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Opinions

La torture: un interdit juridique et une légitimité morale

Web-Rotonde
10 Décembre 2012

– Charbel Saghbini, étudiant en criminologie et membre d’Amnistie internationale  –

La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, les Conventions de Genève en 1949, le Pacte des droits civils et politiques en 1966, ainsi que les Conventions de 1984, interdisent la torture. Ces documents formels illustrent relativement bien le rôle abolitionniste du droit international et démontrent une progression vers une abolition absolue de la torture.

L’abolition absolue de la torture se différencie de l’abolition relative dans le sens que cette dernière croit en la nécessité d’appliquer la torture dans les cas graves où la nation est en danger (scénario de la bombe à retardement). C’était le cas pour Omar Khadr qui était enfermé depuis 2002 à Guantanamo avant d’être rapatrié au Canada. La torture en l’espèce renvoie à celle pratiquée par l’État envers un individu. Les absolutistes prétendent que la torture est déontologiquement néfaste pour la société car elle porte atteinte à la dignité humaine. Elle est également contre-productive pour des raisons utilitaristes, même dans les cas les plus graves, dans le sens qu’il y a un manque de crédibilité dans l’information obtenue. Selon le philosophe Michel Terestchenko, ce châtiment est aussi une « illusion de la finalité sécuritaire » puisqu’elle aboutit à un abus de pouvoir et de confiance public, selon les absolutistes. Pour ma part, je suis en faveur de l’abolition absolue de la torture.

Notons que 147 États ont ratifié la Convention contre la torture. Malgré cela, plusieurs d’entre eux mettent en évidence la pratique persistante de la torture, notamment les États-Unis – surtout après les attentats terroristes en septembre 2001 – et la Chine. Elle reste, en effet, pratiquée dans le secret, d’où la difficulté d’émettre des statistiques réalistes et représentatives. Toutefois, plus de 100 000 victimes de torture à travers le monde reçoivent l’aide d’organismes internationaux dont International Rehabilitation Council for Torture Victims et Amnistie Internationale. L’État va aller chercher sa légitimité dans le secret, dans le sens où il y a une distinction entre ceux qui exigent d’obtenir de l’information et ceux qui torturent pour l’obtenir. Il y a donc une déresponsabilisation des agents d’État. En ce sens, je considère que la torture ne devrait pas se pratiquer, même en dernier recours, puisque même les agents étatiques, selon ma perception, ne souhaitent pas mettre en pratique des méthodes de châtiments anciens, et c’est pour cela qu’ils confèrent ce rôle à des bourreaux.

On soulève deux principales faiblesses du droit international. D’une part, il permet un certain degré de liberté pour des pays qui favorisent beaucoup plus leur droit national que le droit international. Ils peuvent ainsi être signataires des Conventions tout en limitant leur accord à certains articles de celles-ci. Par exemple, certaines pratiques ne seront pas considérées comme de la torture selon certains États, alors qu’elles pourraient très bien en relever en vertu de la définition que le droit international lui accorde. Ceci démontre la « zone grise entre les méthodes légales et les méthodes illégales », définie par la doctrine de Terestchenko. D’autre part, lorsque les agences des Nations Unies témoignent de la torture dans certains pays qui sont signataires, elles se limitent à fournir de simples recommandations à ces derniers. Ceci dit, il serait intéressant d’évaluer scientifiquement de nouvelles manières de faire respecter cette loi d’État qui interdit la torture afin d’éviter les contradictions des États qui interdisent la torture, mais qui la pratique tout de même. De plus, je tiens aussi à dénoncer cette pratique étatique afin d’éviter les conséquences graves que cela puisse susciter, tant sur les victimes que les bourreaux et tant sur la confiance publique que l’État.

Foucault écrivait sur la torture: « La loi ne sera plus appliquée à un corps avec cette “barbarie” rejetée par l’humanisme, mais le jugement portera dorénavant sur un “sujet juridique”. ».

 

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