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Implication étudiante, enjeux et perspectives

Crédit visuel : Élodie Ah-Wong— Directrice artistique

Chronique rédigée par Michelet Joseph — Chef du pupitre Actualités

Partant d’un constat général, tiré de mes expériences au secondaire puis à l’université en Haïti, et aujourd’hui au Canada, je constate un manque d’intérêt des étudiant.e.s à s’engager dans la vie associative universitaire et, dans un cadre plus large, à s’impliquer dans la vie sociopolitique de la cité, au sens platonicien du terme. Je m’interroge alors sur les raisons de ce phénomène : Comment comprendre ce désintérêt et quelles pistes envisager pour encourager, voire amener les étudiant.e.s à s’impliquer davantage ?

Redonner du sens à l’engagement étudiant 

Dans le tumulte de la vie universitaire, entre les échéances, les emplois à temps partiel et la pression du quotidien, une question me revient sans cesse : pourquoi si peu d’étudiant.e.s choisissent-ils.elles de s’impliquer activement dans la vie associative de leur campus ? C’est une interrogation que je porte non seulement comme observateur, mais aussi comme acteur, en tant que vice-président de l’Association des étudiantes et étudiants de l’Université Saint-Paul (AÉUSP). Cette préoccupation s’est d’ailleurs  renforcée lorsque j’ai participé à la 45e Assemblée générale annuelle de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ), tenue à Toronto du 31 octobre au 4 novembre.

On a souvent tendance à pointer du doigt un prétendu désintérêt généralisé des étudiant.e.s. Pourtant, cette lecture me paraît trop simpliste. Les étudiant.e.s ne sont pas indifférent.e.s : iels sont fatigué.e.s, surchargé.e.s, parfois désillusionné.e.s. Beaucoup jonglent entre leurs études, un emploi, les responsabilités familiales et les défis liés à la santé mentale. Dans ces conditions, l’engagement collectif devient souvent une option de luxe, réservée à celles et ceux qui ont le temps et les ressources.

Mais au-delà de la fatigue, c’est aussi le sens même de l’implication qui semble s’être dilué. Beaucoup d’étudiant.e.s ne voient plus l’impact concret que peut avoir leur voix. Les structures de représentation leur paraissent distantes, bureaucratiques, parfois inefficaces. On leur parle de comités, de procès-verbaux, de budgets, alors qu’iels recherchent avant tout un espace où exister, être entendu.e.s, contribuer à des causes qui les touchent.

L’implication étudiante reste encore trop souvent invisible ou sous-évaluée. Peu de programmes reconnaissent l’engagement bénévole ou communautaire comme un véritable apprentissage. On valorise les notes, les diplômes, les stages, mais rarement l’engagement. Pourtant, c’est dans ces moments pratiques, qu’il s’agisse d’organiser une activité, de représenter ses pair.e.s ou de débattre d’un enjeu collectif, que les compétences de leadership, de communication et de négociation se développent réellement.

Lors de l’assemblée générale annuelle de la FCÉÉ cette année, où j’ai côtoyé des leaders étudiant.e.s venu.e.s de partout au Canada, j’ai pu constater à quel point cette forme d’engagement transforme les parcours individuels. Les étudiant.e.s impliqué.e.s y apprennent à décoder les dynamiques institutionnelles, à défendre leurs droits, à construire des coalitions. Ce sont des apprentissages qui valent bien un crédit universitaire.

L’implication comme acte d’émancipation

À travers mon parcours, j’ai toujours perçu l’engagement comme un levier d’émancipation. C’est un espace où l’on apprend à s’exprimer, à douter, à confronter les idées, à écouter les autres. En ce sens, l’implication étudiante n’est pas qu’un geste altruiste : elle est profondément formatrice. Elle permet de sortir du rôle de consommateur.rice de savoirs pour devenir un.e acteur.rice de changement, participant à la construction d’une communauté.

À l’Université Saint-Paul, je vois chaque jour la richesse que représente la diversité de nos parcours. Nous venons d’horizons différents, portons des rêves multiples. Pourtant, ce qui nous unit, c’est cette volonté de contribuer à une université plus juste, plus inclusive, plus vivante.

Pour redonner du souffle à l’implication étudiante, je pense qu’il faut changer la culture institutionnelle. Les universités, à l’instar du programme Apprentissage expérientiel de l’Université d’Ottawa,  devraient plus reconnaître l’engagement comme une composante essentielle de la formation citoyenne. Cela pourrait passer par la création de crédits pour projets communautaires, la valorisation du bénévolat dans les dossiers académiques, ou encore le financement de plus d’initiatives étudiantes.

Mais la responsabilité n’est pas uniquement celle des institutions. Chaque étudiant.e a un rôle à jouer. S’impliquer, ce n’est pas nécessairement présider une association ou siéger à un conseil. Cela peut être aussi simple que de participer à une assemblée générale, de soutenir une campagne étudiante, ou de proposer une idée constructive. L’engagement, c’est avant tout une manière d’habiter son université, de cesser de la subir, pour commencer à la façonner.

S’impliquer, c’est aussi résister

Dans un contexte où l’éducation tend à se marchandiser, où l’étudiant.e est de plus en plus considéré.e comme un.e client.e, particulièrement les étudiant.e.s internationaux.les au Canada, s’impliquer devient un acte de résistance. C’est refuser l’individualisme imposé par le système. C’est défendre une vision collective de l’éducation. C’est croire que la réussite se mesure aussi en solidarité, en entraide, en capacité à faire communauté.

Lors de l’Assemblée générale de la FCÉÉ, ce message a résonné avec force: « Les étudiant.e.s uni.e.s ne seront jamais vaincu.e.s. »  Ainsi, les délégué.e.s voulaient rappeler que les mouvements étudiants ont toujours marqué l’histoire du pays, des luttes menées pour l’accessibilité à l’éducation aux combats contre les discriminations.

L’engagement comme héritage et comme avenir

Nous vivons une époque où l’indifférence semble plus confortable que l’action. Pourtant, sans implication, aucun changement n’est possible. Les étudiant.e.s doivent comprendre qu’en s’engageant, iels ne servent pas seulement leur campus. Iels se forment à la citoyenneté, et deviennent les architectes d’une société plus humaine. Et si chaque étudiant.e décidait aujourd’hui de poser un petit geste, de participer, de s’exprimer, l’université deviendrait ce qu’elle devrait toujours être : un lieu d’apprentissage du vivre-ensemble, du courage et surtout de la transformation sociale.

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