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La cérémonie des grades : entre fierté et contestation

Sarah Matmata
17 juin 2025

Crédit visuel : Jessica Malutama – Co-rédactrice en chef

Article rédigé par Sarah Matmata – Journaliste

« Pourquoi ne commenceriez-vous pas par vous applaudir pour ce que vous avez réussi ? ». Ces mots, prononcés par Jacques Frémont, recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa (U d’O), ont ponctué les dernières cérémonies de grades de son mandat. Dans une atmosphère euphorique, entre célébration et protestation, fierté et contestation étaient palpables parmi les diplômé.e.s, leurs proches et le corps universitaire.

Fierté identitaire au cœur des cérémonies

Au troisième étage du Centre Rogers, un bourdonnement de voix et de pas fait vibrer l’édifice, tandis que certain.e.s endossent des robes universitaires, et que d’autres arborent des bouquets, des sifflets, des drapeaux. Si ces dernier.ère.s se sont rassemblé.e.s, ce n’est pas un hasard : du 8 au 12 juin dernier, les finissant.e.s 2025 de l’U d’O se sont vu remettre leur grade.

Ils.elles défilent sur l’estrade à l’appel de leurs noms, sous les regards du personnel académique et des applaudissements de leurs proches. Selon Matt Archibald, directeur des programmes de premier cycle à la Faculté de gestion Telfer, la collation des grades est « une occasion précieuse pour s’engager pleinement dans une célébration symbolique. »

Parmi les finissant.e.s, quelques-un.e.s revêtent des écharpes, chacune portant un message identitaire unique, malgré un dénominateur commun: la fierté. C’est ce que témoigne Maryse Mujinga Kalonga, finissante au baccalauréat en comptabilité de Telfer.

« J’ai porté un drapeau [congolais] aujourd’hui parce que ça représente ma culture, et je voulais justement [le] mettre […] en avant, et montrer aussi à toute ma communauté que nous avons tous.te.s une chance ici, une chance de finir dans une université prestigieuse », précise-t-elle.

Porter les luttes jusqu’à la scène des grades

Lors de son discours d’introduction, Frémont a déclaré : « Nous vivons une période bouleversante ». En réaction à ces propos, Liz, diplômée d’un baccalauréat interdisciplinaire en études contemplatives et humanité numérique à la Faculté des Arts, considère qu’il « faut mettre en lumière le scholasticide qui a lieu [à Gaza]. Il n’y a plus d’universités [là-bas] ».

EIle a ajouté  : « Plusieurs étudiant.e.s qui étaient en plein milieu de leur éducation ont été arrachés à cette opportunité, donc [la cérémonie est] l’évènement parfait pour porter attention à cela. »

Nombreux.ses.s diplômé.e.s ont exprimé leur solidarité envers la cause palestinienne par le port du keffieh, symbole de lutte et de résistance. Liz poursuit : « L’université maintient des investissements liés, directement ou indirectement, à des fonds alimentant le génocide. »

D’autres régions en proie aux conflits se sont également retrouvées au cœur des revendications des étudiant.e.s, notamment Haïti. Ceux.celles issu.e.s de cette diaspora ont revêtu des écharpes aux couleurs du drapeau haïtien. Un étudiant originaire du pays a dénoncé l’instabilité sécuritaire et la crise humanitaire qui sévissent depuis 2017.

Et maintenant ?

Dans ses allocutions au public, Frémont a insisté sur les transformations majeures qui traversent le monde universitaire, dont l’irruption de l’intelligence artificielle (IA), désormais omniprésente dans les méthodes de travail et d’apprentissages.  

Face à cette révolution technologique, le recteur a posé la question suivante : « L’IA va-t-elle vous rendre obsolète ? ». Il a enchaîné : « Absolument pas. Au fil des votre parcours universitaire vous avez développé des compétences précieuses […] [dont] la plus importante à l’ère de l’IA, […] la pensée critique ».

Gwendelyn Hanna, l’une des majores de promotion de la Faculté des arts, a souligné quant à elle l’apport des disciples qu’elle a étudiées :  « Ces domaines profondément humains nous ont appris à écouter, à comprendre et surtout, à imaginer et à créer. » Elle a ajouté  : « Et maintenant, en tant que futur.e.s diplômé.e.s de la Faculté des arts, [une question revient] : alors, que vas-tu faire avec ton diplôme ? », a-t-elle glissé avec un sourire.

Malgré les incertitudes, plusieurs intervenant.e.s ont tenu à rassurer les finissant.e.s quant aux multiples chemins qui s’ouvrent à eux.elles. La chanteuse Alanis Morissette, originaire d’Ottawa et récemment décorée d’un doctorat honorifique, a ainsi partagé ce message : « Si la peur vous gagne face à l’avenir de votre vie ou de votre carrière, je vous encourage à revenir à l’essence de ce que vous aimez. »

Alors que certain.e.s s’apprêtent à entamer un nouveau chapitre, d’autres tournent une page, à l’instar du doyen de la Faculté des Arts, Kevin Kee. Celui-ci a invité les étudiant.e.s à se souvenir de ceci :  « Aujourd’hui, vous prenez votre envol et avez l’opportunité de répandre encore plus de bienveillance, d’énergie positive et d’amour […]. Abordez votre vie et votre carrière avec sincérité : construisez des ponts, non des murs. »

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