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Éditorial

Plagiat en humour, un secret de Polichinelle ?

Rédaction
4 février 2019

Éditorial

Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

« Attention au plagiat ! C’est facile, c’est tentant… mais ça peut coûter cher ! » peut-on lire dans un document de l’Université d’Ottawa. S’il est vrai que le prix à payer est cher dans le contexte universitaire, il est plus tempéré lorsqu’il est question du monde de l’humour. Entre copier et s’inspirer, la ligne est mince.

Tout récemment, l’humoriste à succès Gad Elmaleh a été accusé de plagiat par la chaîne Youtube CopyComic Videos. À première vue, malgré la ressemblance flagrante avec certains numéros, le géant de l’humour français aurait très bien pu plaider son innocence en citant de simples coïncidences ou plutôt admettre qu’il s’est inspiré de ses homologues. L’ennui, c’est qu’il s’est déjà tourné vers cette excuse en 2017.

À ce moment-là, ce dernier avait été accusé par la même chaîne d’avoir plagié l’américain Jerry Seinfeld. Il avait alors justifié les similarités en citant l’inspiration que lui a suscitée cet humoriste tout au long de sa carrière. Relégué à une simple tache sur son parcours, la popularité de Gad Elmaleh n’a pas souffert. Le tout pourrait toutefois changer avec la récente vidéo du 28 janvier qui, en plus, sera suivie d’une seconde le 4 février.

Si l’on peut dire qu’une fois est une coïncidence, deux fois c’est un problème. La répétition est ce qui rend ce cas particulièrement sérieux ; il n’est pas question de deux ou trois répliques ici et là, mais d’une multitude de numéros au travers des années. Les textes, les pauses et même les gestuelles partagent des ressemblances qui remettent en question l’intégrité du processus de création de l’humoriste.

Course à l’originalité

L’enjeu n’est pas la réplication d’un thème, il serait illogique d’accuser de plagiat quelqu’un pour la simple raison qu’il aborde un thème similaire au nôtre. Ce qui pose problème est la manière dont on décide de l’aborder. N’oublions pas la nature même du stand-up. Généralement sous forme de monologue, l’humoriste est seul avec son public à partager des expériences et sa vision de certaines réalités.

À partir de cette définition, le plagiat porte atteinte non seulement à la propriété intellectuelle de la parenté comique du fragment plagié, mais aussi à l’intégrité du numéro. Ce dernier est le fruit d’une réflexion personnelle influencée par le parcours unique d’un individu. Se l’approprier revient alors à dénuder le segment de son essence.

Pourtant, c’est cet élément qui donne à une blague son originalité. Certes, il y a une pression pour présenter du matériel original, mais de prendre le travail de quelqu’un d’autre comme raccourci pour atteindre une reconnaissance d’originalité est l’équivalent de lancer une roche sur le mur de sa maison en verre. Un humoriste débutant qui décide de plagier s’embarque dans un cercle vicieux qui finira par miner son intégrité ainsi que celle de son produit.

À l’inverse, un humoriste populaire avec de l’expérience qui plagie attire certes plus d’attention, mais paie-t-il autant que le jeune qui débute ? Le cas Elmaleh semble indiquer que non, qu’une fois avoir atteint la notoriété on peut se prémunir face à des accusations de cette nature. Fort à parier qu’il poursuivra un scénario se rapprochant davantage à celui de Robin Williams que de Dane Cook, une réputation qui se limite au milieu des humoristes au lieu d’une étiquette publique de voleur de blagues.

Qui surveille ?

Si des vidéos comme celles de CopyComic existent sur le web, il faut se demander qui agit comme surveillant. À la suite des allégations à l’encontre de Gad Elmaleh, plusieurs humoristes ont laissé entendre que les plagiaires avaient une réputation dans le milieu de l’humour. Au Québec, des humoristes comme Mike Ward laissent entendre que c’est le principe de la bonne foi qui agit comme norme de contrôle. La règle d’or est qu’une fois mis au courant des similarités, l’humoriste communique avec son homologue pour éviter toute friction.

On s’entend que ce mécanisme vise la coopération et un respect mutuel des parties impliquées, mais si ce mécanisme de règlement de différend échoue, la voie légale pour un litige en droit d’auteur est ardue. L’exemple le plus notable est celui de Claude Robinson contre Cinar qui s’est achevé après un parcours devant les tribunaux pendant 18 ans. C’est une longue bataille qui a eu pour effet de refroidir les intentions de certains à s’engager sur cette route.

Que ce soit par plagiat volontaire ou involontaire, l’intégrité du milieu en entier est menacée, car le public pourrait remettre en question l’originalité des numéros. Gad Elmaleh est l’exemple des temps qui courent, mais il ne faut pas se limiter qu’aux humoristes déjà établis. Il faut créer une culture qui commence avec une relève ayant une tolérance zéro face au plagiat.

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