Crédit visuel : Andrey Carmo
Par Miléna Frachebois – Journaliste
La neige fond, le soleil s’impose et les températures négatives disparaissent. Qui dit beau temps, dit vacances au soleil. J’anticipe l’achat de mon bikini, mais ce que je vois dans les cabines d’essayage ne me plaît pas.
Je fais partie des personnes qui se tentent au corps idéal pour l’été. L’élément déclencheur pour moi : les photos sur Instagram, à la plage pendant la semaine de lecture de février.
Ces photos sont ma sonnette d’alarme, il faut que je me dépêche. Plus tôt est anticipé ce processus, meilleur aura l’air mon corps au moment des vacances d’été.
Choix qui devient une nécessité
Je me lève à 8 h, le matin, tous les dimanches. En fait, c’est comme cela toutes les fins de semaines depuis le début 2020. Je m’apprête à me rendre à la salle de sport. Je m’habille et je me vois dans le miroir. Je me tâte les bras, je trouve qu’ils sont trop mous. Je matte mes fesses ; elles ne sont pas assez musclées. Il est temps pour moi de m’y mettre !
Je mange mon yaourt 0 % avec des fruits et des flocons d’avoine dans l’optique de me dire que c’est bon pour ma diète. Je me rends compte que cela n’est pas suffisant. Je dois travailler mon corps, comme s’il était une oeuvre d’art que les gens voient.
Je me mets maintenant à aller à la salle de sport plusieurs fois dans la semaine. Deux emplois qui équivalent à 30 h par semaine et mes études n’arrêtent plus mon besoin de changement.
De prime abord, c’était une volonté de changer de corps, puis c’est devenu une nécessité. Je suis passée de « j’aimerais bien perdre du poids et muscler mon corps » à « il faut que je maigrisse et que mon corps soit musclé, pour la plage ».
Pourquoi sculpter mon image estivale ?
Ce sujet m’obsède de plus en plus. Le fait de voir des filles bronzées, musclées et minces, c’est pour moi la perfection, car c’est ainsi qu’elle est partagée sur les réseaux sociaux.
L’été approchant, signe de chaleur, les vêtements tombent et le corps se dévoile progressivement. L’été qui se profile, c’est donc le moment où notre corps me semble le plus exposé.
Du fait que j’associe ce que je vois sur les réseaux comme étant la perfection, je me considère très imparfaite, car mon corps n’a rien à voir avec les filles d’Instagram. Je suis très pâle, je suis petite, je n’ai pas des fesses bombées et encore moins le fameux ventre plat.
Mon corps dévoilé, et imparfait à mon goût, c’est l’image que l’on va avoir de moi en maillot de bain. Cette imperfection, je l’associe à ma personne entière, puisqu’elle reflète extérieurement ce que je suis, c’est cette image de moi qui va rester. Dans ma tête, je dois perdre du poids pour être une personne plus appréciée, plus valorisée.
Souffrance à méditer
Ce mécanisme mental me hante. Il me blesse. J’en souffre. J’essaie de relativiser : les gens ne regardent pas nécessairement mes imperfections, ils s’en foutent. Quand bien même, je vais me sentir insécure et personne, ni rien, ne pourra me faire changer d’avis. Ceci est l’effet dangereux et malice des réseaux sociaux, selon moi.
Je ne peux pas m’en passer, même si cela me fait mal. En même temps, je suis plongée de force dans cette sphère conventionnelle, dont il me paraît impossible de m’échapper. Dois-je m’en vouloir pour qui je suis ? Dois-je m’en vouloir pour ne pas échapper à l’email du filet ? Ou bien dois-je être plus indulgente avec moi-même et me respecter en étant consciente des dangers partagés sur les réseaux sociaux ?
Ceux-ci n’exposent que les bons moments, les meilleurs angles. Mon échappatoire à ce problème, ou disons, celui que je devrais tenter plus fort d’emprunter sont des outils clairvoyants de conscience réaliste, qui me permettent de régler le problème à la racine : être soi-même n’est pas un problème.
Cependant, ce n’est pas pour maintenant, je ne suis pas hypocrite. Je souffre, mais je n’arrive pas à faire l’effort… Tout en ayant espoir, je me dis : qui sait ? Peut-être l’année prochaine.