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Illustration d'une personne en recherche d'emploi COOP, désespérée, se sentant désarmée.
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Régime coop : les bénéfices sont-ils à la hauteur des coûts ?

Camille Cottais
5 avril 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Camille Cottais – Cheffe du pupitre Actualités

Cela fait plus de 40 ans que l’Université d’Ottawa (U d’O) propose aux étudiant.e.s de combiner études et stages rémunérés avec le régime coop. Si celui-ci comporte des avantages indéniables, plusieurs de ses aspects sont critiqué.e.s par des étudiant.e.s, tels que son coût, la qualité des services du Bureau coop ou encore le manque d’opportunités pour les étudiant.e.s francophones et internationaux.ales.

Le régime d’enseignement coopératif de l’U d’O, plus connu sous le nom de régime coop, est une option offerte dans la plupart des programmes de baccalauréat et de maîtrise. Elle permet aux plus de 1000 étudiant.e.s qui y participent d’acquérir environ 16 mois d’expérience de travail, au Canada mais aussi parfois à l’étranger.

Alterner travail et études : de nombreux avantages

Othmane Kettani est étudiant coop en marketing. Selon lui, le programme coop comporte de nombreux intérêts : acquérir de l’expérience de travail, se faire des réseaux, ou encore appliquer les concepts théoriques vus en classe en pratique dans un domaine professionnel. 

Marc-André Daoust, directeur associé du régime coop, ajoute que coop permet de se démarquer sur le marché du travail, mais aussi de mieux se connaître et ainsi de mieux s’orienter à la fin de ses études. L’étudiant en marketing est du même avis, d’après lui cela permet aux étudiant.e.s d’apprendre comment ils.elles aiment travailler, comment ils.elles fonctionnent, ou encore s’ils.elles se trouvent dans le bon programme d’étude.

Daoust explique qu’en faisant des connexions et en tissant des liens avec les employeur.se.s, les étudiant.e.s peuvent même s’assurer une embauche après leur graduation. Cette possibilité d’obtenir un emploi après le stage est également ce que souligne un étudiant en sciences politiques à l’U d’O, qui a souhaité resté anonyme. Selon ce dernier, c’est particulièrement le cas dans la fonction publique, qui recrute activement.

Cet étudiant anonyme a choisi coop, car il souhaitait travailler au gouvernement, mais aussi car les stages rémunérés lui permettent de financer ses études. Il explique que coop paie relativement bien, l’échelle salariale des emplois au gouvernement du Canada allant de 16,49 à 25 dollars environ pour les étudiant.e.s de premier cycle.

Que couvrent les frais coop ? 

Les frais coop sont d’environ 800 dollars pour les étudiant.e.s canadien.ne.s et d’un peu plus de 1000 dollars pour les étudiant.e.s internationaux.ales, informe Daoust. Le directeur associé explique que le programme coop est auto-financé, c’est-à-dire que ces frais permettent de faire fonctionner l’ensemble du programme.

Si Kettani affirme n’avoir « aucun regret » de devoir payer ces frais, l’étudiant anonyme en sciences politiques se montre plus critique « Il est normal que nous ayons des frais, car c’est grâce à l’Université que nous trouvons nos stages et car quelques formations sont données, mais 800 dollars me semble exagéré pour cela », avance-t-il. Il déplore également que les étudiant.e.s doivent payer ces frais non seulement durant les semestres où ils.elles sont en stage, mais également le semestre qui précède le premier stage.

Quant aux ateliers de formations obligatoires sur Brightspace et aux ateliers virtuels, il s’agit selon lui d’informations « très sommaires, qui restent en surface ». Il existe d’autres ressources sur le campus, comme le Coin carrière, qui offrent selon lui de biens meilleurs services. 

Une autre étudiante anonyme en sciences sociales se plaint également de ce prix, qui monte selon elle de quelques dollars chaque année sans raison apparente. En tant qu’étudiante internationale, elle paie plus de 1000 dollars par semestre, alors qu’elle n’utilise pas beaucoup les services coop : « Ce n’est pas normal que des services si peu utiles soient facturés si chers », s’exclame-t-elle.

À l’inverse, Kettani affirme que le Bureau coop mérite largement cet argent et même qu’il serait prêt à payer davantage : « On peut faire des simulations d’entrevue, utiliser le navigateur coop, appliquer à des jobs, faire notre résumé, contacter des professionnel.le.s de développement…». Selon lui, le problème réside dans le manque d’initiative et de responsabilité des étudiant.e.s, qui ne savent pas utiliser ces services.

Cours d’été et manque de visibilité

Les étudiant.e.s participant au régime coop doivent suivre la séquence prévue par le Bureau coop, qui exige d’étudier à temps plein durant le semestre printemps-été de leur troisième année. Les deux étudiant.e.s anonymes interrogé.e.s relèvent qu’il peut s’agir d’un problème, en raison de l’offre de cours très limitée, notamment en français.

L’étudiant en sciences politiques mentionne que sur les 18 cours offerts en sciences politiques ce semestre d’été, seulement cinq sont en français. Ainsi, s’il ne parvient pas à maintenir la majorité de ses cours en français, il risque de perdre sa bourse d’études en français. Selon lui, « nous devrions pouvoir étudier dans la langue de notre choix comme promis par l’Université », et ce, même durant l’été.

L’étudiant anonyme souligne d’autres désavantages au programme coop, tels que son système de classement entre employeur.se.s et étudiant.e.s après les entrevues. L’étudiant pense que ce système manque de visibilité, puisqu’il est seulement possible pour les étudiant.e.s de voir s’ils.elles sont le premier choix de l’employeur.se. Lorsqu’il a demandé au Bureau coop s’il était possible d’obtenir plus de détails, celui-ci a refusé, affirmant que l’étudiant devrait choisir le poste qui lui tente vraiment et non celui où il a le plus de chances d’être engagé. L’étudiant anonyme se dit en désaccord ; selon lui, la priorité est de se faire engager au plus vite.

Malgré tout, il ne regrette pas d’avoir choisi coop, même s’il se sent parfois envieux des étudiant.e.s qui ont commencé leurs études en même temps que lui mais vont graduer bien plus tôt. En effet, l’option coop prolonge le diplôme de huit mois, les étudiant.e.s graduant en décembre de leur cinquième année plutôt qu’en avril de leur quatrième.

Des étudiant.e.s internationaux.ales et francophones laissé.e.s de côté ?

Selon l’étudiante anonyme, beaucoup d’étudiant.e.s internationaux.ales sont en coop, mais ces dernier.e.s ont peu de chance d’être pris.e.s dans les stages proposés. Pour elle, « c’est d’autant plus dérangeant que les étudiant.e.s internationaux.ales paient plus cher ». Elle enjoint le Bureau coop à faire des efforts pour proposer, notamment en sciences sociales, des stages dans lesquels les étudiant.e.s non canadien.ne.s ont davantage de chance d’être embauché.e.s.

D’après l’étudiante, cela passerait par une plus grande diversité de partenaires, l’écrasante majorité des stages étant au gouvernement canadien, qui favorise les étudiant.e.s canadien.ne.s et les résident.e.s permanent.e.s. « Je dois me rabattre sur le secteur privé, rarement francophone, ou sur les postes offerts par l’U d’O, que je trouve beaucoup moins intéressants », déplore-t-elle.

Daoust confirme que la plupart des emplois du gouvernement sont bilingues, mais que c’est moins le cas dans le secteur privé, notamment dans certains domaines comme en génie logiciel. L’étudiante anonyme considère ainsi qu’être étudiante internationale et francophone, c’est une « double peine ».

Ce n’est pas l’expérience de Kettani, qui n’a pas rencontré de problèmes particuliers pour trouver un emploi en tant qu’étudiant international francophone. Selon lui, cela dépend « des compétences et de la volonté de la personne » plus que de sa nationalité. Kettani atteste que peu importe la langue, ce qui compte est « la confiance en soi de l’étudiant.e », et ainsi qu’il ne faut pas avoir peur d’appliquer même si l’entrevue est en anglais.

Daoust admet qu’il est plus difficile pour un.e étudiant.e international.e, particulièrement en sciences sociales ou en arts, de percer sur le marché du travail dans la région d’Ottawa, car l’employeur principal est le gouvernement. Il soutient qu’il s’agit d’une réalité du le monde du travail, plutôt que de la responsabilité du programme coop, indiquant que le marché est plus restreint pour les non-Canadien.ne.s, tout comme l’est la dominance de l’anglais dans le milieu du travail ottavien.

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