Crédit visuel : Jürgen Hoth : photojournaliste
Article rédigé par Kady Diarrassouba — cheffe de pupitre sports et bien-être
Plus de 70 communautés du pays, des plus petits aux plus grands, tou.te.s affirmant d’une seule voix au gouvernement Carney que trop, c’est trop : il est temps de fixer les limites. Cette mobilisation intergénérationnelle a posé ses valises à Ottawa-Gatineau, le 20 septembre dernier, à l’occasion de la marche Fixons les limites .
Au cœur du rassemblement, 5 revendications principales : la justice économique, avec le refus des coupes de 15 % dans les services publics et un appel à réinvestir dans le logement, la santé, l’éducation et l’alimentation ; le respect de la souveraineté autochtone par l’opposition au projet de loi C-5 ; la justice pour les migrant.e.s avec le rejet du projet de loi C-2 ; la justice climatique en denoncant le projet minier La Loutre ; puis la paix et la démocratie notamment par le refus de l’augmentation du budget militaire et des ventes d’armes, en particulier à Israël, accusé de mener un génocide à Gaza.
À Ottawa-Gatineau, la marche a pris deux points de départ distincts. Le coin Wellington et Elgin était le lieu de rassemblement du contingent d’Ottawa, et la Maison du Citoyen a accueilli les Gatinois. Les deux ont convergé près de l’ambassade des États-Unis, avant de terminer leur parcours au Monument canadien pour les droits de la personne.
Du côté de Gatineau, l’organisation du contingent a été menée par Chantal Pelletier. Pour elle, le message central était « de mettre les personnes et les communautés avant le profit », de dresser une ligne rouge collective face aux politiques jugées destructrices du gouvernement Carney, et de rappeler que ces luttes sont des indissociables.
"Ce sont toutes des causes interreliées, des problématiques qui s'influencent les unes les autres… Elles sont liées à l'accumulation sans limite de ressources par une petite minorité de milliardaires. "
- Chantal Pelletier -
Pelletier souligne aussi la participation collective autour de cette marche, qui a mobilisé divers groupes venus de plusieurs régions, ainsi que des étudiant.e.s engagé.e.s comme Norah Bello, coordonnatrice du Centre de développement durable du syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa. Voir ces jeunes prendre le relais, mener des groupes et scander des slogans puissants, est porteur d’espoir, affirme-t-elle.

Norah Bello en train d’entonner des slogans à la marche.
Pour les communautés, la paix et la planète
« For People, Peace + the Planet. » Ce leitmotiv, repris dans les discours et sur les pancartes, traduisait l’esprit de la marche à Ottawa-Gatineau, rassemblant des profils extrêmement variés. Il y avait des aîné.e.s autochtones venus rappeler l’urgence de protéger les territoires, des syndicalistes, des familles entières, poussettes et enfants compris, des étudiant.e.s francophones et anglophones scandant en deux langues des slogans pour la justice.
Eloi Halloran, représentant du comité CALME (Comité Autonome contre La Loutre, les mines et l’extractivisme) parle d’un « beau mélange démographique : des personnes à la retraite qui veulent laisser un meilleur monde et des enfants qui ont des rêves. »
Ce moment marquant pour Bello a été la prise de parole des enfants de l’organisation World Changing Kids : « Quand ces enfants, âgé.es de 10, 11 ou 12 ans, ont partagé leur perspective, quand ils.elles ont marché avec moi, je me suis sentie comme une ambassadrice. C’était vraiment puissant. »
Cette rencontre entre générations illustrait parfaitement l’esprit de la marche. Du côté du collectif Aînés pour le climat, Laetitia Charbonneau partageait le même ressenti : « Moi, ce que j’ai aimé personnellement, c’est travailler avec des gens beaucoup plus jeunes, des étudiant.e.s… C’était formidable de collaborer avec ces personnes pleines d’énergie et d’enthousiasme. »
À travers cette alliance entre générations, Charbonneau voit une promesse, celle de la durabilité du mouvement. Elle salue également l’effort de traduction des messages, qui a permis d’inclure pleinement la communauté francophone.
"Show me what democracy looks like. This is what democracy looks like ":
Montrez-moi à quoi ressemble la démocratie. Voilà ce à quoi ressemble la démocratie
Ce slogan, scandé tout au long de la marche, a particulièrement marqué Bello. Pour elle, il résumait l’esprit de la mobilisation : la démocratie ne vit pas seulement dans les institutions, mais aussi dans la rue, lorsque les communautés se lèvent pour exiger le changement.
« Cette marche est importante pour interpeller notre gouvernement et nos dirigeant.e.s politiques, afin de garantir un avenir meilleur et durable. On parle de salaires raisonnables, d’emplois de qualité, de justice climatique et de protection de la biodiversité. »Ces moments, selon elle, ont donné à voir une démocratie vivante, où chaque voix contribue à dessiner un avenir plus juste.
Prochaine étape
Pour les organisateur.trice.s comme Pelletier, Halloran et Charbonneau, la marche du 20 septembre n’était pas un aboutissement, mais un point de départ.
"Le but, c'était de marcher, mais aussi de construire une coalition appelée à s'élargir, avec d'autres regroupements et organismes qui défendent le bien commun."
-Chantal Pelletier-
Le calendrier politique joue aussi un rôle clé : la mobilisation s’est tenue cinq jours après la rentrée parlementaire et quelques semaines avant le dépôt du budget fédéral, prévu le 4 novembre. Les organisateur.trice.s espèrent que le message porté par des dizaines de milliers de personnes à travers le monde trouvera un écho dans les débats budgétaires.
Les prochaines étapes annoncées incluent la poursuite des actions locales, la consolidation des alliances entre syndicats, groupes autochtones, mouvements étudiants et associations migrantes, ainsi qu’un plaidoyer continu pour faire de ces revendications des priorités nationales.
La marche « Fixons les limites » s’est imposée comme un véritable exercice de démocratie participative. Un rappel que lorsque les communautés se lèvent ensemble, elles peuvent tracer la voie vers un avenir plus juste et durable.