
Logement étudiant : pénurie, loyers, insalubrité… quelles solutions ?
Crédit visuel : Archives La Rotonde – Jürgen Hoth
Article rédigé par Sandra Uhlrich — Journaliste
En mai dernier, le Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO) a présenté un rapport sur le logement étudiant devant les membres du Comité de la planification et du logement de la Ville d’Ottawa. Issu d’une enquête menée auprès de 600 étudiant.e.s, le document dresse un portrait alarmant de la crise du logement étudiant qui ne cesse de prendre de l’ampleur au sein de la communauté étudiante.
État des lieux
En juin 2024, le Bureau des gouverneurs du SÉUO a créé le Caucus exploratoire sur le logement étudiant (CELÉ), afin de quantifier la situation du logement étudiant à Ottawa. Les travaux du caucus, publiés dans un rapport, rendent compte de plusieurs données préoccupantes.
Près de 35% des étudiant.e.s sondé.e.s sont confronté.e.s à des problèmes de nuisibles (souris, rats, cafards, etc.), 36% disent avoir une mauvaise ventilation ou une mauvaise qualité d’air et 30% doivent faire face à des problèmes de moisissure.
52 % d’entre eux.elles disent également avoir eu du mal à trouver un logement adapté à leur réalité. Le rapport révèle également qu’il faut en moyenne 54 heures de travail par mois pour un.e étudiant.e pour assurer ne serait-ce que le paiement de son loyer, soit plus de 12 heures par semaine.
Pour Alex Stratas, Commissaire à la revendication du SÉUO, le logement étudiant abordable est une priorité absolue. Le Syndicat affirme qu’il s’agit d’un droit fondamental : « Tous les êtres humains ont droit à un logement adéquat et abordable », a souligné Stratas en entrevue avec La Rotonde.
Jeff Leiper, conseiller de la ville pour le quartier de Kitchissippi, a invité le SÉUO à présenter son rapport à la Ville. Il dénonce les conditions d’insalubrité exposées par l’étude : « […][Il] est inacceptable qu’ils.elles vivent ainsi] simplement parce qu’ils.elles sont étudiant.e.s. [Ils.elles] ont droit à la même dignité dans leur logement que n’importe quel.elle autre locataire ».
Agir localement : quelles solutions face à la crise?
Face à l’ampleur du phénomène, le SÉUO pousse les différents paliers gouvernementaux et institutionnels à agir. Il propose notamment l’instauration d’un zonage à logements abordables dans un rayon de 5 km de l’Université, en priorisant le quartier de la Côte-de-Sable.
Selon Stratas, cela encouragerait « les développeurs à [y] créer des bâtiments abordables pour les étudiant.e.s ». Leiper adhère également à l’assouplissement des règles de zonages entourant les logements étudiants, même si l’implémentation de cette solution prendra du temps.
Le rapport du CELÉ et Stratas recommande des solutions comme la création de coopératives de logement (COOP) ou d’organisations à but non lucratif (OBNL) dirigées par et pour les étudiant.e.s, notamment, dans les bâtiments désaffectés de l’Université dans le quartier de Côte-de-Sable.
Selon elle, ce sont ces approches, et non les promoteurs privés, qui ont su endiguer les crises de logement passées. Leiper souligne aussi le rôle d’initiatives comme l’Ottawa Land Trust, qui contribuent à maintenir une offre de logements abordables.
Ces modèles sont d’autant plus cruciaux face aux propriétaires corporatifs (ex: ALMA, 1Eleven, THÉO), qui construisent des logements toujours plus chers, dans un contexte où le gouvernement Ford a restreint le contrôle des loyers construits après novembre 2018. La Ville, rappelle Leiper, a un pouvoir limité : la plupart des décisions sur le logement abordable et les relations entre les locataires et les propriétaires relèvent du provincial.
Bousculer les règles du jeu : repenser la relation locataire-propriétaire
Face aux dynamiques abusives entre les étudiant.e.s locataires et leurs propriétaires, Stratas veut mieux informer ces dernier.ère.s sur leurs droits, notamment par le biais d’outils, d’événements ou par la distribution de pamphlets informatifs, une initiative entamée lors de la session d’hiver 2025.
Dans cette optique, Aidan Fitzmaurice, étudiant en deuxième année à l’Université d’Ottawa, a lancé le projet Next Room, une plateforme visant à aider « les étudiant.e.s à trouver un logement et des colocataires », tout en plaçant la transparence et l’expérience étudiante au centre de la démarche.
Sur cette plateforme, les locataires pourront « communiquer, laisser des commentaires et leurs impressions sur un logement, faire des demandes de réparations », a-t-il informé. Disponible dès septembre 2025, Next Room exigera des propriétaires qu’ils.elles respectent des engagements éthiques dans la gestion des loyers et ils.elles seront soumis.e.s à un processus d’approbation.
Fitzmaurice espère un partenariat avec le SÉUO afin de mieux adapter Next Room à la réalité étudiante. Il estime qu’un mouvement plus large pour un logement étudiant plus éthique et plus transparent, au bénéfice des propriétaires et des locataires, est nécessaire.
Outils disponibles aux locataires étudiants :
- Commission de la location immobilière (CLI) : tribunal provincial chargé de régler les différends entre locataires et propriétaires.
- Signalement au 311 ou à votre conseiller.ère municipal.e : si le logement ne respecte pas le règlement municipal sur les normes d’entretien des biens.
- Clinique communautaire juridique : organisme sur le campus offrant un soutien juridique aux locataires, incluant des conseils sur leurs droits en vertu de la Loi sur la location à usage d’habitation, ainsi qu’un accompagnement en cas de litige ou pour certaines démarches administratives.