
Instants détournés : repenser notre perception de la réalité
Crédit visuel : Élodie Ah-Wong— Directrice artistique
Article rédigé par Sandra Uhlrich — Journaliste
Dans la galerie de l’organisme Voix Visuelle, située sur la rue Montréal, Catherine Garcia Cournoyer a récemment inauguré sa toute nouvelle exposition : Instants détournés. À travers ses photographies, l’artiste nous transporte dans un univers unique, mélangeant réalité et abstraction.
Du figuratif à l’abstraction
Constituée d’une dizaine d’œuvres, son exposition s’articule autour de la juxtaposition d’images. Garcia Cournoyer superpose numériquement plusieurs de ses photographies, créant une toute nouvelle composition : « C’est une jonction entre deux types d’images différentes qui viennent recréer un nouvel espace imaginaire que l’on n’aurait pas pu créer avec la réalité du quotidien. »
Sa base de travail repose en effet sur des éléments familiers : des nuages, des plafonds, du gravier, des escaliers, un arbre, etc. Autant de détails anodins auxquels on ne prête pas forcément attention.
Pour l’artiste, ces détails n’apparaissent véritablement qu’à l’issue d’une observation prolongée. Lorsqu’elle les assemble, ils perdent aussitôt leur caractère anodin. Elle confie éprouver un réel plaisir à explorer les contrastes : « Je joue avec cette idée de deux opposés qui se rejoignent pour créer une nouvelle harmonie. » Ainsi, nombre des œuvres exposées mêlent des éléments naturels, organiques, à d’autres plus structurels et géométriques. Son fil conducteur demeure le même : éveiller la curiosité.
La photographie : réalité ou perception ?
L’artiste aime également explorer la contradiction entre photographie et abstraction. En effet, il est commun de penser qu’une photographie capture un moment-T dans son exactitude : ce que montre la photo est nécessairement vrai.
Garcia Cournoyer le concède : « La photographie à la base, cherche à figer dans le temps un instant. » Pourtant, elle rappelle aussi que la photographie a toujours eu un caractère modifiable dès ses débuts. Même à l’époque de la photographie argentique, les retouches étaient déjà courantes.
Ainsi, l’artiste pluridisciplinaire s’intéresse davantage à ce que les photographies peuvent nous raconter qu’à ce qu’elles nous montrent : « J’expérimente un peu avec l’idée du souvenir modifié, détourné, qui crée une nouvelle réalité. » Ce sont des instants détournés.
L’œuvre « Lueur d’espoir » incarne parfaitement cette idée. À première vue, il est compliqué d’identifier les composantes. Gracia Cournoyer explique avoir utilisé un plan rapproché de l’urne de son grand-père. Elle part donc du figuratif pour évoquer une histoire : celle de l’espoir.
Par leur caractère abstrait, ses œuvres permettent à chacun de se les approprier de façon subjective. Pour la photographe, il est normal que chacun.e ressente une émotion différente par rapport aux images, en fonction de son vécu et de son état du moment.
Bien que la photographie demeure fondamentalement à l’honneur dans son travail de création, Garcia Cournoyer y glisse tout de même un clin d’œil à ses premières amours, par le choix du papier sur lequel ses œuvres sont imprimées. En effet, designer graphique de métier, formée en peinture, elle travaille notamment à l’encre de Chine. Elle a ainsi choisi d’imprimer ses photos sur du papier aquarelle, afin de jouer encore davantage avec les textures.
Pour ces prochaines œuvres, elle souhaite approfondir cette rencontre entre une pluralité de disciplines, en liant illustration et photographie. Elle partage : « C’est un nouveau style que je suis en train de développer en ce moment, l’illustration combinée avec mes montages photographiques. » Un nouveau style de juxtaposition donc.
La Galerie de Voix visuelle
L’organisation « Voix visuelle » a vu le jour en 2007 dans le secteur de Vanier. Comme le souligne Ruth Egue, l’actuelle directrice générale du centre, « [ils.elles] travaillent au rayonnement des artistes francophones, particulièrement en arts visuels numériques. » Des ateliers sont proposés aux membres, et l’organisation « Voix visuelle » offre un espace d’exposition à ses artistes, dans lequel Garcia Cournouyer expose actuellement.
Pour Egue, c’est une richesse de pouvoir mettre de l’avant ce que les artistes franco-ontarien.ne.s ont comme créativité, surtout dans un milieu où ils sont minoritaires. Une communauté dynamique qui, selon elle, mérite d’être reconnue.
