
La jeunesse est au cœur des États généraux franco-ontariens
Crédit visuel : Courtoisie
Entrevue réalisée par Joelluc Liandja – Journaliste
Depuis 2012, Peter Hominuk dirige l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) après avoir passé plus de dix ans à la tête de La Clé d’la Baie. Sous son leadership, l’AFO a modernisé sa gouvernance, révisé ses plans stratégiques, créé des tables de concertation et publié plusieurs livres blancs. Acteur central des États généraux de l’Ontario français lancés en mars 2025, il en explique les enjeux dans un entretien avec La Rotonde.
La Rotonde (LR) : Que signifie aujourd’hui « être Franco-Ontarien.ne » ?
Peter Hominuk (PH) : Être Franco-Ontarien.ne aujourd’hui, c’est appartenir à une communauté fière et résiliente qui affirme son identité en français dans toutes ses diversités. C’est à la fois hériter d’une histoire de luttes et de victoires, et incarner une modernité tournée vers l’avenir, enrichie par les contributions des jeunes, des nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes et de tous ceux et celles qui choisissent de vivre leur vie en français en Ontario.
LR : Qu’est-ce qui rend important les États généraux que vous avez lancés, dans le contexte actuel de l’Ontario français ?
PH : Les États généraux (EG) sont importants car ils permettent à la communauté de prendre collectivement la parole sur son avenir. Nous traversons un moment charnière : pressions démographiques, défis d’accès aux services en français, transformations liées à l’immigration et aux réalités multiculturelles. Les EG offrent un espace de dialogue démocratique pour dégager une vision commune et des priorités claires, afin d’influencer les décideurs et de mieux outiller notre communauté.
Un élément clé de cet exercice est le sondage des États généraux, qui sert à recueillir les priorités, les besoins et la vision des francophones partout en Ontario. Les résultats alimenteront directement nos recommandations finales. La date limite pour remplir le sondage est le 5 octobre à 23 h 59. Nous invitons les francophones et francophiles à y participer, car chaque contribution compte et aide à tracer directement l’avenir de notre identité collective.
LR : Il y a eu beaucoup de recommandations qui ont été faites. Entre autres sur le financement, l’éducation, l’immigration, etc. Comment pensez-vous que cela pourrait se concrétiser ?
PH : Notre rôle à l’AFO est de transformer ces recommandations en actions concrètes, en travaillant de concert avec les gouvernements et les partenaires communautaires. On travaille dans une logique ascendante, du bas vers le haut. C’est donc important de garder un ancrage fort dans nos communautés et de garder ces dernières pleinement impliquées. C’est comme ça qu’on parvient à activer des leviers politiques forts et efficients.
LR : Aujourd’hui il y a des revendications de services en français en Ontario. Comment les discussions des états généraux peuvent-elles contribuer ?
PH : Les États généraux mettent en lumière des enjeux vécus partout en Ontario : accès inégal aux services, manque de reddition de comptes linguistique et nécessité d’une meilleure planification. En documentant ces réalités à travers des consultations dans toutes les régions et des échanges sur nos plateformes, notamment le groupe États généraux sur la plateforme Notre Place , nous bâtissons une base solide pour formuler des recommandations claires. Ces recommandations seront portées directement auprès du gouvernement afin d’exiger des services en français de qualité, accessibles partout et pour toutes et tous.
LR : Quel rôle accordez-vous à la jeunesse franco-ontarienne dans cet exercice des États généraux ?
PH : La jeunesse est au cœur des États généraux. Elle représente non seulement l’avenir, mais aussi une voix actuelle qui transforme la francophonie. Nous avons multiplié les occasions de participation des jeunes, que ce soit par des sondages, des assemblées citoyennes ou des partenariats avec les associations étudiantes. Leur vision et leurs priorités doivent guider les choix stratégiques que nous faisons aujourd’hui.
C’est pourquoi leur voix est essentielle dans notre sondage des États généraux, qui constitue un outil central pour capter leurs préoccupations et leurs idées. Nous les avons invité sur le groupe États généraux sur la plateforme Notre Place mais aussi sur les tables de réflexions organisées dans le processus..
LR : Quel rôle la francophonie ontarienne peut-elle jouer dans un Canada de plus en plus multiculturel ?
PH : La francophonie ontarienne est un pont naturel entre la tradition francophone et la diversité culturelle qui définit le Canada. Nous pouvons démontrer qu’il est possible de conjuguer identité linguistique et ouverture à la diversité, en accueillant des nouveaux arrivants francophones de partout dans le monde et en leur offrant un espace d’appartenance. La francophonie ontarienne contribue ainsi à enrichir le projet canadien.
LR : Quels gestes concrets pourraient être faits pour appuyer davantage l’engagement étudiant dans la francophonie ?
PH : L’AFO est continuellement à la recherche de nouvelles opportunités pour engager les étudiant.e.s francophones au cœur des discussions. L’AFO reconnaît les étudiant.e.s comme des acteur.ices à part entière de la vitalité de la francophonie. C’est important pour nous d’entendre aussi leurs perspectives et leurs idées pour pleinement les impliquer.
LR : Comment l’AFO prend-elle en compte les diverses réalités que vivent les étudiant.e.s internationaux.ales francophones ?
PH : Les étudiant.e.s internationaux.ales francophones représentent une part grandissante de notre communauté. L’AFO tient compte de leurs réalités en collaborant avec les établissements postsecondaires, en intégrant leurs voix dans les États généraux et en plaidant pour de meilleurs soutiens à leur établissement durable allant de l’accès à des services en français à la reconnaissance de leurs diplômes étrangers. Leur inclusion est essentielle pour renforcer la francophonie ontarienne. C’est pourquoi nous les invitons également à partager directement leur réalité et leurs priorités dans le sondage des États généraux, afin que leur voix soit pleinement reflétée dans les recommandations qui en découleront.
LR : Quelle vision avez-vous de la francophonie ontarienne dans un horizon des dix prochaines années ?
PH : Dans dix ans, je souhaite voir une francophonie ontarienne plus nombreuse, plus forte et plus inclusive. Une francophonie où chaque Franco-Ontarien et Franco-Ontarienne, de naissance ou par choix, a accès à des services en français de qualité, où nos institutions éducatives et culturelles sont solides, et où les jeunes, les immigrant.e.s et toutes les diversités francophones contribuent à un projet collectif. En somme, une francophonie assumée et incontournable dans la société ontarienne et canadienne, capable de vivre en français, du berceau au tombeau. Or, atteindre cette vision relève directement de l’engagement de la communauté. C’est pourquoi nous avons lancé les États généraux de l’Ontario français, afin de recueillir les priorités et les idées de toutes et tous et bâtir ensemble le futur que nous voulons en tant que communauté franco-ontarienne.