
Les bibliothèques et les archives au cœur de la mémoire vivante des communautés minoritaires
Crédit visuel : Jurgen Hoth – Photojournaliste
Article rédigé par Davy Bambara – Journaliste
Le Centre de recherche sur les francophonies canadiennes (CRCCF) de l’Université d’Ottawa a célébré le lancement de l’ouvrage collectif « Bibliothèques et archives dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire : enjeux et devenirs ». Publié aux Presses de l’Université d’Ottawa et dirigé par Lucie Hotte, Alain Roy, Hélène Carrier et Linda Savoie, ce volume explore le rôle essentiel des bibliothèques et des archives dans la construction, la transmission et la vitalité de la mémoire collective des communautés francophones et anglophones en contexte minoritaire au Canada.
Un lancement placé sous le signe de la mémoire et du dialogue
Organisé par le CRCCF en collaboration avec Bibliothèque et Archives Canada (BAC), l’événement s’est déroulé dans une atmosphère conviviale et réfléchie, réunissant chercheur.e.s, professionnel.le.s de l’information, ainsi que le public. La table ronde a accueilli Mélanie Lanouette, conseillère stratégique et adjointe de la conservatrice à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Denis Perreaux, directeur général de la Société historique francophone de l’Alberta, et Sarah Shaughnessy, bibliothécaire à la Bibliothèque Saint-Jean du Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta.
Animée par Alain Roy, codirecteur de l’ouvrage, la discussion a mis en lumière la diversité des perspectives et des expériences réunies dans ce volume majeur, fruit d’un colloque tenu en 2020, au plus fort de la pandémie. Ce colloque, organisé en ligne, avait déjà démontré la capacité du milieu patrimonial à s’adapter, à collaborer et à poursuivre la réflexion sur la vitalité culturelle des communautés linguistiques.

Les institutions de mémoire comme agents vivants de la vitalité communautaire
Au cœur de l’ouvrage se trouve la notion de vitalité mémorielle, un concept central défendu par les directeur.rice.s du volume. Il invite à voir la mémoire non pas comme un simple dépôt du passé, mais comme un écosystème vivant, animé par les récits, les usages et les interactions.
« Les bibliothèques et les archives sont des lieux de médiation et de socialisation, des espaces où la mémoire devient action », explique Lanouette, rappelant que ces institutions du savoir doivent être considérées comme de véritables actrices culturelles. De son côté, Perreaux insiste sur l’importance d’« activer » les archives, plutôt que de simplement les conserver. « Nos communautés doivent s’emparer de leurs traces pour se projeter dans l’avenir. Les archives vivantes, c’est ce qui transforme la mémoire en levier de vitalité », illustre-t-il avec plusieurs exemples de projets communautaires menés en Alberta.
Shaughnessy, pour sa part, souligne que le rôle des bibliothèques dépasse largement le prêt de livres : « Elles sont des espaces d’apprentissage et de transmission. Dans nos contextes minoritaires, elles participent directement à l’affirmation identitaire et à la visibilité de nos cultures. »
Des défis politiques et culturels encore à relever
Les panélistes rappellent que malgré leur importance, les bibliothèques francophones demeurent peu reconnues dans les politiques publiques. La gouvernance éclatée du réseau, le manque de coordination nationale et les moyens limités freinent souvent leur développement. « Il y a urgence à concevoir les bibliothèques comme de véritables tiers-lieux culturels, des lieux de rencontre et d’échanges où la mémoire collective se vit au quotidien », souligne Roy.
Du côté des archives, la question de la confiance des communautés envers les institutions a été abordée. Plusieurs intervenants ont évoqué la réticence de certain.e.s citoyen.ne.s à confier leurs documents à des structures publiques, par peur qu’ils ne soient pas traités ou valorisés selon leurs valeurs culturelles. Les initiatives de citoyen.ne.s archivistes, où la communauté participe elle-même à la collecte et à la description des documents, ont été identifiées comme des pistes d’avenir prometteuses.
Une œuvre de référence pour penser la mémoire en action
L’ouvrage, soutenu par le Programme d’aide à l’édition savante du CRSH et la Bibliothèque de l’Université d’Ottawa, s’impose déjà comme une référence incontournable pour les chercheur.euse.s, praticien.ne.s et acteur.rice.s communautaires. Accessible en libre accès sur le site des Presses de l’Université d’Ottawa, il met en dialogue des contributions venues de toutes les régions du pays et offre un regard à la fois critique et mobilisateur sur la place du patrimoine documentaire dans la vitalité des communautés.
Pour Juliane Lemire, directrice générale des communications et des politiques à BAC, présente lors de l’événement, le message du livre résonne profondément avec les orientations actuelles de l’institution :
« La mémoire n’est pas qu’un regard vers le passé, c’est un outil pour construire le présent et imaginer l’avenir. Ensemble, nous faisons vivre la mémoire et, en la faisant vivre, nous faisons grandir nos communautés. »
– Juliane Lemire –
Un engagement durable pour la francophonie canadienne
En clôturant la soirée, Hotte a rappelé que ce projet témoigne de la vitalité de la recherche sur la francophonie canadienne et du rôle central du CRCCF dans la valorisation du patrimoine francophone. « Ce volume montre que nos institutions de mémoire, grandes ou modestes, contribuent à tisser les liens qui assurent la continuité de nos communautés », affirme-t-elle.
Alliant savoirs, engagement et partage, « Bibliothèques et archives dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire : enjeux et devenirs » dépasse le simple recueil d’articles ; ce livre invite à repenser notre relation à l’histoire afin de façonner plus efficacement le futur.
