Par Sophie Sherrer
Lorsque ton horizon se limite au sous-sol de l’Armée du Rachat et que tu dois payer 600 $ en chantage à ton boss pour qu’il te laisse garder ta job comme trieur de linge dans le-dit sous-sol, quand on travaille avec un alcoolique en désintox… Est-ce qu’il y a de l’espoir?
As Is ou Tel quel est la glorieuse représentation de la vie « as is », dans toute son humanité, dans ses moments dramatiques et comiques. C’est l’histoire de gens qui travaillent à l’Armée du Rachat, organisme de bienfaisance, et qui sont arrivés là chacun avec leurs bagages, traînant les blessures de leur passé, et qui n’ont nulle part d’autre où aller.
Le personnage principal est un jeune universitaire idéaliste nommé Saturnin, qui vient travailler comme « trieur de cossins » pour l’été. En entrant dans ce monde où les limites du bien et du mal sont floues, il tente de régler les problèmes qu’il trouve avant de repartir aux études à la fin de l’été. Les personnages vivent des jeux de pouvoir, rencontrent leurs préjugés entre intellectuels et ouvriers et débattent sur comment aider les autres. C’est du « théâtre de citoyen », explique Denis Bernard, l’un des comédiens, un théâtre dans lequel tous les spectateurs sont consternés, ce qui donne un spectacle touchant et unifiant.
L’auteur et le metteur en scène, Simon Boudrault, soulève beaucoup de questions. Qu’est-ce qui nous motive à aider les autres? Est-ce que ça revient à montrer à tout le monde comment on est bon? Qu’est-ce que c’est de vraiment aider quelqu’un?
Malgré tous les bons sentiments et les bonnes intentions, parfois notre « aide » n’aide pas du tout. Boudrault compare le personnage principal à un Casque bleu en Afghanistan, qui vient « scrapper » tout le système précédent avec ses principes et qui finit par faire plus de tort que de bien. Félix Beaulieu-Duchesneau, interprétant le personnage de l’alcoolique schizophrène, nous confie une de ses expériences de jeunesse durant laquelle il a côtoyé des itinérants : « Ça m’a beaucoup touché, un peu comme Saturnin dans la jeune vingtaine, je voulais aller aider les itinérants. […] On est là plein de bonnes intentions et on a l’impression qu’on peut régler tous les trucs […], mais on se rend compte de notre impuissance. » Beaulieu-Duchesneau nous raconte une anecdote de sa jeunesse où il invita un itinérant à manger au restaurant avec une gang d’amis : « On était tous autour de lui et on essayait de lui poser des questions et tout d’un coup il dit : “Je sais vous êtes qui. Vous avez des microphones et vous m’écoutez. […] Et il se met à délirer. On l’as-tu aidé ou on l’as-tu juste traumatisé?” Cette anecdote reflète le questionnement de l’auteur.
En rapport à l’espoir, l’auteur reprend l’opinion d’un élève du CÉGEP qui se dit que peut-être un jour ils vont pouvoir sortir de cet environnement et changer leur situation. Il y a des transformations à tous les instants, il ne suffit que de continuer à prendre des petits pas.