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Opinions

Tasses jetables et avenir ne font pas qu’un

Culture
23 janvier 2020

Crédit visuel : Jonathan Rausseo

Par Clémence Roy-Darisse – Cheffe du pupitre Arts et culture 

 

Afin de discuter d’enjeux en matière d’environnement, La Rotonde (LR) rencontre Jonathan Rausseo (JR), gestionnaire du bureau du développement durable à l’Université d’Ottawa (U d’O). Il dirige tous les projets majeurs en matière d’environnement sur le campus et travaille activement à en créer de nouveaux.

L’U d’O, en 2030

LR : Quelle est votre vision du campus idéal en 2030 ?

JR : Un grand problème que je trouve souvent avec l’environnement […] c’est plus l’idée que les personnes ont en tête qu’ils peuvent rien faire ou que quelqu’un d’autre va le faire [pour elles].

Je vois Greta Thumberg, je l’adore, mais je suis un peu déçu que tout le monde [la vénère] […]. On se dit « wow, si [au moins] on avait plus de personnes comme elle ». Non, si on avait plus de personnes comme elle, on aurait plus de gens qui nous diraient de faire quelque chose. […]

Il faut que les gens arrêtent et se disent ; « ok, il faut que je fasse quelque chose ». Qu’est-ce que je peux couper de ma vie, ou changer, ou accepter, parce que je sais que ça va changer les choses pour le mieux ? 

LR : Quel est l’objectif en matière le plus important, selon vous ? On devrait commencer par quoi ? 

JR : La raison pour laquelle on cherche à définir le développement durable avec notre comité, c’est pas juste l’idée qu’on veut tous parler la même langue, c’est aussi l’idée de définir par quoi on devrait commencer.

Sûrement, le plus important maintenant c’est les gaz à effet de serre (GES). Ça presse, il faut agir, mais si je sors avec une grande liste de ce que l’Université devrait faire pour réduire ses GES je pense pas que, ni les étudiant.e.s ni les employé.e.s, seraient capables de se reconnaître dans ces points. […]

Si je dis, par exemple, plus d’auto ; moi, j’habite à Aylmer parce que c’est moins cher. […] Tu me pénalises, c’est pas juste et si c’est pas juste c’est pas durable. […]

Au bureau du développement durable, on prend un peu une différente approche que [Transformation] 2030. Nous, on est en train, présentement, de créer une définition du développement durable sur le campus. Parce que la définition du développement durable, c’est une définition contestée. Ça veut dire plusieurs choses à plusieurs personnes et tout le monde a raison.

J’utilise souvent l’idée de justice. Si on a pas une définition commune […], on parle pas la même langue. 

LR: Quelle est votre vision du développement durable ? 

JR : Le développement durable fonctionne si ça rend votre vie meilleure. […] L’idée c’est ; si tu fais ça, tu gagnes quelque chose. 

LR: Est-ce que l’Université a des objectifs environnementaux chiffrés pour 2030 ? 

JR : Un des grands projets [sur lequel] l’Université travaille, c’est les GES dans les investissements. Ils ont créé un mécanisme pour enlever les compagnies qui produisent le plus de GES […]. L’Université dit qu’en 2030, on va réduire de 30 % les GES dans nos investissements.

Pour en finir avec les tasses jetables…

LR : Est-ce que les gens recyclent bien ? Est-ce que ça coûte cher quand ils le font mal ? 

JR : Oui, ça coûte très cher quand ils le font mal. « Est-ce que les gens recyclent bien ? », je pense que la question c’est plutôt « est-ce que les gens pensent qu’ils recyclent bien ? ». C’est pas une question de malice, mais, par exemple, les tasses de café jetable, sur le campus, on les composte. 

LR : Tim Hortons, Starbucks, tout ?

JR : Tout. On essaie de le dire à tout le monde, mais c’est un message qui ne se propage pas bien parce que les gens ne le croit pas. 

LR : Les gens les mettent dans le recyclage, j’imagine ? 

JR : Oui. C’est du papier. Tout le papier qui est sali par la nourriture est compostable. Si je prends un papier journal, je mets de la pizza dessus; c’était recyclable avant, là c’est compostable. Pratiquement tout le papier est compostable. 

LR : Il y a beaucoup de choses qu’on peut composter et c’est mieux composter que recycler ? 

JR : Oui. […] Le problème avec les tasses jetables, c’est qu’elles ne sont pas compostables mais on les composte. […]

Ce que les gens pensent qu’on fait avec le compost c’est pas ce qu’on fait réellement. […] Nos tasses ne sont pas complètement compostables, il y a encore un peu de plastique là dedans et si le compost tu veux l’utiliser pour faire pousser de la nourriture, [ça marche] absolument pas, mais si tu l’utilises pour un site d’enfouissement, well… [ça marche]. […]

Ça utilise moins d’énergie dans le système parce que ça produit pas du méthane […]. Si c’est composté, ça produit du CO2 mais le CO2 est 21 fois moins pire que le méthane alors, dans l’équation, c’est beaucoup mieux pour l’environnement [que les jeter à la poubelle]. 

En anglais on dit the environnement is a question of trade-off. Tu veux faire quelque chose qui est moins pire que le reste. 

LR : Pourriez-vous dire à une compagnie « vous avez plus le droit de vendre des tasses jetables » ? 

JR : On pourrait, mais il faut leur offrir une alternative. On peut négocier. S’ils disent non, les mettre à la porte.

Disons qu’on met [un concept de tasses réutilisables] en place [et] ton café te revient à 5$ au lieu de 3$.

Après, tu te dis ; OK, j’emmène ma propre tasse. On peut faire un système avec des tasses gratuites partout sur le campus […] ou on peut juste être stricte et dire non. T’as pas ta tasse, t’as pas de café […] mais le café c’est pas la chose la plus environnementale non plus… […]

Si on offre un substitut au café, les gens vont aller ailleurs pour s’en chercher. […] On va perdre de l’argent, on va ouvrir moins de places pour offrir de la nourriture sur le campus, ça veut dire qu’on va ouvrir plus de machines distributrices.

LR : Une affiche proche des restaurants, pour inciter les étudiant.e.s à apporter leur tasse ?

JR : On a fait une recherche, le maximum [de gens] qu’on peut encourager […] avec une affiche ; c’est 5 %. Le maximum. Une augmentation de 5%. 

LR : Ouais, ça donne pas beaucoup d’espoir.

JR : Cette année, ça fait 10 ans [qu’on a banni l’eau en bouteille] sur le campus. [Toutefois], tu peux acheter l’eau pétillante.

[Pour y arriver], il a fallu les enlever, faire une rénovation complète de tous les abreuvoirs sur le campus. On a travaillé avec la Fédération des étudiant.e.s [de l’U d’O] (FÉUO) pour leur dire de donner à tou.te.s les étudiant.e.s, dans leur kit 101, une bouteille réutilisable.

[…] Ça prend du temps, les infrastructures . […] Éliminer les tasses c’est facile. […] Le faire et que le changement soit un succès, plus difficile. […] Il faut toujours faire des ajustements pour trouver toutes les solutions. […] Moi, quand je regarde l’idée du développement durable, je veux rendre les choses plus faciles pour la communauté et les personnes sur le campus. 

LR : Si un.e étudiant.e vous arrive avec une suggestion de projet, est-ce vous pouvez l’aider à le mettre en place ? 

JR : Oui […]. On a eu une étudiante de France qui est venue nous voir à notre bureau […] et elle était vraiment fixée sur l’idée qu’il n’y avait pas de lien entre l’Université et les fermes locales […]. Son mandat, c’était de mettre en place une boîte fermière, alors elle a trouvé une ferme. […]

Maintenant, entre mai et décembre, on a des boîtes fermières sur le campus, toutes biologiques, tu peux en commander une fois par semaine, etc. […] Sûrement, si les gens viennent nous voir, on peut mettre des choses en place.

LR : Si les étudiant.e.s ont des idées, où est-il possible de s’adresser directement ? 

JR : À nous, ils peuvent venir nous voir, utiliser uOSatisfACTION!, en parler à leurs professeur.e.s, les idées c’est comme la grippe !

Vous pouvez aussi envoyer un courriel directement à Jonathan au durable@uottawa.ca

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