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Sports et bien-être

Le prix caché des dépenses émotionnelles

Crédit visuel : Élodie Ah-Wong – Directrice artistique

Article rédigé par Kady Diarrassouba — cheffe de pupitre sports et bien-être

Bientôt la fin des examens finaux, et certain.e.s d’entre nous prévoient déjà leur récompense pour avoir survécu à quatre mois de dur labeur. Un séjour à l’etranger, ce sac de marque longtemps surveillé ou ces chaussures hors de prix qui sont actuellement tendance. Si pour vous, le prix importe peu, ce sera un moyen de vous faire plaisir en dépensant votre argent, pour les psychologues contactées par La Rotonde, le prix importe beaucoup : celui de l’objet, mais aussi celui de votre bien-être, quitte à tomber dans le cycle vicieux des dépenses émotionnelles.

Pourquoi nos émotions dictent-elles nos dépenses ?

Le concept de « dépense émotionnelle » renvoie au fait d’acheter des choses sous l’impulsion de nos émotions ( joie, stress, colère, tristesse…) plutôt que par besoin réel, souvent pour se réconforter ou célébrer ses victoires. En plus du plaisir qu’on y trouve, la professeure de psychologie Nafissa Ismail y voit aussi une recherche de contrôle sur ces émotions qu’on n’arrive pas toujours à nommer ou qu’on refuse d’assumer : « On vit beaucoup de choses dans nos vies sur lesquelles on a pas de contrôle, mais les achats, les dépenses qu’on fait, eux, sont dans notre contrôle. »

Par rapport aux enjeux que soulèvent cette question, la publicité et le marketing jouent aussi un grand rôle. Dans notre société capitaliste, plus besoin de se déplacer : à toute heure, on peut commander et succomber aux stratégies qui nous ciblent. Pour Marie-Ève Bégin Galarneau, professeure de psychologie à l’U d’O, les messages comme « Fais-toi plaisir »  ou  « Tu le mérites »  servent avant tout les marques, car le bien-être à long terme n’est pas basé sur un objet externe.

Pourtant, ces techniques ne finissent pas d’attirer notre attention et d’avoir un impact  sur nos cartes bancaires. Pour la professeure Ismail, elles s’assurent avant tout de nous mettre dans l’esprit des fêtes, si bien que nous n’avons presque jamais de repos. Dans les publicités et les magasins, en janvier, tout est rouge car la Saint-Valentin approche. Après février, les œufs éclosent et on achète pour Pâques. Passé avril, les tendances de l’été sont mises en avant, puis la ruse publicitaire se déguise pour Halloween avant de terminer l’année avec les couleurs de Noël. Tout est fait pour pousser à la consommation et nous faire sentir spécial.es

Se faire plaisir…mais pour combien de temps ? 

« Pansement émotionnel », c’est le terme utilisé par Galarneau pour décrire le fonctionnement de ces dépenses sur nos émotions. Ismail soutient aussi ce point de vue lorsqu’elle explique ce qui se passe au niveau du cerveau : « On vient stimuler les mêmes neurotransmetteurs comme la dopamine, la sérotonine, les endorphines, et ça nous fait vraiment beaucoup de bien. »

Les signaux à ne pas ignorer

Un point sur lequel nos expertes s’entendent : les dépenses émotionnelles ne sont pas à diaboliser. Le café pour faire passer le stress ou la poutine pour clôturer une longue journée ne constituent pas un problème en soi. Le problème, « c’est quand c’est fait de façon compulsive, inconsciente, quand ça mène à une culpabilité financière. Et là il peut y avoir un effet boule de neige », explique Galarneau. 

L’effet boule de neige, c’est le cycle vicieux qui s’installe avec le temps :

Source: diagramme tiré d’une étude de ABC money matters, un programme de littératie financière.

Quelle est donc la limite à surveiller ? « Détresse et dysfonctionnement », répond Galarneau. Ces deux éléments devraient être nos guides, dans le sens où, lorsque les dépenses génèrent des comportements inhabituels, que la culpabilité liée aux achats compulsifs s’installe, mais que nos appels à l’aide restent coincés en nous, il serait temps de consulter.

Ismail met quant à elle l’accent sur le rôle de l’entourage. Souvent, ce sont nos proches qui remarquent avant nous que nous plongeons dans ce cycle. Il est donc important de prêter attention à ce qu’ils et elles nous partagent. Elle soutient que consulter peut aussi permettre de résoudre d’autres problèmes plus profonds.

Alors, comment répondre aux émotions sans se ruiner ?

D’après Galarneau, « c’est souvent dans l’acceptation de nos émotions qu’on trouve la libération. »  Il ne s’agit pas de les rejeter, mais de les réguler de la bonne façon.

"Vivre des émotions, c’est le défi d’une vie, c’est ce qui fait de nous profondément des humains."

-Marie-Ève Bégin Galarneau-

Voici un guide en trois étapes qu’elle nous propose : 

Ismail, elle, ajoute qu’il est important de se protéger financièrement, en s’assurant par exemple de conserver les reçus afin de pouvoir retourner les produits si la culpabilité apparaît. Elle souligne aussi la nécessité d’une bonne organisation :  « La meilleure façon d’éviter ces achats compulsifs, c’est d’y aller avec une liste. »

D’autres astuces seraient d’opter pour ce que Galarneau appelle « des plaisirs alternatifs », qui ne coûtent pas une fortune, ou de créer un « budget plaisir assumé », pour avoir une idée de la portion du budget qui sera allouée à ces plaisirs.

Le but, ce n’est pas de complètement éliminer la dépense émotionnelle, c’est de la rendre consciente puis de développer des stratégies de gestion consciente, conclut Galarneau.

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