Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique
Chronique rédigée par Charlie Correia — Journaliste
Drôle de coïncidence, quand même, de vivre ce 5 novembre 2024 : nous vivons une scène semblable au film Retour vers le futur, dans lequel Marty McFly est propulsé au 5 novembre 1955 pour résoudre des paradoxes temporels. Le passé nous a effectivement révélé de quoi était capable le 47e président des États-Unis, Donald Trump.
Pourquoi Trump ?
Si ses partisan.ne.s trouvent en lui un modèle du rêve américain ou un possible sauveur des États-Unis avec son approche « Make America Great Again », j’essaye encore de saisir les raisons qui ont conduit plus de la moitié de la population américaine à réélire cet homme. En quoi a-t-il été convaincant pendant sa campagne ?
Les promesses de Trump sur l’économie sont certes alléchantes. Il promet notamment d’alléger les impôts, de récupérer des emplois délocalisés, d’augmenter les droits de douane, particulièrement sur les importations en provenance de Chine. « America First », dit-il. Certain.e.s pensent qu’il est l’homme idéal pour faire face à la montée en puissance de certains leaders, aux menaces et aux guerres. Il est perçu comme un modèle de réussite, travailleur acharné malgré le fait qu’il soit né avec une cuillère d’argent dans la bouche, charismatique, bagarreur qui a survécu à deux tentatives d’assassinat.
J’entends pourtant encore le bourdonnement de ses propos sur les immigrant.e.s illégaux.ales qui mangent les animaux de compagnie des habitant.e.s de Springfield, Ohio. Trump met sur le dos des immigrant.e.s tous les maux du pays, en proposant une expulsion de 11 millions des gens. Est-ce d’un polémiste ou d’un 45e président des États-Unis qu’avaient besoin les électeur.ice.s ?
Pourquoi pas Trump ?
Revenons au parallèle avec le film. Nous nous souvenons qu’il y a eu, en 1955 aux États-Unis, la première crise du Détroit de Taïwan, où Eisenhower affirmait à la Chine communiste qu’il était prêt à utiliser la force nécessaire et l’arme atomique pour défendre Taïwan. C’était une période où nous pouvions observer un retour à la prospérité et au consumérisme, mais il s’agissait également d’une période où l’avortement était criminalisé. Celui-ci était donc pratiqué à un prix onéreux dans des conditions sanitaires douteuses, où de réels dangers d’infection et de décès se présentaient aux femmes.
Je vous épargne une longue liste d’éléments similaires entre cette période et la nôtre, mais je suis persuadée que ces paradoxes temporels sont loin d’être résolus, maintenant que Trump est de retour. Attendons-nous donc à une avalanche de changements plutôt radicaux pour le futur et à un retour dans le passé, non seulement pour les Américain.e.s, mais aussi pour le monde entier.
J’ai tenté de vous épargner la liste de monstruosité que nous risquons de vivre à partir de l’année 2025, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’écrire. Les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+ ont régressé durant la précédente administration de Trump, et risquent de régresser encore plus. Nous n’avons qu’à penser à la composition de la Cour Suprême, qui est un des nombreux enjeux compte tenu de son influence considérable sur la société américaine. Après la nomination par Trump de trois juges conservateurs, on se rappelle que l’arrêt Roe c. Wade a été invalidé en juin 2022, enterrant ainsi le jugement de 1973 qui protégeait le droit à l’avortement à l’échelle nationale. L’avenir de l’OTAN est également menacé, et les incidences ayant trait aux différentes guerres demeurent incertaines.
Trump et les femmes
Pour un homme qui se vante de protéger les femmes, son casier judiciaire nous prouve tout à fait le contraire. Viols, agressions sexuelles, harcèlement sexuel… plusieurs plaintes contre Trump datent des années 70. En 2016, une vidéo montrant Trump se vanter, lors d’une entrevue à Access Hollywood en 2005, d’avoir touché les parties génitales des femmes avait fuité. Au cours des décennies, plusieurs plaintes ont été retirées, mais le nouveau président a toutefois été tenu responsable au civil, le 9 mai 2023, d’avoir abusé sexuellement de la chroniqueuse E. Jean Carroll en 1996. Les juré.e.s ont également jugé Trump responsable d’avoir diffamé Carroll à cause de ses allégations. Et que dire du scandale Stormy Daniels-Donald Trump ! Trump a – évidemment – toujours nié les allégations portées contre lui, affirmant que ces femmes avaient menti, qu’il était victime de certains médias et d’une campagne de diffamation politique.
À cela s’ajoute une campagne marquée par des insultes, de la désinformation et des propos sexistes et méprisants envers les femmes, dont la candidate démocrate Kamala Harris. Maintenant qu’il reprend les commandes, qu’adviendra-t-il des poursuites judiciaires ?
Ce n’est pas nécessairement l’homme d’affaires ou l’homme politique qui me fait réagir, mais bien l’homme tout court. Les valeurs qu’on m’a inculquées et auxquelles je tiens particulièrement, telles que l’honnêteté, le respect de soi et des autres, la liberté, l’égalité, la solidarité, la bienveillance… tout mon être est ébranlé par Trump, ce qu’il est, ce qu’il fait et ce qu’il dit.
Malgré toute ma bonne volonté, j’arrive difficilement à saisir comment ces hommes et ces femmes, dont beaucoup se prétendent croyant.e.s et ont des enfants, puissent affirmer qu’il s’agit bel et bien de cet homme qu’ils.elles souhaitent avoir comme symbole d’unité de la nation.