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Nouveau vaccin ; entre vérités et fausses informations

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12 décembre 2020

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Entrevue réalisée par Aïcha Ducharme-Leblanc – Journaliste 

Entre les innombrables reportages sur les vaccins en cours d’essai ou approuvés, et des discours contre l’utilité même de la vaccination, les informations concernant la lutte contre la COVID-19 s’emmêlent. Erling Rud, professeur adjoint spécialisé dans la vaccination à l’Université d’Ottawa et à l’Université de Carleton, démystifie les informations actuelles sur ce fameux vecteur d’immunité. 

La Rotonde (LR) : Quels sont les défis de la mise au point d’un vaccin au Canada, et pourquoi ce processus prend-il autant de temps ? 

Erling Rud (ER) : C’est en fait tout à fait incroyable ; en un an, nous avons déjà approuvé des vaccins. Pour être honnête, je suis époustouflé, car il faut généralement 15 à 20 ans pour obtenir un résultat comme tel, et cela coûte des milliards de dollars.

Le développement de produits pour les médicaments et les vaccins est très coûteux, c’est donc là une partie du problème. Beaucoup de petits acteurs ne peuvent pas se permettre de développer un vaccin à grande échelle. Au Canada, de nombreux efforts sont en cours mais l’espoir veut qu’une plus grande entreprise puisse prendre le relais, car nous n’avons pas la capacité de mise à l’échelle dans ce pays. Nous ne pouvons pas produire les millions de doses dont nous aurions besoin.

Quand nous [les scientifiques Canadien.ne.s] réussissons dans la recherche et le développement, c’est-à-dire dans la génération d’idées, l’obtention des premiers résultats, avec les études sur les animaux par exemple, devient très chère […]. Et puis, une fois qu’on a le financement, la production à grande échelle [est difficile]. Je déteste le dire, mais le gouvernement conservateur [de Mulroney] a vendu nos actifs [scientifiques] dans ce pays […]. Notre capacité de production à grande échelle a simplement baissé. 

En matière de négociation [pour faire des ententes sur les vaccins], nous avons fait ce qu’il y a de mieux dans le monde : nous avons neuf doses par personne au Canada […]. Nous avons l’argent, et les ressources pour pouvoir établir ces accords, et nous sommes intervenu.e.s très tôt. C’est assez formidable d’avoir un gouvernement qui est prêt à anticiper et faire de telles ententes. 

LR : Quand pensez-vous que les vaccins seront mis à la disposition du grand public au Canada ? Seront-ils payants ?

ER : Nous recevrons probablement les premiers vaccins au cours du premier trimestre de 2021, donc de janvier à fin mars environ, cela dépenda des entreprises. C’est pourquoi il est si difficile pour le gouvernement fédéral de répondre aux provinces sur le moment où elles vont les obtenir. La mise à l’échelle sera-t-elle un problème ? Les entreprises vont-elles recevoir un mauvais lot et devoir recommencer ? Cela peut arriver. Pour la majorité des gens, il se peut qu’il faille devoir attendre la fin de l’été […], soit en septembre 2021.

Et je ne pense pas qu’il y aura un coût. La seule façon de faire vacciner 70 % du pays [comme le souhaite le gouvernement] est de le distribuer gratuitement. J’ai reçu mon vaccin contre la grippe au cours des dernières années, pour lequel je n’ai pas payé. Je suppose que la même approche sera suivie pour le vaccin contre la COVID-19 ; les impôts finiront par payer pour le vaccin. 

LR : Il y a beaucoup de fausses informations sur les vaccins qui circulent ; comment les contrer ? 

ER : La diffusion d’informations erronées est absolument inadmissible. Je discute avec des gens du monde entier de la manière dont nous allons traiter ce problème, et je pense que le seul moyen de le contrer est de le confronter avec des preuves.

Si quelqu’un affirme que les vaccins vont tuer des gens, alors je veux qu’on me montre les preuves. Je veux que l’on m’indique que, sans vaccin, un tel montant de personnes meurent de la maladie en question. Et après l’introduction d’un vaccin, un tel montant de personnes meurent. Il faut montrer les énormes différences [pour y croire].

[Avec un vaccin,] la réduction de décès est de 100 %. C’est noir sur blanc, c’est très simple. Les gens dépendent du moteur de recherche Google, qui relève des informations de sources douteuses, et les utilisent pour construire leurs arguments. Cela peut surtout alimenter leurs peurs, leurs idées préconçues, et leurs croyances. Mais une croyance reste une croyance ; elle n’a rien à voir avec les preuves scientifiques. 

LR : Auriez-vous autre chose à mentionner ? 

ER : Je dirais que, scientifiquement [le développement du vaccin] est notre Projet Manhattan. C’est la bombe de la Seconde Guerre mondiale qui a arrêté les Japonais, et mis fin à la guerre. Son développement a demandé beaucoup d’efforts. Pour moi, l’élaboration de ce vaccin contre la pandémie a nécessité ce type d’approche. 

Nous avons encore beaucoup de questions, auxquelles nous n’avons pas encore de réponses. Combien de temps cette protection va-t-elle durer ? Serons-nous protégé.e.s pendant trois semaines, six mois, deux ans, cinq ans ? 

Nous allons de l’avant. Si nous avons atteint une certaine efficacité à court terme et peut-être à long terme, nous devrons tout de même peut-être vacciner à nouveau certaines personnes. Il reste donc encore beaucoup de travail à faire.

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