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La Cour ordonne l’ajout d’une motion à l’AGA du SÉUO

Mise à jour – 30 novembre 2025, 21:20

Cet article a été mis à jour afin de préciser la chronologie des décisions du CA du SÉUO, ainsi que le rôle de la juge Flaherty dans l’ordonnance ajoutant la motion à l’ordre du jour de l’AGA, à la suite de précisions fournies par la présidente du CA, Maya Sinclair.

Crédit visuel : Archives – modifié par Tom Chazelle Schulze – Co-rédacteur en chef

Article rédigé par Tom Chazelle Schulze – Co-rédacteur en chef

À l’aube de l’Assemblée générale d’automne (AGA) du Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO) tenue le 30 novembre, un courriel envoyé à la communauté étudiante a informé d’une mise à jour de dernière minute de l’ordre du jour. Une proposition portant sur le contrat entre le SÉUO et la compagnie Bounced Inc. sera désormais débattue lors de l’AGA, à la suite d’une entente judiciaire conclue dans le cadre d’un litige opposant l’étudiant Daniel Thorp au SÉUO.

L’objet de la motion et de la plainte

La motion, apportée par Daniel Thorp, étudiant en génie logiciel à l’Université d’Ottawa (U d’O), porte sur le contrat de service entre Bounced et le SÉUO, approuvé par le Conseil d’administration (CA) du SÉUO lors de sa réunion du 22 juin 2025. Bounced offre une plateforme numérique destinée aux étudiant.e.s et aux clubs, notamment pour la gestion d’événements et d’activités de campus.

Thorp a soumis sa proposition de motion le 11 octobre 2025, en demandant que l’AGA se penche sur la conformité de ce contrat avec les statuts constitutifs du SÉUO qui, selon l’article 15.2, stipulent : « Le SÉUO ne peut conclure aucun accord perpétuel qui ne puisse être résilié par un vote du Conseil ». Selon les documents contractuels versés au dossier, le contrat peut être résilié avec un préavis de 90 jours au cours de la première année, mais s’il n’est pas résilié avant le 1er avril 2026, il sera automatiquement renouvelé pour une période de trois ans, sans possibilité de résiliation anticipée, sauf en cas de manquement de Bounced Inc.

Lorsque l’avis de convocation à l’AGA a été transmis le 9 novembre, la motion de Thorp ne figurait pas à l’ordre du jour (ODJ). Il a été informé par courriel le 10 novembre que sa motion avait été jugée irrecevable par le CA, puis a demandé des précisions sur l’article de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif invoqué pour justifier la décision. Dans un courriel adressé à La Rotonde, Maya Sinclair, présidente du CA, explique que le 23 novembre, le CA a adopté une deuxième résolution, déclassifiant une plus grande partie de la discussion tenue à huis clos le 8 novembre afin de détailler les motifs du refus. C’est la conformité de ce processus qui se trouve au coeur de la contestation.

Le 27 novembre, à la suite d’un recours fondé sur l’article 163(9) de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif (LCOBNL), la Cour supérieure de l’Ontario a ordonné, avec le consentement des deux parties, que la motion modifiée soit ajoutée à l’AGA.

Elle apparaît désormais comme « Motion D – Recommandation sur le contrat de Bounce » dans l’ODJ mis à jour.

Réponse du Syndicat

Selon le SÉUO, le CA n’a pas rejeté la motion pour des raisons politiques, mais avant tout pour une question de véracité de l’information et le respect des obligations légales. Selon le CA, la proposition contenait une information incorrecte sur les possibilités de résiliation du contrat, ce qui aurait mené les membres à une conclusion erronée. 

Lors d’une réunion le 8 novembre, le CA a approuvé l’ODJ de l’AGA, puis a adopté un amendement visant la motion. Cet amendement s’appuie sur l’article 5.4.3.3 de la Constitution du SÉUO, qui permet au CA, « sur l’avis d’un.e conseiller.ère juridique », de déclarer irrecevables des motions des membres incompatibles avec le devoir fiduciaire des administrateur.rice.s. Le texte de l’amendement affirme que le CA a reçu un avis juridique écrit selon lequel le contrat avec Bounced n’est pas une entente perpétuelle et que le CA peut le résilier en vertu de ses clauses. L’amendement conclut que la motion proposée par Thorp est « substantiellement irrecevable » et « ne respecte pas la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif », avant de la déclarer « hors d’ordre » et de la rayer de l’ODJ de l’AGA 2025. 

Le 23 novembre, le CA est revenu sur cette décision pour la préciser et la réaffirmer. Dans une nouvelle résolution, il indique que la motion contient de « l’information incorrecte », qu’elle se révèle « clairement trompeuse », qu’elle « désinformerait les membres ». De surcroît, elle pourrait également créer une responsabilité supplémentaire pour le Syndicat et ne serait pas compatible avec son devoir fiduciaire. Cette fois, le CA invoque explicitement à la fois les articles 5.4.3.2 et 5.4.3.3 de la Constitution ainsi que le paragraphe 163(6)(f) de la LCOBNL, en concluant que la motion est « abusée pour obtenir de la publicité ».

Dans sa déclaration à La Rotonde, le Syndicat présente donc sa démarche comme une mesure de protection : protection contre la diffusion d’informations qu’il juge inexactes dans un contexte officiel, protection des obligations fiduciaires de ses dirigeant.e.s, et protection de l’organisation contre des risques juridiques, tout en affirmant continuer « d’accueillir la participation démocratique » des membres qui collaborent avec ses instances.

Le Syndicat souligne également qu’il a proposé à Thorp de corriger le libellé de sa motion afin d’en retirer l’information qu’il jugeait trompeuse, mais Thorp a choisi de maintenir son texte initial avant de saisir la Cour. Aux yeux du SÉUO, le fait que l’affidavit de Thorp reconnaisse la possibilité de résiliation avec préavis confirme que le contrat ne correspond pas à la description initiale de la motion.

Une contestation qui soulève des enjeux de gouvernance étudiante 

Au-delà du débat sur le contrat avec Bounced, Thorp soutient que sa contestation vise à défendre les droits démocratiques des membres au sein des organisations étudiantes, en rappelant que la LCOBNL accorde aux membres le droit d’ajouter des propositions à l’ODJ de l’AGA, tant qu’elles respectent les critères légaux.

Thorp soutient notamment que l’absence de réponse dans les délais prévus par la loi aurait eu pour effet de rendre ses droits caducs jusqu’à la prochaine assemblée générale, soit après l’échéance contractuelle du 1er avril 2026. Selon lui, cette situation aurait privé les membres de la possibilité d’examiner un engagement financier important avant qu’il ne se renouvelle pour trois années supplémentaires.

Le Syndicat insiste de son côté sur le fait que les droits des membres doivent s’exercer dans un cadre rigoureux, afin d’assurer la validité et l’exactitude de l’information transmise, et de permettre au CA de respecter ses obligations légales et fiduciaires. 

Devant ces divergences de position, les parties ont soumis à la juge Flaherty un règlement à l’amiable et une demande conjointe, présentée par le SÉUO, en vue d’ajouter la motion à l’ODJ. La juge a entériné cette entente le 27 novembre, permettant aux membres d’en débattre démocratiquement lors de l’AGA.

Selon les documents déposés, il s’agit d’une première : un étudiant a demandé et obtenu l’intervention d’un tribunal pour faire respecter ses droits prévus par la LCOBNL. Pour la première fois à l’U d’O, une motion de membre arrive à l’AGA non seulement par voie interne, mais aussi par ordonnance judiciaire.

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