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Éditorial

Des politiques de bilinguisme hypocrites

Web-Rotonde
11 mars 2013

– Par Vincent Rioux – 

Le Mois de la francophonie est arrivé sur le campus de l’U d’O. Durant 30 jours, l’Université canadienne célébrera le fait français, dépeignant celui-ci comme une vertu des plus chères à ses yeux.

Loin de nous l’idée de remettre en cause cette intention de l’Université de mise en valeur la francophonie. Similairement à l’Université, l’une des valeurs fondamentales de La Rotonde est de « promouvoir et défendre les intérêts et le bien-être des francophones et de la culture canadienne française ». L’U d’O, quant à elle, a pour principe de « favoriser le développement du bilinguisme et du biculturalisme, [de] préserver et [de] développer la culture française en Ontario. »

Bien que La Rotonde et l’U d’O semblent avoir des valeurs convergentes à certains égards, en pratique les politiques linguistiques de bilinguisme systématique et institutionnalisé sont un danger mortel pour la survie de la minorité francophone et fondatrice de l’Université.

Cette institution qui, durant une partie de son histoire, a été composée d’une majorité de francophones et d’une minorité d’anglophones, voit aujourd’hui un défi de taille se dresser devant elle. Avec l’important afflux d’étudiants étrangers depuis les dix dernières années, et la communauté francophone en position minoritaire à l’Université, nous sommes en droit de croire que les mesures pour promouvoir la culture canadienne-française et sa langue devront recevoir une sérieuse réforme si elles espèrent accomplir le mandat de l’Université.

Les francophones, contraints de s’exprimer en anglais

Nous croyons que l’U d’O devrait sérieusement se questionner sur l’efficacité des protocoles linguistiques en place. Ceux-ci permettent-ils vraiment de « favoriser le développement du bilinguisme » quand, manifestement, seule une des deux minorités linguistiques est bilingue?

On le constate facilement qu’une majorité de francophones est bilingue, et qu’une minorité d’anglophones s’exprime aisément et couramment dans les deux langues. Les francophones parlent presque tous l’anglais, non pas par choix, mais plutôt par contrainte. Le fait qu’ils soient une minorité ethnique dans un contexte socio-culturel majoritairement et outrageusement anglo-saxon, les contraint à devenir bilingues, pour ne pas dire à être assimilés. En demandant systématiquement aux francophones de parler le bilingue, on dévalorise le français et on défavorise son utilisation. Du même coup, les anglophones sont moins portés à adopter le français comme langue seconde.

De toute évidence, les politiques de bilinguisme assujettissent tacitement les francophones à s’exprimer en anglais. Pour renverser la vapeur, La Rotonde croit fermement que l’U d’O doit revoir ses moyens de communication et prendre des mesures pour mettre un frein à cette assimilation, puisque le bilinguisme institutionnel – en vérité bien défaillant car faisant preuve de complaisance à l’égard des anglophones – entraîne l’anglicisation des étudiants francophones.

Les anglophones, défavorisés par les politiques de bilinguisme

Par ailleurs, on demande aux anglophones de parler français afin d’assurer cette pseudo réciprocité dans l’application des politiques de bilinguisme: nous réclamons des anglophones qu’ils parlent français uniquement pour pouvoir s’autoproclamer « bilingue ». Toutefois, est-ce que fréquenter l’U d’O est un gage de l’apprentissage du français comme langue seconde pour les anglophones? Peut-être bien que, jadis, c’était le cas. Permettez-nous d’en douter aujourd’hui.

Force est de constater que les mesures en place pour favoriser l’utilisation du français chez la communauté anglophone sont caduques. En ce sens, nous ne pouvons que constater l’échec de l’U d’O dans l’accomplissement de son mandat, consistant à « favoriser le développement du bilinguisme ». L’U d’O s’acharne à vouloir promouvoir le bilinguisme comme si c’était une valeur qu’elle chérissait véritablement, comme si l’U d’O faisait tout son possible pour promouvoir l’utilisation du français chez les anglophones. Si l’U d’O veut vraiment encourager l’utilisation du français chez les anglophones, il va falloir qu’elle se francise considérablement à plusieurs niveaux et qu’elle cesse de bilinguiser systématiquement les francophones qui sont les seuls vecteurs de la francophonie.

D’abord, pour favoriser le bilinguisme, il faut faire en sorte que plus d’anglophones soient exposés à la langue de Molière. Comme on le fait avec l’anglais chez les francophones, en les forçant à en faire l’utilisation quotidiennement, l’U d’O doit prendre des mesures pour s’assurer que ce soit une nécessité également pour les anglophones d’utiliser le français régulièrement. Évidemment, cela passe par une communauté francophone forte, à qui l’U d’O a le devoir de s’adresser uniquement en français. L’anglais en Amérique du Nord est envahissant, et l’U d’O n’a nul besoin d’en faire la promotion auprès des francophones.

S’adresser en français aux francophones

Si l’U d’O a la prétention de faire la promotion du biculturalisme et du bilinguisme, elle doit cesser d’élaborer et de rédiger tous ses messages en anglais pour ensuite les traduire bêtement en français. Puisque les francophones ont une culture distincte, pourquoi leur adresser des messages conçus et rédigés en anglais et traduits mot à mot vers le français?

La langue est un outil nécessaire et fondamental à une culture. La diversité linguistique est une richesse naturelle pour la communauté ottavienne. Or, cette richesse naturelle est en cours de dilapidation. L’U d’O doit immédiatement changer sa façon d’interagir avec les francophones pour mettre un terme à cette tragédie.

L’Université canadienne doit prendre un virage radical et cesser toute traduction littérale de l’anglais au français dans ses communications. Elle doit penser, rédiger et agir en français lorsqu’elle s’adresse aux francophones. Elle doit aussi assurer plus d’espaces unilingues francophones sur le campus et, ultimement, rétablir lentement mais sûrement une proportion égale des deux communautés culturelles sur le campus, ce qui passe inéluctablement par un poids démographique égal des francophones et des anglophones.

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