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Rencontre avec le ministre des Affaires étrangères

Rédaction
3 mai 2020

Crédit visuel : Cabinet du premier ministre du Canada

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

La Rotonde a eu le plaisir de s’entretenir avec l’honorable François-Philippe Champagne, le ministre des Affaires étrangères lors d’une entrevue téléphonique le 1er mai dernier. Dans sa première entrevue avec un journal étudiant, l’homme politique s’est prononcé sur les enjeux liés à l’immigration, au manque de matériel, ou à la collaboration entre les pays durant cette période de pandémie de coronavirus. 

La Rotonde (LR) : Quelles sont les aides dont pourront bénéficier les étudiants, qu’ils soient canadiens ou internationaux ?

François-Philippe Champagne (FPC) : La première chose que nous ayons faite, c’est de mettre en place la prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, qui donne 1 250 dollars pour quatre mois, de mai à août.

Vous savez, dès le début de la crise, nous avons mis en place des mesures pour les gens. Notre façon de voir, c’était les gens d’abord. S’assurer que les travailleurs, les étudiants, que ceux qui sont en situation précaire puissent évidemment avoir des moyens financiers pour passer à travers la crise. 

La deuxième chose que nous ayons mise en place, c’est la bourse canadienne de bénévolat étudiant, de près de 5 000 dollars, dont les étudiants qui feront du bénévolat dans le cadre du COVID-19 pourront bénéficier pour leurs études en Ontario. 

Pour ce qui est des étudiants étrangers, nous avons mis en place deux mesures. D’abord, pour ceux qui peuvent travailler, le seuil admissible qui était fixé à 20 heures est passé à 40 heures. Nous avons conscience que c’est une période difficile, unique et que nous devons permettre aux étudiants étrangers de gagner un revenu nécessaire pour subvenir à leurs besoins. 

L’autre, c’est la fameuse prestation canadienne d’urgence, qui est aussi disponible pour les étudiants internationaux. 

LR : En quoi la crise actuelle modifie-t-elle les politiques migratoires canadiennes, et notamment concernant les futurs étudiants ?

FPC : Le Canada est un pays ouvert, il est une terre d’accueil pour beaucoup d’étudiants étrangers. Leur apport au Canada est très important ; [ils enrichissent] le curriculum, la vie culturelle du Canada, il a beaucoup de valeurs pour nous.

Maintenant, nous sommes face à une crise sanitaire sans précédent ; il est certain que nous devons nous assurer de la santé et de la sécurité de ceux qui sont présentement sur le territoire canadien. Mais il est incontestable que nous travaillons à ouvrir les frontières, au moment opportun, pour nous assurer que les étudiants étrangers qui ont choisi de faire leurs études au Canada puissent le faire. 

Il y a différentes mesures pour faire des études à distance, pour les permis qui ont été émis pour les étudiants étrangers au Canada. Notre but est que ces gens-là puissent revenir chez nous dès que la situation le permet, dès que les ponts aériens seront rouverts, c’est-à-dire que l’aviation commerciale aura repris. 

Le message que je veux vraiment envoyer est que nous mettons beaucoup de valeur à la contribution qu’ils font au Canada, et nous voulons vous assurer que nous travaillons déjà sur des mesures pour leur permettre de rentrer au pays dès que ça sera sécuritaire pour eux, et aussi pour ceux qui sont sur le territoire canadien.  

LR : Vous avez abordé la question des rapatriements ; où en est la situation actuelle ?

FPC : Nous avons rapatrié plus de 20 000 citoyens dans des vols commerciaux qui ont été affrétés par le gouvernement du Canada. Ces gens-là sont venus sur plus de 180 vols, en provenance d’environ 85 pays ; c’est la plus grande opération de rapatriement de voyageurs canadiens à l’étranger, en temps de paix, de l’histoire du Canada. 

