Arts et culture
Par Myriam Bourdeau-Potvin – Cheffe de pupitre arts et culture
PORTES OUVERTES DES ARCHIVES DE L’UNIVERSITÉ D’OTTAWA
Pour la première fois depuis le 150e anniversaire de l’Université d’Ottawa en 1998, de multiples artéfacts de la collection étaient visibles aux yeux du public. Michel Prévost, archiviste en chef de l’Université d’Ottawa, et Lucie Desjardins, archiviste en chef adjointe, ont guidé les curieux.ses et amoureux.ses d’histoire à travers les richesses insoupçonnées qui reposent au sous-sol du pavillon Morisset.
Les Archives de l’Université d’Ottawa ont souligné leur 50e anniversaire d’existence en permettant à toutes et à tous de visiter ses entrepôts. Selon Prévost, on y retrouve pas moins de « cinq mille mètres de documents, plus d’un million de photos, des artéfacts, des peintures, des dessins architecturaux [et] des pièces textiles » datant de 1848 jusqu’à nos jours. Il a profité de l’occasion pour présenter le plus ancien artéfact de l’Université : les clés du premier collège de 1848, dans la Basse-Ville près de la cathédrale Notre-Dame, disparue depuis belle lurette.
Que ceux et celles qui croient que l’entrepôt des archives est un lieu poussiéreux rempli de vieux papiers oubliés secouent cette image de leur esprit. Les archives se présentent sous plusieurs formes et sur de multiples supports. On y retrouve bien entendu toutes les éditions reliées de La Rotonde depuis 1932, une rondelle à l’effigie du Gris et Grenat des Gee-Gees, de nombreux trophées rangés côte à côte et bien protégés dans leur emballage plastifié, une photo de John Lennon qui somnole dans un bed-in lors de son passage sur le campus en 1969 et même le mortier autographié de Roch Voisine, acheté par l’archiviste en chef lui-même suite à sa mise aux enchères par l’Université aux profits de Centraide.
Malgré que de nombreux documents aient péri dans l’incendie de 1903, une quantité impressionnante de papier est aussi conservée dans les quatre entrepôts des Archives de l’Université. Dans le sous-sol de Morisset se trouve une salle contenant 11 000 boites et une deuxième où en sont entreposées 5 000. Cinq boites mises bout à bout mesurent un mètre; ça fait épais de papier! Desjardins exhibe fièrement le plus récent ajout : du rayonnage amovible qui permet le stockage de 5 à 6 fois plus de documents. « On court souvent pour l’espace, on cherche de la place pour tout », explique-t-elle.
Tous ces documents sont préservés dans des boites à pH neutre et un hygrothermographe surveille constamment la température et l’humidité dans chaque pièce. « Vous ne pourrez pas transmettre la senteur ni la sensation qu’on a sur le corps », note Desjardins. Une vague odeur de carton humide, une impression incertaine de renfermé bien que la ventilation fonctionne à fond et le sentiment de se faire subtilement compresser par le passé résume l’expérience. Les diverses acquisitions des archives sont entreposées selon leurs besoins particuliers, que ce soit du point de vue du contenant ou des méthodes d’entreposage, et sont soigneusement numérotées et datées. Même de peu couteux pièges à insectes sont disposés aux quatre coins des pièces à titre de bio-indicateurs.
Le plus grand défi des archivistes reste la transition vers le support numérique. Cet intermédiaire gruge énormément de temps et de ressources qui restent toutefois absentes. Desjardins déclare entre autres manquer 33 % de son personnel, ce qui est considérable pour une équipe petite comme la leur. « On n’est pas prêts pour l’électronique, puisqu’on n’a pas les ressources pour bien le gérer présentement. On est en attente. On a fait des demandes, mais on est dans un contexte de coupures. » Quelques documents électroniques se trouvent déjà parmi les archives, mais la problématique réside dans la garantie d’entreposage à long terme. « La préservation numérique, ce n’est pas l’équivalent de faire des backups. Pas du tout. C’est une grosse job. Si les gens pensent que c’est plus facile parce que c’est électronique, ça ne l’est pas. Que c’est moins couteux? Pas du tout, au contraire. Que c’est mieux pour l’environnement? Non plus, parce que ça requiert des serveurs électroniques », explique Desjardins.
L’ère numérique fournit aussi son lot d’avantages. Prévost désigne d’anciens morceaux de vaisselle trouvés lors des travaux de 2005 sous Tabaret et relate que l’ancienne cuisine de cet édifice a également souffert des flammes de 1903. Le service de table y est passé, mais, malgré tout, les restes ont été identifiés aisément. « Avec internet, c’est tellement extraordinaire! J’ai ajouté l’écusson à ma recherche et tout de suite, j’ai su que cette vaisselle-là dat[ait] des années 1880 et ça a été fait à Stoke-on-Trent, en Angleterre. Autrefois, ça leur aurait pris une journée de recherche : aujourd’hui, deux minutes. »