  Andrey Gosse – directeur artistique 

Par Clémence Roy-Darisse – Cheffe du pupitre Arts et culture

En 2017, l’important producteur hollywoodien Harvey Weinstein est accusé par des centaines de femmes d’agressions sexuelles et de viol. L’actrice Alyssa Milano réagit alors à cet événement en publiant sur Twitter « if you’ve been sexually assaulted write « me too » as a reply to this tweet ». Boom. Plus de 60 000 commentaires suivront.

#Moiaussi ; un mouvement international contre la culture du viol est lancé et le milieu culturel n’est pas épargné. Des mesures de prévention par le ministère québécois de la culture québécois suivront. En 2019, avons-nous fait le tour de la question ?

Octobre 2017

Je me souviendrai toujours d’octobre 2017. Les yeux rivés sur mon Facebook, j’apercevais le nom d’une dizaine d’amies qui dénonçaient l’irréparable qu’elles avaient vécu. Estomaquée et triste de ne l’avoir pas su, je me suis posée la question : si elles ne l’ont pas raconté à leur meilleure amie, à qui l’ont-elles dit ?

Sûrement pas à la police, sachant à quel point il est difficile de prouver quoi que ce soit. Enragée d’en apprendre sur leur silence, j’ai été par le fait-même confronté au mien. J’hésitais à ajouter mon nom, à écrire #moiaussi parce que j’avais honte de ce qui était arrivé, parce que je doutais du poids de mes paroles, que j’avais peur des remises en question, des simples questions aussi. 

Au moment où Gilbert Rozon, Éric Salvail, Gilles Parent et quelques autres ont été dénoncé, j’ai eu espoir que le silence face à la culture du viol, particulièrement dans le milieu culturel, soit brisé. Que les victimes ne soient plus pointées du doigt, qu’elles n’hésitent plus avant de dénoncer, qu’elles se rendent à la police, à la cour, confiantes qu’on les écoute et que justice sera rendue. 

En 2018, je lisais que 900 000$ ont été déposés au Québec afin de diminuer les agressions sexuelles ainsi que le harcèlement dans le milieu culturel québécois.

L’Union des artistes (UDA) a, entre autres, reçu 360 000$ pour mettre sur place un guichet d’aide et d’accompagnement aux victimes : « L’Aparté ». En 2019, je lis que l’INIS a aussi lancé une plateforme nommée « Il était une fois… de trop » destinée à faire comprendre le harcèlement sexuel dans le milieu culturel. De belles initiatives que je souhaite définitivement encourager. 

Mais ce n’est pas assez, considérant qu’il semble toujours s’agir d’un enjeu. 

Femmes dans la balance culturelle

Le milieu culturel est injuste face à ce genre de question et nous fait marcher sur des oeufs. Qu’est-ce qui est acceptable, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Les frontières restent floues et permettent les dépassements, les actes irréversibles. 

Des postes privilégiés, tels que la mise en scène, la direction artistique et la réalisation, par exemple, exercent un pouvoir important et restent encore aujourd’hui la chasse gardée des hommes. À Montréal, par exemple, un seul théâtre atteint la parité homme et femme en mise en scène. 

Ces inégalités structurelles favorisent les dépassements dans un milieu caractérisé par la précarité d’emploi. L’interprète se trouve livré aux décisions de son supérieur, plus souvent masculin, et presque confiné à les réaliser, sous le prétexte de la création, d’une offre de contrat, d’un lien artistique qui débute.

Sachant que la forte majorité des victimes sont des femmes et que la forte majorité des agresseurs sont des hommes, la situation est troublante. 

Milieu particulier

Dans un milieu où le travail est basé sur la proximité entre les membres d’une équipe et l’abandon ; jusqu’où la création peut-elle aller ? Comment définir la notion de consentement dans un cadre où le corps de l’acteur est la matière première du travail ? 

Face à toutes ces questions, les réponses restent difficile à cerner. S’attaquer à la précarité de l’emploi ? Des conditions de travail plus stables pourraient diminuer les conséquences de briser le silence.

Sensibiliser ? Il faudrait, oui, en parler et demander le consentement aux interprètes plutôt que le prendre pour acquis. Il faudrait aussi avoir plus de temps et donc d’argent pour créer afin de réaliser et mettre en scène des séquences comportant des actes sexuels avec toute la complexité, la sensibilité et le respect des collègues qu’elles exigent. 

Exiger la parité dans les milieux culturels au sein des postes importants de pouvoir peut représenter une solution. On peut aussi présenter plus de textes de femmes, qui dénoncent la question, reconnaître en soi et en nos collègues les biais sexistes et la promotion de la culture du viol. 

Il est difficile de renoncer à quoi que ce soit face à quelqu’un d’important dans le milieu, ardu de confronter un collègue face à ses idées, ses biais, ses propos, compromettant de parler. Mais dans un milieu où l’exploration de l’humain règne, où nous avons le privilège de s’exprimer, choisissons bien les actions et les mots.

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