Pendant les deux semaines les plus importantes de la crise, nous avons eu près de 600 personnes dans notre centre d’opération d’urgence, et avons reçu près de 58 000 courriels de gens qui avaient besoin d’aide. 

J’en profite pour remercier tout le personnel diplomatique, autant à Ottawa qu’à travers le monde, qui a fait un travail exceptionnel dans des circonstances difficiles, alors que nous faisions face à une crise sans précédent, alors que nous avons dû faire face à des espaces aériens, des aéroports, des frontières qui se fermaient. 

Des pays avaient même mis en place la loi martiale ; il y avait donc un niveau de complexité jamais vu, et en même temps, nous avions un volume sans précédent. Face à ça, je pense que le Canada a réussi à aider un grand nombre de voyageurs, qui étaient pris à l’étranger, à revenir chez nous.

LR : L’enjeu du matériel, comme des masques, a fait l’objet de complications dernièrement, par exemple quant à leur qualité, à leur accès. Quels sont les efforts déployés pour assurer l’important d’équipements médicaux au pays ? 

FPC : Trois choses d’abord ; j’ai parlé à mon homologue chinois pour souligner l’importance de permettre au Canada d’importer du matériel médical depuis la Chine, que ce soit en termes de quantité, mais aussi de qualité. 

La deuxième, c’est de se tourner aussi vers la diversification des fournisseurs. C’est-à-dire que j’ai pris contact avec des fournisseurs d’entreprises en Europe, que ce soit en France, en Allemagne, en Suisse, pour diversifier nos sources d’approvisionnement.

Et la troisième chose est de favoriser la production domestique. Parce que nous nous rendons compte que dans un temps de crise comme celui-là, nous devons développer la fabrication nationale, c’est-à-dire avec les petites et moyennes entreprises de chez nous, innovantes, qui peuvent répondre aux besoins en matériel médical à travers le pays. 

LR : Comment le Canada compte-t-il aider l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à gérer le COVID-19, et l’après, sachant que certains pays comme les États-Unis souhaitent se désolidariser de l’organisation suite à sa mauvaise gestion de la crise ?

FPC : Le Canada supporte l’OMS, c’est la seule organisation internationale qui a pour mission la santé. Alors évidemment, il faut s’assurer d’appuyer l’organisation durant cette crise-là ; c’est elle qui nous a donné beaucoup d’indications au niveau de la science, au niveau des données. Même si les réponses ont été domestiques, beaucoup ont été guidées par des informations, par des conseils qui ont été fournis par l’OMS. 

Présentement, il faut s’assurer de travailler avec la seule organisation mondiale au niveau de la santé que nous avons, il faut s’assurer de ne pas miner cette crédibilité.

Ceci dit, il y aura un moment, après la crise, où nous devrons poser des questions sérieuses, à savoir si nous avons à revoir le leadership, le processus, les systèmes d’alerte de l’OMS, pour nous assurer que cette organisation soit en mesure de répondre à nos besoins face aux prochaines crises sanitaires que l’on pourrait rencontrer à travers le monde.

LR : Comment la collaboration entre les pays s’articule-t-elle durant cette période de crise ? 

FPC : Il y a de très nombreuses initiatives. Le Canada, par exemple, en a lancé une : les différents ministres des Affaires étrangères se sont réunis pour partager les meilleures pratiques, apprendre les uns des autres, et finalement développer des protocoles. Le Canada avait, par exemple, mis de l’avant l’idée des ponts aériens, pour préserver la connectivité durant ce temps de crise, mais aussi pour préserver les Hubs de transit pour les citoyens qui veulent être rapatriés dans leurs différents pays. 

Nous avons aussi mis en avant la préservation des chaînes d’approvisionnements internes ; il y a une déclaration que nous avons émise, avec une quinzaine de pays, qui parle justement de ces enjeux-là. 

