Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

L’animisme comme outil pour repenser la crise climatique

Contribution
29 janvier 2025

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique

Chronique rédigée par Noémie Burrs — Journaliste bénévole

La crise climatique est devenue un enjeu de plus en plus important au courant des dernières années. Cependant, devant l’inaction des dirigeant.e.s politiques, une nouvelle façon de concevoir les impacts que les humain.e.s ont sur le monde est essentielle. L’animisme du film animé japonais Princesse Mononoké pourrait être exactement ce dont nous avons besoin. 

La conférence des Nations Unies sur le climat de cette année, la COP 29, a laissé un goût amer dans la bouche de plusieurs. Bien que la conférence se soit conclue par un accord pour tripler l’appui financier pour la transition énergétique et l’adaptation aux changements climatiques des pays dits en développement, le montant de 300 milliards de dollars était bien inférieur aux besoins financiers réels identifiés par les expert.e.s de l’ONU, soit 1 300 milliards de dollars. De plus, aucun progrès substantiel n’a été réalisé concernant la transition vers la réduction de la production et l’utilisation des énergies fossiles discutée lors de la COP 28 l’année dernière. En effet, toute mention explicite de cet objectif a été omise des documents finaux qui ont conclu la conférence sur le climat de cette année.

Les changements climatiques sont un problème urgent et le plus grand défi auquel fait face l’humanité. Le rapport publié par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 2023 prévoit divers scénarios catastrophiques quant aux effets des changements climatiques. Les expert.e.s parlent d’un monde méconnaissable. Cet état futur émerge en ce moment même, dans notre propre pays : vagues de chaleur multipliées, feux de forêt extrêmes, hivers plus courts et plus chauds, tempêtes tropicales jamais vues auparavant.

Le monde tel que nous le connaissons est en train de changer à une vitesse alarmante. Si les dirigeant.e.s mondiaux.ales ne prennent pas de mesures immédiates, il ne serait pas surprenant que les scénarios catastrophiques prédits par le GIEC deviennent la nouvelle réalité, et ce, dans quelques années seulement.

Cependant, dans un monde où la science est devenue le savoir dominant, sa légitimité semble occultée par les lois du consumérisme et l’industrie des énergies fossiles, ainsi que par les revenus qu’elles peuvent générer. Pour que le monde comprenne la gravité de la crise climatique, un nouveau type de connaissance doit être partagé et promu.

L’animisme comme forme de connaissance

L’animisme comprend le monde et ses êtres – les humain.e.s, les animaux, les plantes, les rivières, les montagnes et les autres êtres naturels – comme possédant une force vitale ou une âme. Contrairement aux connaissances scientifiques occidentales, qui établissent une dichotomie claire entre les êtres humains et la nature, l’animisme croit qu’il existe des similitudes entre humain.e.s et non-humain.e.s.

Dans son film Princesse Mononoké, le réalisateur japonais Hayao Miyazaki lie l’animisme à l’écologie, nous présentant une manière unique de comprendre les relations qui constituent le monde et ses êtres. Se déroulant au 14e siècle au Japon, le film raconte une histoire bien trop similaire à la nôtre : celle d’un village qui détruit la forêt environnante pour produire du fer, et de dieux de la forêt espérant se venger des êtres humains. Ashitaka, maudit après avoir tué un dieu-sanglier devenu démon, se lance dans un voyage vers l’ouest et découvre que sa malédiction a été causée par la guerre entre les humain.e.s et les dieux de la forêt.

Dans ce long-métrage, c’est le désir des humain.e.s qui crée le carnage qui survient dans le monde, affectant autant les humain.e.s que les non-humain.e.s : il transforme les dieux en démons, maudit des innocent.e.s, tue de nombreux.ses habitant.e.s du village, détruit la forêt et ses animaux. Cependant, malgré tout cela, Ashitaka préfère trouver un moyen pour les humain.e.s et les non-humain.e.s de vivre ensemble, plutôt que de prendre parti et de participer au conflit. Pour ce faire, il écoute ce que les humain.e.s et les dieux de la forêt ont à dire, considérant leurs deux perspectives comme étant toutes aussi légitimes et importantes.

Repenser notre relation au monde

La perspective animiste dont témoigne Princesse Mononoké en représentant les non-humain.e.s et la nature comme possédant un sens de l’agentivité nous offre une occasion unique de les considérer comme des êtres réfléchi.e.s, intelligent.e.s et émotionnel.le.s, comme nous. Tout aussi importante est la pensée écologique dont fait usage le film pour illustrer la qualité interdépendante et interreliée de nos relations avec les autres humain.e.s, les non-humain.e.s et la nature. 

Dans la phase critique où nous nous trouvons, Princesse Mononoké se présente comme une histoire essentielle pour nous rappeler l’impact que nous pouvons avoir sur la nature et les non-humain.e.s, mais aussi l’impact que nous pouvons avoir sur nous-mêmes. 

Les documents rédigés par les expert.e.s et les traités internationaux ne semblent pas être en mesure de transmettre aux dirigeant.e.s du monde et aux citoyen.ne.s le sentiment d’urgence nécessaire pour comprendre la gravité de la crise climatique. Même si cela était le cas, ceux-ci ne semblent pas suffisamment engageants pour réellement encourager l’action. Une connaissance différente, qui présente une histoire fantastique remplie de dieux ancestraux et d’une forêt mythique, pourrait être ce dont nous avons besoin pour véritablement nous rendre compte de l’ampleur de la crise climatique et de ses conséquences destructrices.

Un monde où les humain.e.s et les non-humain.e.s peuvent vivre ensemble de façon respectueuse et réciproque n’est peut-être pas si inconcevable que nous le pensons.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire