
Projet de loi 33 : un nouvel affront à l’éducation postsecondaire ontarienne
Crédit visuel : Élodie Ah-Wong- Directrice artistique
Article rédigé par Sandra Uhlrich — Journaliste
La Loi de 2025 sur le soutien aux enfants, aux élèves et aux étudiants, appelée projet de loi 33 (PL 33), se décline en trois volets : les services à l’enfant, les conseils scolaires et les écoles, ainsi que les collèges et universités. Déposé en juin dernier par le gouvernement ontarien, certaines mesures de ce projet de loi sont critiquées par la section ontarienne de la Fédération canadienne des étudiants (FCÉ) ainsi que par le Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO).
Parmi les mesures les plus critiquées, on retrouve le renforcement de la présence policière dans les écoles, ainsi qu’une supervision plus importante des conseils scolaires et la suppression du poste élu de conseiller.ère scolaire.
Pour les institutions postsecondaires, le projet de loi exige la mise en place d’un plan de sécurité de recherche, donne également davantage de contrôle ministériel sur l’application des frais auxiliaires, et souhaite revoir les critères d’admission pour les établissements postsecondaires, en s’assurant que l’évaluation soit fondée sur le mérite de chaque candidat .
Entre complexité et imprécision
À la lecture du projet de loi, beaucoup de détails semblent manquer, rendant difficile la compréhension effective de ses finalités et impacts. Cyrielle Ngeleka, présidente de la section ontarienne de la Fédération canadienne des étudiants (FCÉ), s’inquiète du flou que le gouvernement entretient, craignant que cela ne lui donne une liberté d’action excessive.
La députée Lucille Collard, élue dans la circonscription d’Ottawa-Vanier (où se trouve l’Université d’Ottawa), explique : « Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas prescrites dans le projet de loi. Elles seront déterminées dans des règlements, qui resteront à voir une fois que le projet de loi sera adopté. » Cela implique un pouvoir d’intervention de la part de l’Assemblée législative quasi nul sur ces règlements.
Pour ce qui a trait à la révision des critères d’admission, la définition de mérite n’est pas précisée dans le texte. Or, ce langage imprécis pourrait directement affecter les conditions d’admission pour les étudiant.e.s minoritaires et racisé.e.s. En effet, plusieurs d’entre eux.elles bénéficient de programmes d’équité, qui pourraient être appelés à disparaître par crainte de non-conformité à cette nouvelle loi.
La commissaire à la revendication du Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO), Alex Stratas, s’inquiète de ce qui pourrait advenir de l’exonération des frais de scolarité pour les étudiant.e.s issu.e.s des nations algonquines, mise en place au printemps dernier. Elle espère que ce pas vers la réconciliation ne sera pas remis en question à cause du PL 33.
"C’est un autre aspect de la loi qui affaiblit la capacité de nos institutions postsecondaires à répondre aux besoins des étudiants, de façon à respecter l’équité et l’identité de chacun."
- Lucille Collard -
Nouvelle attaque du système d’éducation
Les sources consultées par la Rotonde font un constat unanime : le gouvernement cherche à obtenir davantage de contrôle sur les institutions postsecondaires sans leur fournir des ressources supplémentaires, qui sont pourtant plus que nécessaires. Collard insiste sur le fait que notre système d’éducation est un jalon important de notre société, et qu’il devrait « être financé de façon prioritaire ».
La section 21.1 inquiète particulièrement le milieu de la gouvernance étudiante. Par le biais de cet article, le gouvernement se réserverait le droit de décider quels frais accessoires pourraient être demandés ou non. Pour Ngeleka, le gouvernement tente de faire diversion : « Le gouvernement tente de blâmer ces frais afférents pour le coût élevé de l’éducation. Mais au final, nous savons que ce sont les frais de scolarité, et non les frais afférents [qui constituent la charge financière principale]. »
Stratas insiste sur l’impact direct que cette perte de financement supplémentaire aurait sur la culture universitaire dans son ensemble, et sur les services d’urgence offerts par le Syndicat étudiant. Elle soulève que les étudiant.e.s constituent déjà une population vulnérable et que toute réduction des services de santé mentale, de la banque alimentaire ou du fonds d’aide d’urgence serait désastreuse.
De plus, elle s’inquiète de l’émergence d’une dévalorisation croissante de l’éducation au Canada, similaire à cette réalité actuellement observable aux États-Unis. Elle cite l’exemple de la rhétorique de Trump qui prétend que les universités radicalisent les individus. Tel que rapporté par Radio-Canada dans un article publié le 30 mai 2025, le ministre de l’éducation ontarien, M. Calandra, aurait mentionné, lors d’une conférence de presse, vouloir « sortir la politique des écoles ». Il a également dénoncé « les conseillers scolaires qui tentent de “médier les conflits mondiaux” et qui “réécrivent les curriculums” afin de faire des écoles “un champ de bataille politique” ».
Appel à la mobilisation
La FCÉ s’oppose ainsi en bloc à ce projet de loi. Elle a notamment lancé la campagne « Ne touchez pas à notre système d’éducation » et encourage tous les acteurs du monde étudiant à y participer.
Stratas et le SÉUO, de leur côté, restent réalistes : « Cette loi a toutes ses chances de passer, et ne peut probablement pas être arrêtée ». En effet, le gouvernement Ford détient une majorité de sièges à l’Assemblée provinciale. Ils font tout de même pression pour qu’au minimum la section 21.1 du projet de loi soit revue. Le SÉUO invite tou.te.s les étudiant.e.s de l’U d’O. à se rallier, notamment en participant à l’avalanche de courriels adressés au gouvernement Ford.
Collard assure, quant à elle, que son caucus continuera à faire pression sur le gouvernement, mais elle invite le milieu de l’éducation dans son ensemble à se mobiliser : « Il faudra s’assurer de leur transmettre un message très clair et que les gens se manifestent, car le gouvernement ne changera pas son idée s’il ne sent pas la pression publique. »