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Lettre ouverte rédigée par Marianne Arseneau – Contributrice
Chère Université d’Ottawa (U d’O),
Cette année, pour le 25 septembre, j’aurais tellement aimé avoir comme cadeau une offre active.
Il y a plus de deux semaines maintenant, j’ai décidé de m’inscrire à un cercle d’écriture organisé par la bibliothèque et le Centre d’aide à la rédaction des travaux universitaires (CARTU) en espérant progresser dans la rédaction de ma thèse de maîtrise.
En ce pluvieux mercredi 25 septembre, Journée des Franco-Ontarien.nes, je me rends au local désigné. Une femme tenant un bloc-notes m’accueille : « Hi, what’s your name ? ». Nous cherchons mon nom dans la liste, mais je n’y apparais pas, en raison d’un problème hors de mon contrôle. Pas grave, j’ai quand même le droit de participer au cercle d’écriture. Malgré la confusion, là n’était pas ma source de frustrations.
Ce qui a retenu mon attention était plutôt l’accueil complètement en anglais qui m’a été offert. Quand j’ai répondu en français, l’employée m’a à son tour répondu dans un français que je jugeais excellent : à entendre son accent, j’estime que celle-ci était francophone. Pourquoi alors m’a-t-elle saluée et accueillie uniquement en anglais ? Je ne pose pas cette question pour être maligne, il s’agit d’une interrogation sincère.
L’U d’O se félicite sans cesse d’être une institution bilingue. Il y a deux ans, elle a révisé son règlement sur le bilinguisme qui a comme objectif, entre autres, « d’encadrer la pratique du bilinguisme dans le respect des droits, statuts et privilèges des membres de la communauté de l’Université. » Sachant cela, pourquoi l’offre active n’est-elle pas monnaie courante ?
D’ailleurs, le Règlement sur le bilinguisme stipule qu’« [i]l incombe à l’administration centrale, à ses services administratifs et aux unités académiques de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour promouvoir une offre active de services dans les deux langues officielles en vue de réaliser l’égalité réelle ». Pourtant, ce genre de situations, lors de laquelle je me fais saluer uniquement en anglais par un.e employé.e qui s’avère être francophone, m’est arrivé à plusieurs reprises lors de mon parcours à l’U d’O, notamment dans les services des sports, à PIVIK, à la bibliothèque et maintenant au CARTU. Il me semble même que cela m’est arrivé au Centre de santé et de mieux-être étudiant.
Vous vous en doutez peut-être : comme beaucoup d’étudiant.e.s canadien.ne.s francophones, je suis bilingue et, lorsqu’il s’avère nécessaire, je peux recevoir des services en anglais et comprendre les informations qu’on me donne. Il n’empêche qu’il peut être frustrant de constater que mon interlocuteur.ice est francophone ou parfaitement bilingue après avoir cherché mes mots et discuté en anglais.
Selon le Commissariat aux langues officielles du Canada, l’offre active « comprend un accueil bilingue, comme “Bonjour ! Hello !” ainsi que des repères visuels, comme des enseignes, qui renforcent cette invitation ». À mon avis, l’accueil verbal bilingue est plus important encore que les affiches, puisqu’il sert de rappel évident à la personne qui reçoit le service qu’elle peut choisir la langue de son choix. Bien que je sois généralement à l’aise de parler en public, je ressens toujours un certain malaise, voire une incertitude, quand je dois changer de langue lors d’une conversation avec un.e employé.e, et ce même dans une institution bilingue. La personne va-t-elle me comprendre si je me mets à parler en français ? Est-ce que ce service est effectivement offert dans les deux langues ? Vais-je avoir l’air d’une « Karen » si je demande à être servie en français ?
L’offre active indique aux client.e.s qu’ils.elles ont le droit d’être servi.e.s dans la langue de leur choix et enlève ainsi la pression de changer de langue de conversation. C’est ce qui fait, selon moi, un meilleur service à la clientèle.
Plusieurs étudiant.e.e canadien.ne.s ayant grandi en milieu francophone minoritaire sont habitué.e.s à ce que la langue de l’espace public soit l’anglais : il est important de ne pas oublier que nous avons le droit d’être servi.e.s en français. Il faut également se rappeler que ce ne sont pas tou.te.s les étudiant.e.s francophones qui peuvent parler anglais. Une offre active permettrait de rendre ces étudiant.e.s à l’aise et éliminerait l’inquiétude en lien avec la conversation.
J’entends effectivement de temps en temps des histoires d’immigrant.e.s ou d’étudiant.e.s internationaux.ales qui se sentent déboussolé.e.s en arrivant au Canada. Alors qu’on leur avait promis un pays bilingue, ces personnes ne peuvent obtenir les services dont elles ont besoin en raison de cette barrière linguistique. L’U d’O devrait viser à faire de l’offre active une pratique courante et uniforme sur le campus. C’est la moindre des choses.
Je repense à ce 25 septembre, lors duquel j’ai eu beaucoup de plaisir à participer aux activités organisées pour célébrer les Franco-Ontarien.ne.s, mais également lors duquel je me suis fait offrir un service uniquement en anglais sur le campus. Je trouve cette situation un peu absurde, et je tiens donc à souligner que l’offre active est un moyen idéal de faire vivre la francophonie au quotidien à l’U d’O. En s’assurant que le personnel signale aux francophones qu’ils.elles peuvent être servi.e.s en français à l’Université, cela va, espérons-le, multiplier le nombre de conversations en français sur notre campus, rendre la francophonie plus visible et contribuer à remplir les objectifs du Règlement sur le bilinguisme.
En attendant, je continuerai à réclamer mes services en français. Je souhaite encore que l’on reçoive une vraie offre active en cadeau pour le 25 septembre prochain, comme un enfant qui souhaite voir plein de jouets sous le sapin le 25 décembre.