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Sports et bien-être

Repenser sa façon d’exister, et apprendre à méditer

Dawson Couture
31 mars 2021

Crédit visuel : Hermès Garanger – Contribution

Entrevue réalisée par Thelma Grundisch – Cheffe du pupitre Sports & bien-être

« Lama, maman, productrice, auteure et conférencière », voilà comment se décrit Hermès Garanger. Plus jeune lama occidentale du monde, elle se confie sur son parcours hors du commun, et sur sa philosophie de vie quotidienne, rythmée par la bienveillance et l’altruisme.

La Rotonde (LR) : Être lama, qu’est-ce que ça signifie ?

Hermès Garanger (HG) : Lama est un titre religieux qui donne l’autorisation d’enseigner au même titre qu’un prêtre ou un rabbin. On l’obtient quand on sort d’une retraite traditionnelle tibétaine de trois ans, trois mois et trois jours, durant laquelle on médite à peu près quatorze heures par jour en suivant un programme spécifique.

On n’a absolument aucun contact avec le monde extérieur, on ne voit même pas ce qui se passe dehors. On vit chacun.e dans une petite cabane de neuf mètres carrés avec un tout petit temple au milieu, une salle de bain et un petit jardin.

La journée est rythmée par le gong qui annonce le début et la fin de la séance et on médite sans arrêt entre 4 h et 23 h. La nuit, on dort assis.e dans notre caisse de méditation en bois qui fait près d’un mètre carré […], d’un sommeil pas très profond, mais c’est volontaire, afin de garder la concentration de la journée.

L’idée, c’est de rester en méditation constamment, d’être toujours concentré.e, sans aucune distraction extérieure. Toutes les distractions viennent de l’intérieur, des pensées, des émotions.

LR : Comment définiriez-vous les principes du bouddhisme tibétain ?

HG : Ils reposent sur la compassion, l’empathie, et la notion très importante d’impermanence. Cette dernière signifie que rien n’est figé et que tout est en mouvement, qu’il s’agisse de la souffrance ou du bonheur.

L’un de ses enseignements concerne aussi la préciosité du corps humain ; il faut être conscient.e de l’existence humaine, de la rareté d’avoir obtenu un corps humain, et d’en profiter à chaque instant. C’est la notion d’être dans l’instant présent, de développer la satisfaction, le contentement, de ne pas perdre de temps en pensant à l’impermanence, et d’essayer de donner du sens à sa vie.

LR : Pourquoi avoir fait cette retraite ?

HG : Je suis née dans un monastère bouddhiste tibétain en Écosse, l’un des premiers d’Europe. Mes parents étaient partis pour une semaine, et y sont [finalement] restés deux ans. Quand ils sont rentrés en France, ils ont acheté un château en Bourgogne pour l’offrir à ce maître tibétain rencontré en Écosse, et c’est devenu l’un des plus grands centres d’Europe.

J’ai grandi 20 ans dans ce monastère, et il existe toujours. À quinze ans et demi, j’ai eu l’occasion de faire cette retraite et j’étais à ce jour la plus jeune femme occidentale à avoir fait cette expérience. Quand on me l’a proposé, j’ai dit oui tout de suite […] : pour moi, apprendre à méditer, c’était apprendre à développer des choses pour être heureuse plus tard.

LR : Qu’est-ce que la méditation a apporté à votre vie ?

HG : Au quotidien, c’est une vraie hygiène de vie pour moi. De la même manière qu’on nourrit son corps, j’ai l’impression de nourrir mon esprit à travers la méditation, de développer la bienveillance, la compassion, l’empathie, la patience, et la générosité.

Ça fait vraiment travailler ses émotions, ça fait réagir, ça fait bouger. Ce n’est pas juste être assis.e sur un coussin, attendre que ça se passe et se détendre ; c’est vraiment travailler sur ses émotions, et sur son comportement. C’est un travail en profondeur sur soi.

On a des préjugés sur la méditation et on pense qu’on fait ça pour soi, pour se sentir mieux, alors que la démarche bouddhiste, c’est vraiment une démarche altruiste. Si je travaille sur moi, j’aurais plus d’empathie, je serais plus à l’écoute, et peut-être que je pourrais mieux aider et contribuer au bien-être des autres.

Si on est bien uniquement sur son coussin, mais qu’au moment de se lever, on repart dans un schéma habituel avec ses émotions, ça n’a pas vraiment un grand intérêt. L’idée est que la méditation soit ancrée dans notre vie et qu’elle déteigne sur notre quotidien, qu’elle devienne comme un réflexe.

LR : Vous avez d’ailleurs participé à de la recherche en neuroscience, c’est bien ça ?

HG : J’ai été contactée par le Centre de recherche neuro-scientifique de Lyon en 2018, qui cherchait des expert.e.s en méditation pour des études sur les bienfaits de la méditation sur le cerveau et le corps. On m’a mis 64 électrodes sur la tête et différents organes, pour observer comment je réagissais à toutes sortes de choses.

Ces expériences n’étaient pas forcément très agréables. L’une d’elles, par exemple, a été de passer une imagerie à raisonnante magnétique pendant quatre heures, alors qu’on me brûlait le bras toutes les 30 secondes pour évaluer ma tolérance à la douleur physique.

A priori, quand on médite, on ressent la douleur 27 fois moins fort que quelqu’un qui ne méditerait pas. Il existe des zones du cerveau qui ont été modifiées et qui sont plus développées, comme [celles liées à] la compassion, l’empathie, la concentration, la créativité, et le discernement.

Il y a vraiment des choses qui sont marquées, et j’ai hâte que cette recherche sorte un peu plus en France. J’espère que grâce à ça, la méditation pourra rentrer davantage dans le milieu hospitalier, ou même à l’école.

LR : Que recommanderiez-vous à quelqu’un qui veut commencer à méditer ?

HG : L’un de mes maîtres tibétains disait : « méditer c’est donner des vacances à son esprit ». L’idée est d’être assis.e, de se poser, de garder les yeux ouverts et être dans un état de contemplation, d’émerveillement, de satisfaction, sans pour autant chercher à vouloir faire quelque chose, sans faire le tri de ses pensées.

Il faut juste se dire : je m’assieds, et on verra bien ce qui se passe. Pour des débutant.e.s, j’aurais tendance à dire de commencer avec la cohérence cardiaque, et d’apprendre à respirer et réguler son pouls, car plus celui-ci est calme, plus les pensées vont se calmer aussi.

Peu importe le rythme de ma journée, c’est pour moi la base d’y inclure cette heure de méditation. Ça fait partie de mon quotidien, et c’est une autodiscipline maintenant ancrée en moi qui n’est pas du tout une corvée. C’est vraiment le moment où je vais pouvoir me ressourcer au quotidien. J’ai l’impression qu’on court généralement après le côté « faire » [de la vie]. Mais moi, j’ai plus l’impression de vouloir « être » avant de faire les choses, et c’est pour ça que je médite.

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