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Opinions

Le théâtre canadien s’envole avec le Centre national des Arts

Culture
28 novembre 2020

Crédit visuel : Valé­­rie Soares – Photo­­graphe

Critique rédigée par Gaëlle Kanyeba – Cheffe du pupitre Arts et Culture

Oublier le stress de la COVID-19 le temps d’un instant ; là est l’objectif de l’initiative Envolées théâtrales, mise au point par le Centre national des Arts (CNA) d’Ottawa depuis le début de l’automne. Le projet propose diverses œuvres qui posent un regard artistique sur la réalité de chacun.e, bien que les francophones restent une fois de plus, à l’écart. En voilà, pour vous, notre critique. 

Douze compagnies canadiennes de théâtre se sont réunies afin de concevoir et d’interpréter des productions de grande envergure, dont quatre sont actuellement disponibles sur la plateforme YouTube. La crème de la crème artistique canadienne recrutée par le Centre promet d’offrir au public des prestations sur des thèmes variés, mais cela ne se fait pas sans limites.

Entre véritables coups de coeur …

La série commence par la pièce Something Bubbled, Something Blue du théâtre Talk is Free, en collaboration avec Outside The March. Dans celle-ci, l’audience est invitée à célébrer le mariage de deux jeunes femmes. Accompagnées de danseur.euse.s et d’une violoniste, nous avons presque l’impression d’assister à une merveilleuse comédie romantique. Mais peut-être faut-il préciser que dans ce scénario, chaque personne est isolée dans une bulle.

Si avant la pandémie, « être dans sa bulle » était une expression synonyme d’insouciance, elle rappelle aujourd’hui l’isolement de tou.te.s face aux mesures de distanciation sociale. La pièce aborde cet événement festif qu’est le mariage tout en faisant un clin d’œil aux gestes barrières imposés par les conditions sanitaires. Il fallait y penser quand même ! Si comme moi, vous avez assisté à un mariage cet été dans les conditions que vous connaissez, vous serez d’avis que cette pièce est une satire réussie de la situation actuelle.

Ma production préférée du projet reste certainement Trespasser Waltz, dans laquelle Curtain Razors parle de la résilience autochtone. Tournée dans des prairies, elle insiste sur la relation complexe entre le colon et l’autochtone. Plus la scène avance, plus le public se sent concerné par ce qu’il voit, et comprend l’importance des gestes à poser pour parvenir à une conciliation collective.

La façon dont l’histoire est tournée, mettant en évidence les mouvements des personnes dans la vidéo, permet au public de mieux s’imprégner de la pièce. Cette dernière est non seulement artistiquement et visuellement magnifique, mais elle est aussi pédagogique. Et si finalement, grâce à l’art, on pouvait comprendre nos offenses et se pardonner mutuellement ?

… et sincères déceptions

Si les deux premières pièces sont poignantes, à la fois dans le fond et dans la forme, les deux suivantes m’ont laissé sur ma faim. Intramural.e, création du théâtre Cercle Molière, est une vidéo tournée à Winnipeg qui veut rendre honneur à une compétition artistique de danse. Mais à mon sens, il y a un décalage entre l’expérience vécue en présentiel et son adaptation au format virtuel.

En effet, en 3 minutes et 43 secondes, le public a à peine le temps d’apprécier la prestation de danse moderne et la prestation autochtone. Outre la mise en valeur des couleurs, le format vidéo de cette pièce n’a aucun intérêt pour la ou le spectateur.rice.

Pour finir, la pièce Shifting Verse par Prismatic Arts Festival, met en avant des danseur.euse.s qui bougent au rythme du piano et d’un récit poétique, dans le centre-ville d’Halifax. Au point de vue visuel, je n’ai rien à dire. Cependant, le texte est exclusivement en anglais : bonne chance pour les unilingues francophones !

En tant que fervente défenseure du français, je ne peux supporter d’être privée d’un magnifique moment d’évasion poétique à cause de la langue que je pratique et que j’aime tant. Je trouve cela désolant. C’est d’ailleurs là tout le problème d’Envolées théâtrale : l’absence de la francophonie.

Dans la plupart des pièces, la difficulté ne se fait pas ressentir car il y a très peu de discours. Mais lorsque vient le temps d’apprécier une poésie, le public francophone est obligé d’avoir recours à un traducteur pour être sûr d’apprécier le spectacle. J’espère que le CNA fera un effort pour les huit pièces restantes.

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