Inscrire un terme

Retour
Actualités

Le réaménagement pourrait transformer le centre-ville

10 novembre 2014

– Par Clémence Labasse –

Une fois par mois, La Rotonde vous invite à redécouvrir un espace d’Ottawa.

Fraîchement arrivés à l’université, beaucoup d’étudiants venus de partout au Canada ont pu découvrir la ville d’Ottawa, pour ses bons comme pour ses mauvais côtés. Une des particularités de la ville est qu’elle regorge de friches urbaines, ces grands terrains vagues qui semblent laissés à l’abandon. Les plaines LeBreton sont l’une de ces friches et la Commission de la capitale nationale (CCN) a ouvert un appel d’offres pour le réaménagement de l’étendue de 9,3 hectares.

Tout un passé industriel rasé

Situées tout juste à la sortie du centre-ville, non loin du Parlement, les plaines sont au plein coeur d’Ottawa. Elles n’ont pas toujours été l’espace abandonné que l’on peut voir de nos jours. Sur le site web « Ottawa Passé & Présent », il est possible de constater les grandes transformations que les plaines, et la ville plus généralement, ont connues au fil des ans, grâce à la juxtaposition de photos d’archives et de photos récentes de la capitale.

Le quartier était autrefois très densément peuplé, habité par une population ouvrière canadienne-française et irlandaise, comme l’explique Kenza Benali, professeure de géographie de l’Université d’Ottawa. Cette population travaillait dans la construction du canal Rideau ou dans l’industrie forestière, secteurs moteurs du développement de la région.

« Dans les années 1950, Mackenzie King a fait appel à un architecte français, Jacques Gréber, pour que celui-ci réaménage la ville. Un projet moderniste va naître portant son nom : le plan Gréber, qui va être appliqué pendant plus de 30 ans », raconte la professeure.

D’après celui-ci, il était nécessaire d’épurer la capitale de son patrimoine ouvrier et industriel pour l’embellir, et c’est dans cette optique qu’il a été proposé de raser purement et simplement les quartiers ouvriers situés aux alentours du Parlement.

« L’idée était de faire d’Ottawa le Pentagone du Nord, tout le centre-ville devait occuper la fonction administrative, et les quartiers ouvriers constituaient une verrue dans le paysage urbain », relate Mme Benali.

La CNN est alors en charge de l’application du plan, et dans les années 1960 s’applique à exproprier les quelques 4000 résidents de la zone et à démolir les résidences et bâtiments existants sur les plaines. Pourtant, une fois fait, la construction des bâtiments fédéraux, que devait accueillir le terrain, ne s’engage pas.

En effet, les sols d’une grande partie du terrain ont été contaminés par des déchets industriels, après un incendie au début du XXe siècle. La CNN dans les années 1960 ne traite pas la zone, et celle-ci demeure alors inoccupée et abandonnée pendant des dizaines d’années.

Selon Mario Tremblay, agent de communication de la CNN, s’il ne s’est rien produit à l’époque c’est que la décontamination des sols s’est faite au fur et à mesure du financement accordé, car « c’était un travail assez coûteux ».

Les années 2000, un regain d’intérêt?

Dans les années 1990 finalement, la CNN reprend en main le projet. Une partie du terrain est vendue pour la construction de condos. C’est aussi dans ces années-là que le gouvernement fédéral prend la décision de déplacer le Musée canadien de la guerre plus au coeur de la ville, sur les plaines.

La Commission lance un appel d’offres au début des années 2000 au niveau national pour un premier projet d’aménagement de la zone. Tout cela s’inscrit dans l’idée du développement durable et on annonce la construction d’un éco-quartier. Finalement une seule proposition est retenue celle de la société Claridge : la création d’un ensemble de résidences « vertes ».

Le projet à l’époque fut énormément critiqué par diverses autorités en architecture et en urbanisation, qui parlaient de médiocrité architecturale et de ghetto vert, et s’est vu confronté aux demandes des communautés francophones. Pour Mme Benali : « C’était un projet beaucoup trop commun, et un échec cuisant ».

2015 : un projet à la mesure du site?

La Commission a récemment fait un nouvel appel d’offres pour l’aménagement d’une partie des plaines. Pour cette deuxième phase d’aménagement, l’appel a été fait tant aux niveaux régional et national qu’au niveau international.

La date d’échéance pour la remise des projets a récemment été repoussée au mois de janvier 2015, et on a affirmé à La Rotonde que cela était « pour pouvoir recevoir les offres les plus intéressantes en plus grande quantité et qualité possible ».

Selon M. Tremblay de la CNN, cette fois-ci, il s’agit de s’éloigner un peu d’un projet purement résidentiel. L’objectif revendiqué par le nouveau président de la Commission, Mark Kristmanson, est de « faire des plaines LeBreton une destination de renommée internationale ».

Ce qu’espère surtout Mme Benali, c’est que l’on ressente la spécificité locale, à travers les projets qui seront proposés : « Le site devrait dicter le projet et non pas l’inverse ». En effet, les plaines se trouvent au confluent des cultures francophone et anglophone, au coeur de l’histoire de la capitale et du pays, et aussi proche des communautés autochtones que des institutions fédérales.

« Si l’on traite ce nouveau projet selon la simple logique de rentabilité, on va droit dans le mur, ça sera un nouvel échec. Malheureusement à Ottawa, il est toujours un aspect économique et politique qui rentre en jeu dans ce genre de processus décisionnel », juge la professeure.

Elle ajoute toutefois sur une note positive : « Si l’on respecte le Génie du lieu, et que l’on a un beau projet, alors il serait tout à fait possible que ce lieu devienne la vitrine de la capitale du XXIe siècle ».

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire