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Éditorial

L'envers de votre assiette

Web-Rotonde
8 septembre 2014

Édito

Par le Comité éditorial de La Rotonde

Illustration: Andrey Gosse

Année après année, chaque étudiant reçoit un sondage de l’Université d’Ottawa (U d’O) lui demandant son avis sur les services alimentaires – le service, les prix, la qualité, etc. Et à chaque rentrée, on s’attend à voir des changements en place. Pourtant, au lieu d’un réel remaniement du fonctionnement des services alimentaires, l’U de O a récemment préféré continuer avec la vieille recette en renouvelant son contrat avec l’entreprise Chartwells – continuant un monopole qui dure depuis maintenant plus de dix ans.

                   C’est à se demander quel effet a ce fameux sondage rempli chaque année par les étudiants, si la majorité d’entre eux se plaignent continuellement des mêmes problèmes. Il est pourtant clair qu’ils demandent des prix plus bas, plus d’entreprises locales sur le campus et plus d’options de nourriture saine. Il ne faut pas s’étonner si les plans alimentaires offerts par l’Université ne font pas que des heureux, lorsque vous êtes finalement condamné à une dizaine de choix de plats (et encore moins si vous avez quelconques restrictions).

                  Concernant les produits locaux, en comparaison à l’Université de Sherbrooke, fière d’annoncer que 36 % de ses achats sont locaux, ou à l’Université de la Colombie-Britannique avec 52 % d’ingrédients locaux, l’U d’O a encore un long chemin à faire. Est-ce dû à un manque de fournisseurs locaux? Pas du tout. La région d’Ottawa-Gatineau regorge de possibilités que l’Université ne semble pas intéressée à essayer. En gardant Chartwells, on limite indirectement l’appel d’offres à de grosses compagnies qui possèdent plus de fonds et d’expérience et on remplit le campus de Tim Hortons, de Quiznos et de Bento Sushi, alors que pour chacun, une option locale existe.

                  Cependant, ce qu’on reproche aux services alimentaires, ce n’est pas simplement le manque d’originalité dans l’ensemble de leurs offres ou l’abondance de fast food, mais bien le peu d’attention donnée à l’avis des étudiants qui sont pourtant les clients principaux. Rares sont ceux qui travaillent à la cafétéria et encore plus rares sont ceux qui ont leur mot à dire sur ce qui va sur notre assiette. Nous avons pourtant quelques cafés tenus par des organismes étudiants, et par plusieurs, on veut dire deux : le Café Alt (géré par la FÉUO) et le Café Nostalgica (qui appartient à la GSAÉD). Si l’un semble bien s’en sortir, l’autre a connu plusieurs soucis sur lesquels La Rotonde s’est penchée depuis l’an dernier. Pour pallier à ce vide épatant de services alimentaires par les étudiants et pour les étudiants, quelques-uns essayent de créer des options innovantes, sans grand soutien de l’Université. Chaque mercredi durant l’année scolaire, La République Populaire du Délice (RPD), dont s’occupent des étudiants bénévoles, emprunte une cuisine des résidences le matin et sert des plats végétariens en échange d’une contribution volontaire durant l’heure du midi. La RPD est peut-être perçue comme une compétition négative pour les services officiels de l’U d’O. Pour continuer sur le thème de la débrouillardise, la Coalition des Affamés FauchÉs (CAFÉ) existe sur les médias sociaux afin de promouvoir toute possibilité de nourriture gratuite sur le campus.

                  Le problème réside dans le fait qu’aucune de ces initiatives ne reçoit d’aide de l’Université et que celle-ci, au lieu de créer une réelle discussion entre les étudiants et les fournisseurs, décide de laisser le choix des services entre les mains d’une compagnie privée qui n’a ni lien avec la population étudiante ni désir de réellement écouter ses besoins. Le campus a terriblement besoin de plus d’initiatives telles que la CAFÉ ou la RPD.

                  C’est le temps pour les étudiants de prendre en main les services alimentaires. Plusieurs campus canadiens, tels que celui de l’Université de Sherbrooke, comptent sur des initiatives co-op étudiantes. Les exemples internationaux sont multiples : en Allemagne, la Mensa (cafétéria étudiante) offre plusieurs options faites-maison, toutes entre trois et cinq dollars. Ces cafétérias sont en grande majorité gérées par des associations étudiantes. Le système est similaire en Finlande : les cafétérias étudiantes, organisées en grande partie par le syndicat étudiant national, offrent des plats à prix fixe – près de trois dollars. Quelle est la différence entre leurs services alimentaires et ceux de l’U d’O? Les nôtres n’appartiennent pas aux étudiants et sont très loin de comprendre les besoins des étudiants. En plus de ne pas leur appartenir, Chartwells est une filiale de la plus grande compagnie de services alimentaires au monde. Cotée à la bourse de Londres, l’entreprise doit composer avec des enjeux financiers et l’opinion des étudiants est diluée dans des considérations qui sont bien loin de la réalité du campus. Le groupe propriétaire de Chartwells sert déjà des repas dans différents pénitenciers ontariens. Quant à elle, la communauté universitaire a le pouvoir de se mobiliser pour exiger mieux.

                  Ce n’est pas sans effort que l’on va chasser Chartwells du campus et/ou finalement avoir des options saines, provenant de fournisseurs locaux, à des prix abordables pour les étudiants. Tout commence par des gestes collectifs de ras-le-bol : Laissez tomber la cafétéria et ramenez votre propre lunch. Sortez du campus et acheter votre dose de caféine matinale dans un des nombres cafés indépendants du centre-ville. Boycottez Chartwells.

 

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