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Pluie d’hommages pour Bernard Grandmaître

Crédit visuel : La Cité / X 

Article rédigé par Joelluc LiandjaJournaliste 

Rassembleur, visionnaire et défenseur des droits linguistiques, Bernard Grandmaître a vécu une vie extrêmement riche et diverse. Il laisse derrière lui un héritage qui continue de façonner profondément la francophonie ontarienne. Décédé le 28 octobre 2025 à l’hôpital Montfort à Ottawa, à l’âge de 92 ans, il demeure pour beaucoup un symbole de dignité, d’engagement et de service public. 

Son ascension 

Né en 1933 à Eastview, ce quartier d’Ottawa aujourd’hui connu sous le nom de Vanier, Bernard Grandmaître a grandi au sein d’une communauté où la langue française se vivait au quotidien. Elle était une langue de culture, de proximité et de résistance, mais elle devait sans cesse s’affirmer pour exister pleinement. Après avoir compris que la survie du français en Ontario dépendait de l’action collective, Grandmaître s’est rapidement engagé dans la vie municipale, convaincu que les changements durables passent par la proximité avec les citoyen.ne.s.

Il s’est rapidement engagé dans la vie municipale, avec pour objectif d’établir un contact direct avec les jeunes et les familles franco-ontariennes. C’est ainsi qu’il définit sa vision : défendre le français, c’est défendre le droit de se comprendre, d’apprendre et de servir dans sa langue. 

Élu maire de Vanier en 1974, il incarne une nouvelle génération de leaders franco-ontarien.ne.s caractérisé.e.s par leur engagement public, leur pragmatisme et leur fierté de la langue française. Très vite, il allait transformer le destin des francophones en Ontario.

Le bâtisseur des droits francophones en Ontario 

En 1984, Grandmaître poursuit sa montée en politique provinciale en devenant député libéral d’Ottawa-Est à Queen’s Park. Il élargit rapidement son influence au sein du gouvernement ontarien. Deux ans plus tard, il est nommé ministre délégué aux Affaires francophones, un poste qui donnera à jamais un nouveau visage à l’histoire du Canada français en Ontario. 

Son nom reste alors indissociable de ce moment clé de l’histoire de l’Ontario. Car sous sa direction, le gouvernement adopte la Loi sur les services en français (LSF) en 1986. Entrée en vigueur trois ans plus tard, en 1989, cette loi garantissait pour la toute première fois aux francophones de l’Ontario le droit d’obtenir des services gouvernementaux en français. 

C’est une reconnaissance dont se souvient très bien Marilissa Gosselin, une figure de la communauté francophone de l’Ontario, qui a présenté ses hommages à travers La Rotonde : « C’est avec une profonde émotion que j’ai appris le décès de Monsieur Bernard Grandmaître, un grand bâtisseur de la francophonie ontarienne. Il a joué un rôle essentiel dans la reconnaissance et la promotion de la francophonie en Ontario.  Il restera à jamais reconnu comme le père de la Loi 8, une législation historique qui a marqué un tournant majeur dans la reconnaissance et la protection des droits linguistiques en Ontario. Son héritage est immense. En ce moment de tristesse, nous saluons la mémoire d’un homme dont la vision et l’engagement ont profondément transformé notre société. » 

Ce témoignage est partagé par le professeur François Larocque, chercheur  sur la francophonie canadienne et les enjeux linguistiques : « À chaque fois que nous recevons en Ontario un service gouvernemental en français, à chaque fois que nous croisons une plaque d’immatriculation avec le drapeau franco-ontarien, que nous voyons un affichage bilingue dans les parcs provinciaux, ou sur les édifices et les sites web du gouvernement, c’est en grande partie, grâce à Bernard Grandmaître. Son legs : permettre aux Franco-Ontarien.ne.s de​ se sentir valorisé.e.s et chez eux dans la province. »

Cette avancée législative s’articulait autour d’un paradigme : être francophone ne devrait plus être un désavantage, mais un droit de citoyen. Par ailleurs, elle a ouvert la voie à une meilleure représentation des francophones dans des milieux publics. À ce jour, elle demeure encore une référence dans de nombreux débats linguistiques dans d’autres régions du pays. 

Un homme à multiples valeurs  

En 1999, Grandmaître se retire de la vie politique, mais continue d’inspirer de nouvelles générations, leur rappelant souvent que « les droits ne se conservent pas d’eux-mêmes ». Il a constamment amené de nombreux jeunes militant.e.s et élu.e.s à s’engager dans un élan de dialogue et de devoir envers la communauté. 

Au-delà de la politique, Grandmaître a aussi incarné la simplicité d’un homme de terrain, animé d’un esprit du vivre-ensemble et toujours disponible pour écouter, conseiller et rassembler. Cette description de sa personne rejoint les propos de Lucille Collard, membre du Parti libéral de l’Ontario et porte-parole de l’opposition. Elle a déclaré via son compte Instagram : « Je me considère privilégiée d’avoir eu la chance de connaître et de côtoyer Bernard Grandmaître. Il a longtemps été mon voisin et, même après son déménagement, nous avons continué à nous croiser lors de rassemblements importants, notamment à la fête des Franco-Ontarien.ne.s, un événement qu’il ne manquait jamais. »

De nombreuses autres institutions et personnages public ont aussi rendu hommage à Grandmaître, notamment l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), le regroupement des gens d’affaires de la capitale nationale, le centre des services communautaires Vanier, Matt Luloff, professeur de l’Université Carleton et ancien adjoint au maire d’Ottawa.  

À Vanier, à La Rotonde, et ailleurs, le parcours de Grandmaître évoque aujourd’hui la fierté, la persévérance et l’identité. Son œuvre a montré qu’une communauté, aussi minoritaire soit-elle, pouvait transformer toute une société lorsqu’elle défend ses droits. Sa mémoire restera sans doute celle d’un bâtisseur de ponts, d’un homme convaincu que la langue française constitue un bien commun à protéger. 

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