Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique
Article rédigé par Antoine Jetté-Ottavi — Chef du pupitre Arts et culture
Le documentaire Choix de familles a été diffusé sur ICI TÉLÉ et ICI TOU.TV début novembre. La Rotonde a eu la chance de discuter avec la réalisatrice du documentaire Aucéane Roux et le participant Clément Jankowiak, afin d’explorer la thématique et les tabous derrière le sujet de la diversité des modèles de famille.
Ce long-métrage à but informatif explore les différents types de familles composant la société actuelle. Le documentaire aborde les couples homosexuels, les mères porteuses, l’adoption et la coparentalité, entre autres. L’intention de la réalisatrice est d’exposer les difficultés que rencontrent ces personnes dans leur parcours, afin de briser les conventions et créer une famille non traditionnelle.
L’inspiration derrière une réalisation personnelle
Roux est une réalisatrice émergente, faisant autant du documentaire que de la fiction. Elle a étudié à l’Université de Montréal, à l’École des médias, afin d’obtenir un baccalauréat en cinéma. Ses derniers travaux se concentrent davantage sur l’exploration du Nord de l’Ontario, dont ses grands-parents sont originaires.
Son dernier projet, Choix de familles, cherche à donner la parole aux gens qui explorent les possibilités en lien avec la création d’une famille. La cinéaste accompagne les participant.e.s dans leurs projets, pour permettre aux spectateur.ice.s de reconnaître les obstacles auxquels ils.elles font face, autant au niveau financier, légal, bureaucratique que médical.
Roux avoue avoir trouvé de l’inspiration dans ses propres questionnements, alors qu’elle explorait ses désirs familiaux personnels. Durant ses recherches, elle a découvert de nombreux problèmes au Québec : le documentaire s’est donc présenté à elle comme une opportunité de dénonciation pour essayer de changer le système, d’informer et même d’inspirer les autres.
Son expérience en réalisation a permis à Roux de se trouver elle-même à travers les différentes rencontres et de mettre en lumière ses propres besoins familiaux. Plus elle parlait avec les autres figures du documentaire, plus elle en apprenait sur la réalité et l’injustice vécues : « Je ne pensais pas que c’était autant difficile pour une femme aujourd’hui encore d’avoir accès à une ligature des trompes. »
Mettre au propre
Lors de la sélection des personnes qui allaient partager leur histoire au fil du documentaire, plusieurs questions ont été étudiées afin de permettre l’approche la plus inclusive et la plus pertinente possible.
Roux souhaitait avant tout mettre de l’avant des gens qui avaient encore recours aux parcours d’adoption, médical ou autres. Elle voulait également tracer le portrait de tou.te.s ceux et celles qui voulaient « aller vers une femme porteuse », afin de montrer « concrètement comment ça se déroule » et pour exposer les embûches en lien avec le processus.
Le tout a aussi exigé l’installation d’une confiance entre la production et les participant.e.s. Le tournage s’est déroulé sur une longue période de temps et a exigé une certaine confiance entre les groupes concernés, puisque la production devait « entrer dans l’intimité » des participant.e.s. La réalisatrice fait référence aux rendez-vous médicaux et remarque qu’il a été difficile de trouver des participant.e.s prêt.e.s à être suivi.e.s dans ces démarches personnelles.
Il était important pour Roux de créer un large portrait de ces différentes familles. Elle souhaitait justement que le documentaire montre comment ces modèles s’inscrivent dans la société d’aujourd’hui, tout en mettant en lumière leurs différences. Afin de créer ce portrait, Roux a fait une dizaine d’entrevues en studio, « dans l’objectif que plus de gens puissent s’identifier à ces parcours-là ».
Derrière et après l’expérience
Clément Jankowiak a été l’une des nombreuses personnes à être contactées par la réalisatrice via Facebook. C’est dans ce même groupe, nommé « Donneuses d’ovules, femmes porteuses et dons d’embryons du Québec », qu’il a rencontré Émilie, la mère porteuse de son enfant, désormais mis au monde.
« Veut-on vraiment participer à ce documentaire ? », a été la première question que Jankowiak et son conjoint, également nommé Clément, se sont posée. Même si la participation au projet voulait dire qu’ils allaient exposer leur couple au grand public, ils ont accepté, se disant qu’il allait être « intéressant de montrer tout l’aspect de ce projet et des difficultés que nous avons rencontrées, et aussi que oui, c’est possible pour un couple gai d’avoir un enfant biologique ».
Le documentaire a offert à Clément et Clément la possibilité de montrer une des options possibles pour un couple homosexuel. En ayant eu le choix entre l’adoption et la mère porteuse, le couple a opté pour la seconde alternative, malgré des coûts élevés.
Aujourd’hui encore, le couple est en cheminement légal pour obtenir les papiers de naissance de leur jeune fille, afin que les deux hommes soient légitimement reconnus comme pères de l’enfant. Il restera ensuite l’obtention des certificats au Québec, puisque la naissance s’est déroulée en Ontario : la province québécoise ne reconnaît toujours pas l’enfant. Cela montre les lacunes de l’administration québécoise, selon Jankowiak.
Le nouveau père déplore avec amertume les stéréotypes genrés qui sont associés à la famille. « Ce qui m’a perturbé et qui a ralenti mon cheminement et mon coming-out, c’est qu’on est tellement exposé.e.s, dès le plus jeune âge, au cliché de la famille composée de papa et maman à la maison, avec la clôture et le petit chien. Quand tu te rends compte que tu ne correspond pas à ce moule-là, il devient difficile de trouver ta place. »
Ainsi, Jankowiak espère voir un jour une définition plus inclusive de la famille, moins traditionnelle et plus moderne, où l’intérêt de l’enfant passe avant le genre, l’apparence ou le nombre des parents.