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Opinions

Le masque nous aveugle-t-il ? 

Rédaction
13 août 2020

Crédit visuel : Clémence Roy-Darisse

Par Clémence Roy-Darisse – Journaliste 

La COVID-19 aura peut-être entraîné une baisse momentanée des gaz à effet de serre (GES), mais est-elle là pour rester ? Alors que la planète se rapproche dangereusement d’une augmentation sans précédent de 1,5 degré Celsius cette année, le gouvernement canadien tentera-t-il d’éviter la catastrophe ? La pandémie aura-t-elle eu des impacts positifs sur l’environnement ? Je me lance sur la question. 

Faire des recherches sur la crise climatique m’angoisse. Mais je préfère être informée plutôt qu’insouciante, participer au changement plutôt qu’à la destruction de nos écosystèmes. 

J’ai d’abord pensé que le réchauffement climatique avait causé la COVID-19 ; je n’avais pas tout à fait tort. 

Selon la Dre Maria Neira, directrice de la santé publique et de l’environnement à l’Organisation mondiale de la santé, les politiques de déforestation et d’agriculture intensives sont des facteurs importants de développement de zoonose, maladies transmissibles entre l’homme et l’animal, comme la COVID-19. La pollution atmosphérique rend également les populations plus sensibles aux maladies infectieuses. 

Mais je me suis vite démentie. Le réchauffement climatique n’a pas causé la pandémie, il a tout simplement aggravé les impacts de cette dernière. Certains facteurs reliés à notre mode de vie malsain et au réchauffement climatique, comme l’hypermobilité mondiale et la production industrielle de viande sont toutefois reliés au développement de zoonose et à la transmission mondiale du virus. 

Chose certaine, cette catastrophe mondiale nous force à revoir drastiquement nos modes de vie effrénés et insensibles. 

Venise n’a jamais eu l’eau si claire ! 

Comme plusieurs, au début de la pandémie j’ai d’abord remarqué les effets positifs sur l’environnement du ralentissement massif des transports et de la production. Les canaux de Venise enfin clairs, l’Himalaya visible pour la première fois depuis longtemps. Il y avait de quoi se réjouir ! 

Le secteur des transports, particulièrement le secteur aérien, responsable d’une émission importante de GES, a connu une baisse d’émission historique. Toutefois, une hausse des GES dans les milieux résidentiels a été observée. 

Pleins feux sur la consommation résidentielle 

Durant la pandémie, la consommation commerciale a été remplacée par la consommation résidentielle. L’électricité dans les maisons fonctionne davantage et la production d’énergie électrique pour supporter l’internet par exemple, reste responsable d’un tiers des émissions de carbone. 

De plus, le Canada n’a pas priorisé les masques réutilisables. Les masques jetables,  gants et équipements de protection médicale ne sont pas recyclables. « Un masque chirurgical met environ 450 ans à se décomposer dans la nature, selon des organismes de défense de l’environnement », évoque Radio-Canada

Selon ce même article, la COVID-19 resterait plus longtemps sur les surfaces de plastique que sur du carton ou encore le papier. Pourquoi utilisons-nous alors encore massivement du plastique ? Plusieurs commerces refusent les bouteilles d’eau réutilisables ainsi que les contenants réutilisables, mais continuent d’accepter de l’argent comptant. Où est la cohérence ? 

Le secteur de l’agriculture a aussi été particulièrement touché pendant la pandémie. Le Canada est un important exportateur de porc, de blé et de légumineuses. Mais il ne produit pas assez de fruits et légumes pour combler la demande. Il compte sur une majorité d’importations et de travailleur.euse.s étranger.ère.s pour produire. La pandémie a souligné notre faible auto-suffisance en matière alimentaire. Un problème qui pourrait être résolu si nous privilégions les serres froides. 

Ce qui m’amène à penser que tout se joue présentement dans la balance de la relance. Comment allons-nous reconstruire le monde de demain ? C’est ce qui déterminera si la pandémie aura eu des impacts positifs ou négatifs pour l’environnement. 

Une relance verte et juste est non seulement essentielle mais elle est nécessaire pour la survie et la santé des populations. Chaque année, le réchauffement climatique tue jusqu’à 7 millions de personnes prématurément à l’échelle mondiale ; c’est bien plus que le coronavirus. 

Qui tirera profit de la crise ? 

Au nom de la relance économique, les lobbys pétroliers tentent d’influencer des investissements massifs du gouvernement pour reprendre leurs activités comme à l’habitude. Ces subventions canadiennes pourraient totalement miner les objectifs d’atteinte de GES, qui sont loin d’être ambitieux par rapport à la menace réelle. 

Les crises aussi sont des moments propices à l’imposition de doctrines de choc par le gouvernement, comme le mentionne Naomi Klein. Elle définit ces doctrines comme étant « la stratégie politique consistant à utiliser les crises à grande échelle pour faire avancer des politiques qui approfondissent systématiquement les inégalités, enrichissent les élites et affaiblissent les autres. » 

Ces politiques sont plus facilement imposées en temps de crise, car la grande majorité se concentre sur sa survie quotidienne et détourne les yeux sur les enjeux politiques et sociaux systémiques. 

Par exemple, la crise aux États-Unis a profité aux plus riches : la fortune des milliardaires aux États-Unis s’est accrue de 10% pour un total de 282 milliards de dollars, tandis que la majorité des foyers ont perdu leur emploi et une partie de leur revenu mensuel. 

Donald Trump est l’exemple parfait, selon moi, de l’imposition de doctrines de choc. 

Quoi faire pour changer les choses ? 

Il ne faut pas désespérer. La mobilisation citoyenne est plus que jamais essentielle et la crise nous offre la chance de repenser un monde plus juste et plus vert. Nous pouvons faire valoir virtuellement notre approbation à des politiques positives au niveau environnemental. 

Une relance verte suivant le modèle proposé par la jeune députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez et portant le nom de Green New Deal est une idée ingénieuse. Ce plan d’investissement massif dans l’économie verte répond à la fois à la crise climatique et à la crise sociale des inégalités qui touche les États-Unis. Nous pouvons écrire à nos députés pour faire valoir ce plan ici au Canada. 

Au Québec, le jeune candidat à la chefferie du Parti Québécois Paul Saint-Pierre Plamondon, a récemment proposé d’interdire la publicité de véhicules polluants. Cette idée pourrait faire du chemin si elle récoltait un appui important de la population. 

Au niveau des habitudes individuelles, la pandémie nous offre l’opportunité de baisser notre consommation, d’éliminer nos déplacements en auto et d’accroître notre capacité à s’autosuffire alimentairement. Il nous est possible de par exemple travailler de la maison et apprendre à jardiner. 

Nous pouvons également signer des pétitions de Greenpeace et d’autres partagées sur le site Facebook de La planète s’invite au parlement, afin de faire pression sur le gouvernement pour qu’il présente un plan de relance vert. 

Ce plan devra chercher à réinventer des villes qui priorisent la marche, la bicyclette et le transport en commun. Ces derniers ne sont pas dangereux souligne Maria Neira :  « la voiture privée cause davantage de mort.e.s que n’importe quelle maladie dans les transports publics. […] il ne faut pas oublier que la pollution tue prématurément 7 millions de personnes par année, qu’il faut donc s’attaquer à cela et aux changements climatiques. »

Je m’étais promise que cette année sera celle de l’environnement et je ne laisserai pas la pandémie en faire autrement, et vous ? 

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