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Pierre Poilievre : l’incarnation de la droite populiste au Canada ?

Mabinty Toure
24 septembre 2022

Crédit visuel : Archives

Article rédigé par Mabinty Touré — Journaliste

Pierre Poilievre s’est imposé comme le nouveau chef du Parti conservateur du Canada (PCC) avec une victoire écrasante aux élections du 10 septembre dernier. Il a éliminé son rival, l’ancien ministre provincial Jean Charest, en remportant 68 % des voix. Le PCC voit la montée d’un communicateur habile, dont les propos soulèvent de nombreuses questions au sein de l’opinion publique.

Pierre Martel, professeur à temps partiel en Science politique à l’Université d’Ottawa (U d’O), décrit Poilievre comme étant « un politicien qui veut se camper comme le défenseur des Canadien.ne.s de la classe défavorisée et de la classe moyenne, autour des sujets de l’inflation et de l’économie ».

Une politique de la victoire 

Poilievre est un homme politique très fort, atteste Martel. Tout d’abord, il s’est fait remarqué pendant la campagne en ayant fait inscrire près de 300 000 nouveaux membres au Parti conservateur. Martel rappelle les relations du nouveau chef du PCC avec Stephen Harper, ancien premier ministre conservateur, qui a utilisé son influence dans le Parti conservateur pour aider Poilievre à obtenir plus de partisan.e.s.

Martel mentionne avoir rencontré personnellement le politicien, qui est selon lui une personne « campée sur ses positions […], pensant que la meilleure façon de défendre son point de vue est d’attaquer les positions des autres ». Il observe cependant que le politicien a tenté de formuler un discours dans lequel la quasi-majorité des membres du Parti conservateur pouvait se reconnaître. Phoebe Qiao, vice-présidente externe du club du campus NPD (Nouveau Parti Démocratique) de l’U d’O, reconnaît que Poilievre est un politicien qui a bien réussi à organiser la base conservatrice.

Pour le professeur en Science politique, l’élection de Poilievre serait circonstancielle au vu de la situation sociale actuelle des personnes souffrant économiquement de la pandémie. Cependant, Mia Lavergne, étudiante à l’U d’O elle aussi engagée dans le club du campus NPD, pense que le succès de Poilievre se limitera au Parti conservateur : « bien que sa rhétorique économique pourrait attirer des gens, leurs peurs face à ses rhétoriques sociales et politiques font en sorte qu’il soit bien moins apprécié hors du Parti Conservateur ».

Le reflet d’une droite populiste

La plateforme politique de Poilievre repose principalement sur la valeur de la liberté individuelle, « Il se voudrait défenseur d’une bonne gestion des finances publiques, d’un gouvernement aussi minimaliste que possible pour assurer la santé et la sécurité publique », atteste Martel. En effet, Poilievre propose des mesures pour lutter contre l’inflation, telles que la loi « pay-as-you go », qui limite les dépenses publiques sur le budget et oblige le gouvernement à trouver d’autres fonds lorsqu’il y a de nouvelles dépenses.

Parmi ces mesures, Martel revient sur ses propos au sujet de la destitution de Tiff Macklem, le gouverneur de la Banque du Canada. Il remarque : « Renvoyer le gouverneur de la Banque du Canada serait un faux pas […] c’est un organisme monétaire qui gère la masse monétaire indépendamment du gouvernement. Pour ceux et celles qui connaissent la démocratie, cet organisme est important. »

Qiao déplore le fait que les populistes de droite, dont Poilievre, disent représenter les intérêts du peuple sans les adresser quand ils ou elles sont élu.e.s. Lavergne renchérit que le chef du Parti conservateur croit en l’austérité comme remède aux problèmes économiques. Elle poursuit en affirmant que « l’austérité n’aide pas la population ou l’économie autant que les conservateurs le proclament. […] L’austérité va faire plus mal aux personnes en bas de l’échelle sociale. »

Une nouvelle « joute » politique et publique

Martel évoque le fait qu’il sera intéressant de voir Poilievre durant la période des questions dans la Chambres des Communes « parce qu’il est très habile pour trouver la faille dans les positions gouvernementales ». Selon lui, nous assistons à une nouvelle « joute politique », car il existe un réel clivage d’idées entre le gouvernement et le PCC.

Qiao mentionne de plus les attaques récurrentes contre les médias de la part de Poilievre, qui nuiraient selon elle au débat démocratique. Selon Martel, le PCC voit la montée d’un dirigeant qui montre son conservatisme à travers des initiatives relativement privées pour répondre aux besoins de la population. Le Premier ministre actuel, Justin Trudeau, va avoir affaire à un « adversaire redoutable », continue-t-il. Il ajoute que la scène politique va avoir un « réel clivage idéologique dans les politiques publiques proposées ».

Qiao déclare que l’élection de Poilievre pourrait encourager les jeunes à s’impliquer davantage politiquement, surtout en faveur de candidats progressistes. « Les résultats des prochaines élections fédérales devraient nous montrer où est-ce que la population canadienne veut voir son pays aller » indique Lavergne. Cela donne matière à réflexion en attendant les élections fédérales de 2025.

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