
Quand le théâtre étudiant redonne vie à Cyrano de Bergerac
Crédit visuel : Akylis J.Ottavi — Cheffe du pupitre Arts et culture
Article rédigé par Ismail Bekkali — Journaliste
La semaine passée, La Nouvelle Scène Gilles Desjardins a accueilli l’adaptation de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, la dernière production francophone du Club de théâtre de l’Université d’Ottawa (U d’O). En conjuguant créativité et respect du texte original, la troupe a su remettre au goût du jour une pièce de théâtre emblématique de la culture francophone pour offrir à son public une expérience poétique et actuelle.
Cyrano élu à l’unanimité
Le choix de Cyrano de Bergerac pour cette production du Club de théâtre trouve son origine dans la proposition d’une des membres de la troupe, Ariane Pilon, assistante à la mise en scène et comédienne. « Notre première production francophone était une pièce québécoise, Les belles sœurs, et je me suis demandé pourquoi ne pas chercher ailleurs », dit l’étudiante. Cet effort de diversification aurait été motivé par une volonté de « toucher » un plus large public, « pas juste québécois, mais qui parle français », poursuit-elle. Bien que ce choix soit de son initiative, Ariane affirme bien que « c’était une décision partagée ».
Outre sa valeur artistique, la directrice marketing et metteuse en scène, Sarah Cantin, affirme que ce projet s’inscrit dans un effort délibéré de renforcer la visibilité du théâtre francophone sur le campus. « Un de mes objectifs en travaillant sur ce projet était vraiment de populariser la division francophone du club de théâtre », déclare-t-elle. Dans un contexte où les productions en langue anglaise tendent à dominer, Sarah Cantin dit avoir voulu miser sur le sentiment de « nostalgie » que peut susciter Cyrano de Bergerac, en dépit du fait que l’attrait pour une « pièce classique » puisse être « assez niche ». Il y aurait un aspect intemporel à ce personnage dramatique d’après les deux metteuses en scènes, dont les nobles valeurs trouveraient un écho même à l’époque actuelle.
Une équipe déterminée à moderniser un classique
De ce fait, l’équipe artistique fit le choix de rester fidèle au texte original, tout en laissant à l’assistante à la mise en scène le soin d’opérer des changements qu’elle mentionne avoir été « nécessaires » pour s’adapter aux attentes et sensibilités du public d’aujourd’hui. Ariane Pilon poursuit en mentionnant que « beaucoup de passages étaient anecdotiques et entravaient la compréhension de l’histoire », d’autres, jugés problématiques ou datés, reflétaient des normes sociales sexistes et ont donc été volontairement éliminés.
Sur un plan plus esthétique, la metteuse en scène dit avoir pensé les costumes pour essayer de respecter les codes vestimentaires de l’époque, tout en se conformant aux ressources limitées qui leur ont été données. « C’était vraiment intéressant de revisiter la pièce dans un contexte étudiant. Je voulais justement trouver un moyen de dépasser les contraintes de temps et de budget, pour aboutir à un nouveau débouché créatif », ajoute l’étudiante. Les décors, qu’elle même décrit comme « minimalistes », « contrastent avec les tenues des comédien.ne.s » afin de faciliter l’immersion des spectateur.ice.s dans l’univers de Cyrano.
En addition aux efforts entrepris dans les coulisses, sur le devant de la scène, les comédien.ne.s eurent eux et elles aussi leurs propres défis à relever. Dans le rôle de Roxanne, l’étudiante Abigail Pinsonneault évoque la difficulté à s’approprier une mentalité propre à un autre siècle, tout en faisant remarquer son plaisir à représenter la personnalité subtile et malicieuse de son personnage.
En opposition avec les émotions apparentes de Roxanne, le comédien Cédric Duchesne, mentionne la retenue qu’impose l’interprétation du rôle de Christian de Neuvillette. « Ce personnage a tellement de choses à exprimer dans ce rôle, mais il ne peut pas faire usage de ses mots », déclare l’étudiant. Cela l’a poussé à explorer de nouvelles manières de communiquer, en accordant plus d’attention à la nuance des « gestes simples ».
Un théâtre valorisé
Avec cette adaptation de Cyrano de Bergerac, Sarah Cantin espère avoir retranscrit la tension du texte originel avec fidélité, afin que chaque spectateur.ice puisse s’y identifier, aussi bien dans ses aspects comiques que tragiques. Pour essayer de se distancier de l’image de ce cadre classique, la directrice marketing dit avoir misé sur les réseaux sociaux afin de maximiser la portée publicitaire de la pièce et attirer un public varié, allant des étudiant.e.s aux amateur.ice.s de théâtre de la région d’Ottawa-Gatineau.
En parlant de ce projet, les membres de l’équipe sont plusieurs fois revenus sur les thématiques ayant motivé leurs efforts. Le courage, la détermination, l’illusion des apparences et la quête de reconnaissance sont toutes des « valeurs » qui, encore aujourd’hui, peuvent trouver « écho », même auprès des générations plus jeunes, explique Sarah Cantin. En se voulant être universelle, cette adaptation dépasse le simple cadre académique et ramène au présent un texte venant d’un autre temps, témoignant ainsi l’engagement des étudiant.e.s.