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Éditorial

Pédagogie du consommateur

Web-Rotonde
19 mars 2012

Éditorial

Anaïs Elboujdaïni | Rédactrice en chef
@anais_azzaro

Un récent rapport de l’Association des professeurs de l’U d’O a de quoi faire bondir toute société digne de ce nom. En effet, selon les données recueillies par l’Association, « les excédents réalisés [par l’U d’O] depuis les dix dernières années représentent 500 M$ ».

Cette hausse, due en partie à l’augmentation fulgurante du nombre d’étudiants, a aidé à fourbir les coffres. Elle n’a pas été suivie d’une embauche proportionnelle de professeurs.

Ainsi, en plus de nous entasser comme des petites sardines et de nous demander de payer davantage, l’Université, qui aurait dû embaucher 176 professeurs réguliers de plus pour satisfaire à la croissance, estime que nous devrions être dociles. Que nous devrions remercier le Ciel d’être dans une université « bilingue et multiculturelle ». Ce n’est pas moi qui le dis.

Alors que nos voisins de l’est sortent dans les rues pour empêcher une augmentation à terme de 75 % de leurs frais de scolarité, l’Ontario demeure muette.

Au lieu, les étudiants de la province qui jouit des frais les plus élevés flirtent avec la mendicité, cumulent les emplois à temps partiel et oublient de s’engager dans leur communauté. Lavage de cerveau d’un citoyen en devenir.

La grève, au Québec, est nécessaire pour montrer l’inacceptable barrière en train de s’ériger, mais il faut que les étudiants en Ontario se mettent au pas. Il faut que nous nous arrêtions un moment pour ouvrir la discussion et nous rendre compte que nombre d’entre nous sortiront endettés et, particulièrement, ceux d’entre nous ayant un diplôme en sciences sociales. En effet, être travailleur social ou prof d’histoire au secondaire ne promet pas le même salaire qu’un futur pharmacien.

Avec la hausse de 5 % des frais de scolarité annoncée – alors que le gouvernement McGuinty surfait sur des promesses de réduction de 30 % des frais durant la dernière campagne électorale –, le constat est aberrant. En effet, ces promesses de réduction se sont finalement révélées caduques et peu convaincantes, ayant été converties en sorte de bourses auxquelles la plupart des étudiants sont en fait inadmissibles.

Soit les étudiants ontariens ont du plomb dans les oreilles et feraient mieux d’adopter la plaque d’immatriculation du Québec pour se donner du nerf, soit ils sont majoritairement d’accord que les frais devraient être ceux d’un utilisateur-payeur. Quitte à faire rire les banques, qui, elles, placardent allègrement le campus – et les journaux étudiants – de publicités alléchantes.

Quand on parle de grève, quand on entend dans le débat public blocage des rues, c’est comme un canard sans tête qui court partout et se heurte avant de lâcher un dernier couinement : on oublie de parler de hausse des frais, de système d’imposition systématiquement inique, de passe-droits aux grosses entreprises, d’évasion fiscale. Si elles étaient mieux contrôlées, les sommes parachutées à la Barbade retourneraient dans les coffres de l’État et nous aurions de quoi faire la gratuité et réduire le déficit global des provinces.

On rit au nez des étudiants et des professeurs en promettant des salles de classe de 150 étudiants par chargé de cours. Prenons donc l’initiative de porter fièrement le carré rouge de feutre. Si l’université nous traite en client, et que le client a toujours raison, alors portons plainte à l’Union des consommateurs!

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