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Un professeur se lance dans une poursuite judiciaire

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3 décembre 2018

Par Maeve Burbridge, journaliste

Jan Grabowski, professeur d’histoire à l’U d’O, confirme qu’il poursuit en justice une organisation nationaliste polonaise, à la suite d’une campagne menée par cette dernière visant à humilier le professeur en raison de sa recherche dans le domaine de l’implication polonaise dans l’Holocauste.

Tensions entre Grabowski et le PLAD

« Nous avons le devoir de défendre la bonne réputation de la Pologne, donc le ​Polish League Against Defamation (PLAD), avec la coopération d’universitaires, s’oppose fervemment aux activités et propos de Jan Grabowski, un historien de l’Université d’Ottawa », a déclaré le PLAD. ​L’historien en question est professeur titulaire à l’Université d’Ottawa (U d’O). Sa recherche se penche sur l’extermination de Juifs polonais dans le contexte de l’Holocauste. D’après les recherches et ouvrages de Grabowski​, les Polonais auraient participé, dans une certaine mesure, au projet génocidaire allemand. Selon le professeur, « c’est une région où il y a un grand vide dans la connaissance […] parce qu’il y a, en Pologne, un projet mémoriel nationaliste, une hésitation et même un refus, d’entrer dans ce genre de recherche ».

D’après le PLAD, la recherche de Grabowski, qui prône que des Polonais ont collaboré à l’extermination de Juifs, constitue de la diffamation contre la nation polonaise. « Dans ses nombreux énoncés publics et ouvrages, il falsifie l’histoire de la Pologne, proclamant sa thèse que les Polonais auraient participé à l’extermination de Juifs », affirme PLAD dans un communiqué de presse.

En guise de punition pour avoir terni l’image de la Pologne, le PLAD a mené une campagne visant à « réduire au silence le professeur Grabowski en critiquant sa crédibilité académique et son intégrité personnelle », d’après un communiqué de presse de l’U d’O. ​La Rotonde a contacté le PLAD dans le but d’obtenir leur interprétation de la situation, mais sans succès.

C’est en raison des attaques à son intégrité personnelle et professionnelle que Grabowski compte poursuivre en justice l’organisation, dans le but d’obtenir des excuses officielles. « J’ai dû répondre parce que j’étais attaqué auprès de mon recteur, auprès des autorités ici à l’Université », a expliqué le professeur. Grabowski a également affirmé qu’il ne pouvait pas se laisser faire dans ce genre de situation, puisqu’il a « une responsabilité auprès des six millions de morts. Il faut défendre la vérité historique. »

Le 28 novembre, Grabowski a confirmé qu’il avait déjà déposé sa demande de poursuite en justice contre le PLAD à la cour civile de Cracovie, mais l’ambassade de la Pologne à Ottawa a affirmé auprès de ​La Rotonde​, la même journée, que la menace de poursuivre en justice l’organisation « n’est apparue que sur les réseaux », et que le PLAD n’a rien reçu de Grabowski ni de la cour civile de Cracovie.

Le projet nationaliste du PLAD

Le professeur Grabowski n’est toutefois pas la seule cible du PLAD. Il n’est qu’un historien parmi tant d’autres qui font l’objet de reproches du PLAD ainsi que du gouvernement polonais d’avoir terni l’image de la Pologne et falsifié son histoire. D’après Grabowski et le communiqué de presse émis par l’U d’O, le PLAD serait en train de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement polonais. « [Le] PLAD est un genre de proxy du gouvernement polonais, ce sont des nationalistes qui collaborent très étroitement avec le gouvernement qui est aussi très nationaliste », selon l’historien.

L’ambassade polonaise à Ottawa défend toutefois que le « PLAD est une organisation très privée et indépendante de l’État polonais ». L’ambassade polonaise se range du côté du PLAD dans cette situation, en affirmant que les ouvrages​ de Grabowski « contiennent bon nombre d’accusations et d’opinions, véhéments mais sans preuve, contre la Pologne ».

D’après Grabowski, le PLAD et le gouvernement polonais adoptent ce point de vue parce que ses recherches menacent leur « mythe national » de la nation polonaise victime de la guerre, totalement innocente. Grabowski n’est pas d’accord : « Les historiens savent que, malheureusement, il y avait des sections entières de la société polonaise qui se sont insérées dans le projet génocidaire de l’Holocauste… On ne peut plus nier que ça s’est passé. » 

L’U d’O se contredit

En réponse aux tentatives de délégitimation du professeur auprès de l’Université, l’U d’O a émis un communiqué de presse proclamant qu’elle « manifest​[ait] son plein soutien pour Jan Grabowski. ​[Elle s’]engage à défendre la liberté académique et à déplorer toute tentative d’influence sur des travaux académiques par des menaces ou de la violence ». Toutefois, le 4 décembre 2018, l’Université compte accueillir un conférencier du ​Polish Institute of National Remembrance (IPN)​.

Selon Grabowski, l’IPN est « la plus importante organisation d’altération et contrôle de faits historiques en Pologne ». En fait, l’IPN a promu la loi polonaise adoptée en février qui fait du questionnement du mythe national sur l’Holocauste un acte criminel. Sous cette loi, les historiens et enseignants qui contredisent le discours du gouvernement par rapport à l’Holocauste recevront une sentence de trois ans en prison. Grabowski a manifesté son indignation auprès de l’Université. Il reste à voir comment l’Université réagira aux propos de l’historien.

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