Crédit visuel : Élodie Ah-Wong- Directrice artistique
Article rédigé par Davy Bambara – Journaliste
Quand le ciel s’assombrit, l’énergie chute, la motivation fond pour certaines personnes. Cette oscillation émotionnelle selon la météo porte un nom : la météo-sensibilité. Un concept qui suscite de nos jours un intérêt scientifique. Avec l’aide d’ un expert et de témoignages étudiants, cet article explore comment la météo agit sur notre moral et comment garder le cap quand les nuages s’invitent dans nos pensées.
Le soleil, carburant du bien-être
« L’été m’apaise, c’est le temps de la relaxation ; mais en hiver, je perds la notion du temps avec les journées qui raccourcissent », soupire Hanna Zorom. Pour l’étudiante en conflits et droits humains, la météo-sensibilité est un vrai phénomène car son moral suit clairement le rythme des saisons. Cheryl Vitin, étudiante en géologie, partage le même constat : « En hiver, je me sens épuisée et frustrée. Le manque de lumière me pousse à dormir davantage. »
Pour comprendre ce phénomène, Jean-Philippe Chaput, professeur titulaire au département de pédiatrie à l’Université d’Ottawa et chercheur à l’Institut de recherche du CHEO, explique que la météo-sensibilité repose sur des bases biologiques solides.
"Ce n’est pas un mythe. La lumière, la température, la pression atmosphérique ont un effet direct sur notre cerveau, notre sommeil et notre appétit."
-Jean-Philippe Chaput-
En effet, la lumière du soleil stimule la sérotonine, souvent appelée hormone du bonheur, tandis que l’obscurité augmente la mélatonine, hormone du sommeil, précise Chaput. Ce qui justifie que lorsque les jours raccourcissent, surtout à l’automne et en hiver, la fatigue et la morosité gagnent du terrain.
C’est d’autant plus marqué dans les pays du Nord: dans plusieurs villes du Canada par exemple, dès que le mois de novembre pointe à l’horizon, le soleil se couche dès la fin d’après-midi, et c’est une période où beaucoup ressentent un coup de blues, ajoute-t-il.
À des intensités différentes
Certaines personnes ressentent ces variations plus intensément : on parle alors de trouble affectif saisonnier (TAS), une forme de dépression liée aux changements saisonniers. Les symptômes sont entre autres fatigue, baisse de motivation, irritabilité, voire un besoin accru de sucre. D’après Chaput, la luminothérapie, un traitement qui consiste à s’exposer à des lampes qui reproduisent la lumière du jour, peut être une solution efficace : « Elle stimule la sérotonine par les yeux et aide à réguler les hormones de l’humeur. »
Pour Vitin, la météo agit comme un interrupteur émotionnel. « Quand il fait beau et ensoleillé, je suis plus productive. Lorsqu’il fait sombre, mon corps a tendance à penser que c’est le moment de dormir donc naturellement je m’assoupis et je suis moins motivée. »
À l’opposé, d’autres personnes semblent imperméables aux caprices du ciel. C’est le cas d’Arold Taondeyande, étudiant en informatique et mathématiques, pour qui les variations climatiques n’ont pratiquement aucun effet sur l’humeur, l’énergie ou la motivation. Contrairement à ceux pour qui un ciel gris agit comme un frein invisible, Taondeyande dit conserver la même stabilité émotionnelle tout au long de l’année.
Ni la baisse de luminosité, ni la pluie, ni les longues tempêtes hivernales ne semblent modifier son rythme intérieur : « J’ai toujours la même énergie », affirme-t-il. Pour lui, la météo n’est qu’un décor qui change au fil des saisons, jamais un facteur déterminant de bien-être. Avec le temps, il explique même avoir cessé d’y prêter attention, s’y étant « habitué » naturellement.
Bouger, bien manger, s’entourer
Les chercheurs insistent sur un point : un mode de vie actif et équilibré reste le meilleur antidote à la morosité climatique. Il faut s’exposer à la lumière naturelle, même quand le temps est froid, et bouger chaque jour. Chaput affirme que l’activité physique stimule les hormones de bien-être, tout comme une alimentation riche en oméga-3. Le professeur rappelle aussi l’importance du lien social :
"Rester seul à la maison quand il fait noir entretient le cercle vicieux de la déprime. Sortir, voir des amis, planifier des activités, ça garde le moral."
-Jean-Philippe Chaput-
Même les gestes les plus simples, une marche matinale, un repas partagé, un coup de fil à un proche, peuvent faire la différence. Zorom a d’ailleurs trouvé ses propres stratégies : « Quand le temps est gris, je lis, je mange ou j’écoute de la musique. L’été, je sors avec mes amies, on fait des soirées de peinture ou de cinéma. » Des rituels simples, mais essentiels pour maintenir l’équilibre, précise-t-elle.
Reconnecter avec les saisons
Finalement, la météo-sensibilité n’est pas une faiblesse, mais une forme d’écoute du corps et de la nature. Apprendre à reconnaître ses fluctuations d’humeur selon les saisons, c’est déjà une première étape vers un meilleur équilibre. Chaput qui l’affirme, ajoute que beaucoup de gens sont affectés sans s’en rendre compte, identifiez ce lien, permet d’agir.
Il suggère: plutôt que de subir la météo, pourquoi ne pas composer avec elle ? Profiter du soleil d’automne, s’autoriser une pause en hiver, célébrer le retour du printemps.

