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Le Franglais, une habiletée linguistique plus qu’une faiblesse ?

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26 février 2018

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Par : Charley Dutil – Journaliste

Il n’est pas rare en tant que francophone sur le campus de l’Université d’Ottawa (U d’O), d’entendre des conversations alliant le français et l’anglais créant un dialecte surnommé « le franglais ». Pour plusieurs, ce phénomène est un danger pour la langue. Cependant, pour la sociolinguiste et professeure de linguistique de l’U d’O, Shana Poplack, qui étudie depuis les années 1980 le dialecte francophone de la région d’Ottawa, le franglais n’est non seulement pas un danger pour la langue française, mais donnerait du caractère au français Canadien.

Une étude de longue durée

Poplack a dédié plusieurs décennies de sa carrière à l’évaluation de l’effet du franglais sur la langue française. Pour cela, la sociolinguiste originaire de Pennsylvanie a enregistré des centaines de conversations entre francophones au cours des quatre dernières décennies, avant de les analyser scientifiquement grâce à des algorithmes pour déceler les différents mots, les tournures de phrases ainsi que les conjugaisons de verbes utilisés.

Poplack déduit de cette recherche « que moins d’un pour cent du vocabulaire utilisé par les locuteurs de la langue française est d’origine anglaise ». Soit approximativement vingt mille mots sur un total de 4 millions de mots analysés. La professeure ajoute que selon elle, « quand les gens conjuguent un mot anglais dans une phrase en français, ils le font sans s’en rendre compte ».

Une habilité linguistique

Ainsi, si le stéréotype couramment employé voudrait que ces personnes le fassent parce qu’elles ne connaissent pas ou ne se rappellent pas du mot en français, Poplack souligne que « dans la majorité des cas cela est faux, les gens mélangent les mots anglais dans des phrases en français puisque souvent pour eux le mot est plus cohérent avec la tournure de la phrase ou démontre plus précisément le point que ceux-ci tentent de faire ».

Poplack conclut alors que « le franglais n’est pas un signe de faiblesse linguistique, mais plutôt une habilité ». Pour elle, « la langue française est en évolution constante, à chaque génération de nouveaux mots s’ajoutent » et « certains de ces mots sont des mots anglais. Par exemple, si on pense aux sports du tennis et du hockey, il s’agit ici de mots anglais qui sont utilisés couramment dans la langue française. Elle souligne cependant que souvent un nouveau mot sera inventé en français pour remplacer le mot originel anglophone, comme ce fut le cas pour le mot courriel ».

Un accueil mitigé

Pour plusieurs étudiant.e.s francophones, le franglais semble être quelque chose de normal. Pour Yohan Louise, étudiant franco-ontarien de deuxième année à l’école de gestion de Telfer, « le franglais est naturel, c’est le jargon populaire des gens bilingues ». Ce dernier souligne cependant que « le franglais ne devrait pas être la manière de converser par défaut d’un francophone » et estime pour sa part que « le franglais a un mauvais impact sur le français ». « Lorsqu’on parle, nous ne traduisons pas les mots anglais, nous les utilisons dans le contexte de la phrase », explique-t-il.

De son côté, Émilie Morissette, étudiante québécoise de deuxième année en droit civil croit que « le franglais est le résultat du bilinguisme des gens de la région et que tant que le français standard en classe est enseigné sans anglicismes, il n’y a pas de danger que le français soit envahi par l’anglais ».

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