C’est une période où de nouvelles alliances se forment, je pense que la diplomatie en temps de COVID est une diplomatie efficace, rapide, informelle. Elle met en collaboration des acteurs pour s’assurer que nous répondons de façon réfléchie, mais rapide, aux enjeux présentés par la crise sanitaire, dont l’ensemble des pays fait face. 

Il faut l’admettre, c’est la première crise mondiale depuis les 75 dernières années, peu importe où nous nous trouvons aujourd’hui, nous sommes exposés aux mêmes risques, que nous soyons présidents d’un État ou travailleurs dans le domaine de la santé. C’est un virus qui est injuste, qui ne connaît pas de frontière. 

Je pense qu’il y a une prise de conscience qu’il n’existe pas de grands enjeux qui peuvent être réglés de façon nationale ; la coopération internationale est mise de l’avant, non seulement sur la pandémie actuelle, mais aussi quand nous parlons de grands enjeux comme les changements climatiques. 

Je pense qu’il y a une conscience sociale ; nous parlons beaucoup de distanciation sociale, nous avons aussi parlé de cohésion sociale, c’est-à-dire que, pour assurer sa propre sécurité, nous devons prendre des mesures individuelles et collectives. Et j’espère que ça inspirera les gens à bâtir un avenir plus résilient, plus durable, plus vert pour les prochaines générations. Je pense que les étudiants auront un rôle crucial à jouer en créant les bases de cette nouvelle aire post-COVID, qui sera surement, je l’espère, plus inclusive, plus durable, plus verte, et centrée sur l’individu. 

LR : L’organisation du Parlement virtuel vous impacte-t-elle dans l’exercice de vos fonctions ?

FPC : Le Parlement virtuel est une grande réussite. L’histoire nous enseigne à garder nos institutions démocratiques fonctionnelles ; c’est important en temps de crise.

Aujourd’hui, avec la distanciation sociale, nous avons vu qu’avec les outils technologiques nous étions capables de nous rassembler. L’opposition est apte à poser des questions au gouvernement, pour rendre des comptes. Je trouve que c’est un bel exercice de démocratie, ça démontre qu’elle n’est pas figée dans le temps, ça peut évoluer avec la technologie. Ça permet de maintenir des institutions fortes alors que nous vivons une crise sans précédent. 

 

Foire aux questions du public

Le ministre Champagne a ensuite accepté de répondre aux questions que vous, le public, nous avez posées via nos réseaux sociaux.

À propos de l’arrestation de Mme Meng, le ministre croit en la séparation des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif. Il fait confiance aux tribunaux de Colombie-Britannique, actuellement en charge du dossier, pour affirmer ou réfuter les allégations qui pèsent contre la femme.

Suite à une question relative au conseil de sécurité, le ministre se dit être optimiste concernant l’élection du Canada. Pour lui, le pays « s’est démontré comme étant un allié stratégique, prévisible, ouvert, qui travaille avec la communauté internationale. » Le Canada est une « force positive, inclusive, moderne, qui veut parler en son nom, mais aussi au nom de ceux qui veulent avoir une voix au chapitre face aux grands enjeux mondiaux », concède-t-il.

Concernant la question relative à l’annexion de la Cisjordanie par Israël,« le Canada est un allié d’Israël, mais aussi un ami du peuple palestinien. […] Je pense que le Canada a toujours été là pour favoriser le dialogue entre les parties, favoriser la création de deux États indépendants qui peuvent vivre côte à côte en paix et en sécurité », confie-t-il.

Enfin, le membre du gouvernement canadien est conscient de la situation traversée par les réfugiés à travers le monde, notamment celle des « Rohingyas qui sont au Bangladesh, ou [des] réfugiés syriens qui sont à la frontière de la Turquie et de la Grèce » et « veut s’assurer que cette crise sanitaire ne devienne pas une crise humanitaire, ni une crise alimentaire, et que […] toute l’attention nécessaire pour assurer leur santé, leur sécurité » leur soit apportée.

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