
Quand la communauté 2ELGBTQI+ subit du silence face à la violence sexuelle
Crédit visuel : Jurgen Hoth – Photojournaliste
Article rédigé par Lê Vu Hai Huong — Journaliste
La lutte contre la violence sexuelle au sein de la communauté 2ELGBTQI+ se heurte encore à un mur de silence, alimenté par la marginalisation et la peur de ne pas être cru.e. Sur le campus, des intervenant.e.s rappellent que ces réalités peuvent accroître la vulnérabilité des étudiant.e.s et compliquer l’accès au soutien, mais que des ressources existent pour accompagner les personnes concernées.
Étudiant.e.s 2ELGBTQI+ en péril
Selon la médecin du Centre de santé et mieux-être étudiant, Laura Mechefske, la marginalisation amplifie souvent l’expérience des étudiant.e.s 2ELGBTQI+ face à la violence sexuelle. L’augmentation des taux d’agression n’est pas due au fait que ces personnes s’exposent davantage au risque, mais bien à un effet multifactoriel de la marginalisation qui accroît leur vulnérabilité, a-t-elle précisé.
D’après l’experte, en entrevue avec La Rotonde, les étudiant.e.s accompagné.e.s par le centre manquent souvent de soutien familial et peuvent se retrouver sans ressources financières après leur « sortie du placard ». Elle a souligné que cette précarité les rend plus vulnérables à l’agression sexuelle, notamment lorsqu’iels acceptent un logement en échange de vivre avec quelqu’un, une situation pouvant les exposer à des risques accrus.
La docteure Mechefske a aussi souligné que les étudiant.e.s qui ne peuvent pas se permettre un transport sécuritaire, comme Uber, sont contraint.e.s de se déplacer à pied dans des quartiers à risque en fin de journée. Cela les expose à d’autres formes d’agressions verbales ou de crimes haineux, a-t-elle mis en garde.
En cas d’urgence médicale
La médecin du Centre de santé et mieux-être étudiant a confirmé qu’il est possible de s’y rendre pour des soins urgents. Selon l’experte, le personnel du centre garantit la confidentialité des informations liées à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle.
Mechefske a toutefois souligné que les ressources humaines du centre demeurent limitées au regard de l’ampleur de la population étudiante, dont la taille est comparable à celle d’une petite ville. Pour faciliter une prise en charge rapide, elle encourage les étudiant.e.s à se présenter en personne. Elle leur a aussi conseillé d’être accompagné.e.s par un.e ami.e pouvant plaider pour un rendez-vous rapide.
Besoin de soutien sur le campus ?
L’équipe de prévention et d’intervention en matière de violence sexuelle du Bureau des droits de la personne à l’Université d’Ottawa (U d’O) offre un soutien aux étudiant.e.s ayant subi une agression sexuelle.
Sarah Pekeles, conseillère principale en prévention de la violence sexuelle de l’U d’O, indique qu’iels peuvent demander des aménagements scolaires importants, tels que l’exemption d’une section de cours particulièrement traumatisante, le report d’examens ou la possibilité de travailler à distance. Selon elle, son équipe dispose également de liens vers des groupes de counseling spécialisés bilingues, permettant de réduire les délais d’attente et d’obtenir de l’aide rapidement.
Retour aux bases : violence sexuelle 101
La violence sexuelle, définie par Mechefske comme toute activité sexuelle sans consentement, demeure un problème courant chez les étudiant.e.s. Le consentement doit être « enthousiaste », « clair, éclairé et continu », a-t-elle souligné.
Elle a précisé que l’agression comprend tous les contacts physiques non consentis, ainsi que l’intimidation et les insultes.
« Cela peut évidemment se produire entre des personnes de tout genre, de toute orientation sexuelle et de tout statut relationnel. Ce n’est pas parce que vous êtes en couple que vous consentez à une activité sexuelle non désirée »
– Laura Mechefske –
Les données observées par la représentante du Centre de santé et mieux-être étudiant indiquent qu’une grande majorité de personnes 2ELGBTQI+ ont vécu des situations d’agression sexuelle au Canada. Ce taux est considérablement plus élevé que celui des hommes et des femmes cisgenres.
Réduire le silence
Un facteur de coercition dans cette communauté est, selon la docteure, l’intimidation par la menace de révéler l’identité de genre ou l’orientation sexuelle d’une personne, communément appelé « outing ». La personne intimidée peut alors être forcée à se soumettre à des actes sexuels, a-t-elle ajouté.
D’après la médecin, les personnes 2ELGBTQI+ qui ont vécu des situations d’agression sexuelle rencontrent souvent des obstacles lorsqu’elles tentent de signaler une agression ou d’obtenir du soutien. Elles peuvent se sentir mal à l’aise dans des services qui abordent principalement les expériences des femmes victimes de grossesses non désirées après une agression, laissant de côté d’autres réalités sexuelles ou relationnelles, a expliqué l’experte.
Mechefske s’est alarmée du fait que cette difficulté à se reconnaître dans les récits dominants mène parfois à ne pas identifier l’expérience vécue comme une agression, notamment lorsque celle-ci survient avec un.e partenaire régulier.ère ou un membre de la famille.
Les membres de la communauté 2ELGBTQI+ craignent souvent de ne pas être cru.e.s ou d’être jugé.e.s en cas d’agression, puisque les représentations dominantes associent encore fréquemment l’agresseur à une figure masculine et la victime à une figure féminine, a souligné la docteure.
À long terme, elle a indiqué que l’agression sexuelle peut entraîner des conséquences graves, comme la baisse des performances scolaires et professionnelles, entre autres.
Enfin, elle a rappelé que la sécurité de la communauté dépend également des témoins. En situation de harcèlement ou d’agression, quatre méthodes d’intervention peuvent être mobilisées : l’intervention directe, la diversion, la distraction ou l’appel à l’aide. Selon Mechefske, appeler un.e expert.e ou offrir du soutien aux personnes après les faits constitue également une forme d’intervention essentielle.
