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Arts et culture

L’évolution de la musique francophone en Ontario : entre mémoire, diversité et affirmation

Crédit visuel : Élodie Ah-Wong– Directrice artistique

Article rédigé par Davy Bambara – Journaliste

En Ontario, la musique francophone a évolué d’un acte de résistance culturelle à une expression artistique riche et diversifiée. Depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui, des artistes comme Paul Demers, CANO ou, plus récemment Véloce André contribuent à façonner une identité musicale unique. En mêlant héritage, modernité et diversité, la scène franco-ontarienne continue d’affirmer la place du français dans une province majoritairement anglophone.

Des racines ancrées dans la mémoire et la résistance

La musique francophone en Ontario s’est d’abord construite comme un acte de résistance, comme une réponse aux menaces d’effacement culturel. En 1989, « Notre place » de Paul Demers devient le premier hymne franco-ontarien à revendiquer ouvertement une identité collective. « Chanter en français, c’était un acte politique », rappelle Eugénie Tessier, chercheuse postdoctorale à l’Université de Moncton et professeure à l’École de musique à l’Université d’Ottawa.

Dès le milieu du XXe siècle, le folklore franco-ontarien avait déjà amorcé ce travail de préservation culturelle. Des collectes de chants traditionnels menées par des folkloristes comme le père Germain Lemieux permettent de conserver la mémoire des colons français et de leurs descendants. Dans les années 1970, des groupes et personnalités comme CANO, Garolou ou Robert Paquette reprennent le flambeau en mariant création artistique et revendication identitaire. Leur musique, enracinée dans les réalités franco-ontarienne, contribue à bâtir une conscience collective, posant les bases d’une culture moderne et engagée.

Une scène en pleine transformation

Aujourd’hui, cette musique s’est profondément métamorphosée. Loin de se limiter à une expression militante, elle reflète désormais la pluralité des parcours et des identités qui composent la francophonie ontarienne.

Pour Véloce André, jeune artiste franco-ontarien, cette diversité est un moteur dans la création contemporaine. Son style, qu’il décrit comme cyberpunk, mêle influences électroniques, punk et métal. « Il y a de tout dans la musique francophone : du funk, de la pop, du métal, du folk, du rap », explique-t-il. Pour lui, chanter en français n’est pas simplement un genre musical, mais un choix de langue et d’expression.

Cette pluralité est également observée par Tessier, qui souligne que les artistes franco-ontarien.ne.s d’aujourd’hui circulent avec aisance entre les scènes francophones et anglophones, tant au Canada qu’à l’international. Véronic Dicaire, Yao, Ferline Régis ou encore Les Rats de Swompe en témoignent. « Chanter en français en Ontario n’est pas une finalité, mais un point d’attachement parmi d’autres », observe la chercheuse.

La jeunesse au cœur du renouveau

Cette nouvelle ère musicale repose également sur la jeunesse, qui constitue un public curieux et réceptif. Pour André, l’accueil des jeunes lors de ses spectacles scolaires témoigne d’un réel enthousiasme : « Les jeunes ont besoin de se défouler, et la musique est un excellent moyen pour ça. »

Par ailleurs, des initiatives, soutenues par des programmes gouvernementaux et des réseaux comme l’APCM ou Réseau Ontario, permettent aux artistes de rencontrer les jeunes francophones dans les écoles. Selon Tessier, ces rencontres nourrissent des formes d’attachement nouvelles, non seulement à la musique, mais aussi à la langue et à la culture. La scène musicale devient ainsi un espace d’éducation culturelle et d’identification collective.

Une identité qui se réinvente

Si la musique franco-ontarienne s’ouvre à une multitude de styles, elle demeure profondément marquée par sa langue et par ses particularités régionales. 

"On a notre propre dialecte, nos façons de dire, nos anglicismes… C’est la diversité qui fait la beauté de notre musique."

– Véloce André –

Cette diversité linguistique et stylistique illustre la vitalité d’une communauté qui refuse l’uniformité. Entre héritage et modernité, les artistes continuent de faire de la musique un espace d’expression et de mémoire, où chaque voix trouve sa place.

Plus de trente ans après «Notre place», la musique franco-ontarienne bat toujours au rythme de l’affirmation et du renouveau. Les sonorités changent, les styles se  multiplient, mais la même pulsation demeure : celle d’une langue qui chante pour exister. De la mémoire des anciens aux créations futuristes de Véloce André, la francophonie ontarienne continue d’accorder sa voix à la diversité, prouvant que la musique reste un terrain privilégié de dialogue entre passé et avenir.

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