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La révolution sexuelle n’a pas eu lieu

Web-Rotonde
3 mars 2014

Édito

 

 

 

 

 

 

 

– Par Ghassen Athmni –

Une partie de la communauté étudiante et universitaire a été ébranlée, dans plusieurs sens, par les exécrables commérages émergés ces derniers jours.

La Rotonde n’hésitera pas à demander la révocation, et ce par leurs associations respectives, des étudiants qui n’ont pas encore démissionné. En attendant, nous demanderons aux personnes concernées de se retirer illico presto des positions qu’elles occupent. Ceci étant dit, et pour bien enraciner la chose dans son contexte, ce qui afflige le plus c’est bien toutes les justifications dégoûtantes que des jeunes hommes et des jeunes femmes ont trouvé approprié de laisser dégouliner sur les médias et les réseaux sociaux. Cette légitimation n’est pourtant pas surprenante au vu de ce que nous avions déjà décrit, dans l’édition du 16 septembre dernier, comme étant un encouragement organisé à la prédation sexuelle, dans le cadre de la réduction des relations interpersonnelles à des échanges marchands.

La « culture du viol », produit de la logique marchande

Antiféministes primaires, sacralisateurs d’un privé qui n’en est pas un, et adeptes des fanfaronnades des démarcations puériles et simplistes. Ainsi apparaissent ces étudiants, dont certains sont même des « politiciens étudiants », qui n’ont pas manqué d’inspiration pour légitimer un silence, une non-opposition voire un soutien, mettre sur un pied d’égalité la victime et le bourreau, etc. Mais comme il ne s’agit nullement de conditions innées (enfin on espère) mais d’un conditionnement exercé par une certaine structure sociale, il est impératif d’essayer de mettre en relief ce qui est à l’origine de ces fâcheuses tendances.

La révolution sexuelle comme perçue et présentée par les médias ou une majorité d’intellectuels, n’est finalement qu’une conformation à un cadre marchand, dans le sens où elle ne s’exerce que dans ses limites, avec son approbation et en suivant ses lois. Dans ce cadre, la sexualité se transforme en marchandise, avec tous les attributs qu’on connaît à la marchandise, en particulier le contrôle, l’exploitation et la valorisation.

Avec l’industrialisation du sexe, la jouissance se limite à l’appropriation, à la prédation et à la domination. D’autre part et avec la valorisation narcissique de la performance individuelle, la violence du rapport marchand au travail devient l’occasion de se poser comme un gagnant, comme une personne qui réalise un succès prédéfini. Le rapport à la marchandise étant un rapport de contrôle et d’exploitation mais aussi de jouissance éphémère, d’une énième composante d’un simulacre d’hédonisme exacerbé, de plus en plus incontrôlable exponentiellement à l’ampleur de son échec à produire la jouissance qui perdure ou qui assouvit, il est parfaitement compréhensible qu’une telle conception de la sexualité sévisse et qu’elle soit même un standard, et ce bien qu’une majorité s’en défend.

Des affaires sociales

C’est pour ces raisons que le fait que des personnes ayant occupé des postes de vice-président aux affaires sociales (des postes qui par ailleurs, avec de notables exceptions, ne justifient jamais leur existence) ou des personnes ayant fait du bénévolat lors de semaines 101, etc., aient proféré de tels propos est tout sauf ironique.
Quand il s’agit de donner du plaisir, et vu que la créativité a préalablement été oppressée par la marchandisation et l’obligation d’atteindre ce qui est dépeint comme une réussite, on finit par recourir aux standards, à reproduire ce dont la culture hégémonique insémine les esprits. Si cette culture tolère par exemple des courants qui promeuvent le consentement, etc. tout en gardant les conditions encourageant la prédation sexuelle, cette cohabitation est reproduite sur les campus (et ailleurs). Le v.-p. aux affaires sociales ou tout autre personne chargée d’organiser des évènements plaisants ne dérogera pas, dans la majorité des cas, à cette règle vu qu’elle constitue ses points de repère. C’est aussi pour cette raison que nous avons des activités stéréotypées qui se propagent à peu près au même moment sur tous les campus, parce que l’activité ou la tendance en question aura prouvé sa capacité à se greffer à une certaine construction préexistante.

On ne peut s’étonner du fait que des personnes s’étant érigées (avant d’être érigées par le scrutin) comme responsables de la fête, du carnavalesque et de l’hédonisme de tout le monde, aient, consciemment ou non, une idée du plaisir et de la jouissance comme étant une appropriation et un rapport de contrôle dont l’échec mue systématiquement en une violente exacerbation.

Nous ne voulons nullement incriminer qui que ce soit plus qu’il ne l’a déjà fait, surtout que nous devons nous résoudre à reconnaître qu’il ne s’agit pas d’une exception. Nous appelons la communauté universitaire à se défaire de tout ce qui encourage à la prédation sexuelle.

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