Théâtre
Catherine Dib | Chef de pupitre
@CatherineDib
Situation propre aux particularités linguistiques de la région, la francophonie s’enchevêtrant à la majorité anglophone produit des contrastes. Ces derniers donnent lieu à des réflexions à tendance intersubjective. Pierre-Antoine Lafon Simard, ancien étudiant du Département de théâtre de l’U d’O et artiste très actif sur la scène locale, en sait quelque chose. En effet, comme francophone jouant le rôle de Hermann dans la pièce de théâtre anglophone East of Berlin (Hannah Moscovitch), il a pu comparer les deux expériences théâtrales.
Accompagné de Joël Beddows, professeur et directeur du Département de théâtre de l’U d’O, qui fait la mise en scène de la pièce, M. Lafon Simard estime que l’expérience a valu le détour : « On est deux francophones dans un bateau anglophone. La plongée culturelle m’a vraiment permis de voir les similitudes et les différences dans l’entreprise artistique. »
Différences de procédé
« La différence principale est tout d’abord méthodologique, précise le jeune acteur. Le temps alloué et l’énergie concentrée sont orientés différemment. » Selon lui, les principales raisons justifiant ces différences sont historiques, le théâtre anglophone puisant ses racines dans la tradition shakespearienne : « C’est la mentalité de la compagnie de théâtre. Tu es un employé, donc tu travailles du matin au soir et c’est un projet continu. »
Le théâtre francophone, quant à lui, se permet un cheminement plus sporadique, plus expérimental : « En français, ça varie selon les besoins, indique monsieur Lafon Simard. Par exemple, si la pièce est orientée vers la danse, on va aller vers le laboratoire corporel. Le temps est plus irrégulier et chaotique. »
Le théâtre à la façon anglophone permet, selon lui, une véritable immersion : « Ça a ses avantages. On se plonge complètement dans un projet et on n’en ressort qu’à la dernière représentation. Dans ce cas, le thème est assez lourd, avec l’holocauste. » Pierre-Antoine Lafon Simard y voit un contraste flagrant avec les autres pièces auxquelles il a pris part, telles que Taram!, où les répétitions étaient à coup de trois semaines entrecoupées de deux semaines de pause.
Divergence linguistique, divergence hiérarchique
Dans l’esprit de la compagnie de théâtre, chaque collaborateur étant un « employé », tous sont sur un pied d’égalité dans le cadre anglo-saxon. « En théâtre francophone, c’est le metteur en scène qui est le capitaine. Sans vouloir faire un cours d’histoire, c’est encore une question historique, car dans ce cas, c’est l’atmosphère scénique qui prévaut sur le jeu des personnages », précise Pierre-Antoine Lafon Simard.
Ainsi, avec un metteur en scène à la française à bord, y a-t-il eu une collision des deux hiérarchies du théâtre? M. Lafon Simard ne voit que du positif dans cette confrontation : « Joël a eu le talent et la diplomatie de saupoudrer un peu de la mentalité francophone dans ce contexte. Il a une vision à défendre au niveau de ce que le texte a pu lui faire. »
Mais au bout du compte, l’artiste considère que malgré ces différences, l’aboutissement reste le noble but de l’art. « On veut tous le meilleur spectacle possible, ce partage d’une réflexion par le biais d’une œuvre », conclut-il.