
Troubles de santé mentale à l'U d'O: Un fléau chez les étudiants qu'on ne sait arrêter
Clémence Labasse
« J’ai tellement de retard dans mes cours, je déprime! », voilà un message sur lequel il est courant de tomber en parcourant les réseaux sociaux. Derrière ce statut anodin, un entre mille, pourrait pourtant se cacher une réalité encore trop souvent dissimulée. Dépressions, troubles de la personnalité, troubles d’apprentissage… voilà des mots qui font peur, et que peu prononcent encore avec sérieux sur le campus. Ils sont pourtant lourds de sens dans une université où le nombre de personnes atteintes par des troubles de santé mentale ne cesse d’augmenter. La Rotonde a voulu faire le point sur la réalité de la maladie mentale sur le campus de l’U d’O et sur l’accessibilité des services pour ceux qui en souffrent. Et s’il y a eu des progrès dans les dernières années, beaucoup de chemin reste encore à faire.
Des chiffres toujours plus grands
En 2012, un article de Radio Canada intitulé « Le problème de dépression chez les étudiants préoccupe à l’Université d’Ottawa » révélait que les étudiants du premier cycle dépensaient en tout près de 119 000 $ en antidépresseurs par an. Et depuis, les chiffres de personnes atteintes de maladies mentales, dépression ou autres, ne font que grimper.*
Murray Sang, directeur du Service d’appui au succès scolaire (SASS), commente : « L’année dernière, nous avons reçu plus de 6 500 visites, de 1 766 étudiants, à nos différents centres et services, » explique-t-il. « Au service d’accès, il y a 25 ans, les personnes ayant besoin d’accommodements pour des handicaps non-visibles ne représentaient qu’une faible portion de ceux qui fréquentaient nos services, maintenant ils sont 70 % ».
« De 2012 à 2013, le nombre d’étudiants au second cycle sous antidépresseurs a augmenté de 25 %, passant de 43 000, à 57 000 », a expliqué Lindsey Thomson, v.-p. aux relations externes de la GSAÉD. La FÉUO ne nous a pas transmis des statistiques quant aux étudiants de premier cycle.
Des ressources encore insuffisantes
« Il n’y a pas assez de services d’aide en santé mentale pour les étudiants sur le campus et ceux qui existent présentement ne sont en aucun cas assez accessibles pour les étudiants », critique Thomson. « Il y a des services psychologiques, mais la plupart d’entre eux sont seulement à court terme. »
Si sept conseillers permanents et sept employés contractuels travaillent au Service de counselling et de coaching du SASS, quatre de ceux-ci sont exclusivement assignés en résidence (Hyman-Soloway, Friel et Rideau). Seules 10 personnes travaillent donc au 3e étage du 100 Marie Curie.
« Nous devons faire du tri. Si le cas est extrêmement urgent, si l’étudiant est en crise, il peut avoir rendez-vous avec l’un de nos conseillers en moins de 24h. Si ce n’est pas le cas, alors cela prend plutôt une semaine », explique Sang.
Mais ces conseillers ne prodiguent généralement qu’une aide à court terme. Le nombre de séance est en effet limité, et comme il est inscrit sur le site du SASS, le counselling ne sert à aider que des « difficultés personnelles à court terme, telles que le mal du pays, la séparation, la maladie ou le deuil, le stress des études ou des finances ».
Des progrès, malgré le désintérêt de la haute administration
Dans les dernières années, toutefois, l’Université d’Ottawa a fait des progrès considérables en terme de service d’aide et d’accessibilité pour les individus atteints de maladie mentale.
« Nous avons été l’une des premières universités à mettre en place la semaine de relâche d’automne, en 2010 », explique le directeur du SASS. « Nous avons maintenant des stagiaires, en maitrise d’éducation et counseling qui travaillent pour nous, et cinq étudiants qui font du peer counseling. Nous avons aussi mis en place une activité très populaire : la zoothérapie. Enfin, il y a eu beaucoup de travail de promotion et de dé-stigmatisation. »
« Il existe aussi une équipe de psychologues mobiles de l’Université Queens, qui peut faire des diagnostics pour des étudiants jamais diagnostiqués, sur recommandation d’un conseiller d’éducation du SASS. Les séances coutent 200 $, mais généralement, nous payons ces frais », ajoute-t-il.
Pour la GSAÉD cependant, ce n’est toujours pas assez. C’est pourquoi ils ont commencé leurs propres programmes : « Le Programme de soutien étudiant (PSE), couvert par l’assurance de la GSAÉD, qui mettra en place une équipe de plus de 70 psychologues et conseillers psychologiques pour nos étudiants, même les plus isolés. »
Et la place de l’Université, dans tout ça?
Mardi 3 novembre, lors de la rencontre de La Rotonde avec le recteur Allan Rock, celui-ci avait mentionné que le rôle de l’Université n’est pas nécessairement celui d’un hôpital, et que ce rôle devrait être repensé. Cet avis, le directeur du SASS le partage également : « Nous ne pouvons pas offrir de la psychothérapie à long terme. Nous avons l’obligation de protéger les étudiants, mais il nous est impossible de faire face à la diversité de la demande plus profonde. »
Ainsi, il semblerait que malgré ses efforts, l’U d’O ait encore du mal à faire face à la diversité des vécus et des douleurs qui touchent sa communauté. À ce jour, l’institution se contente encore d’apposer un énorme pansement général et temporaire à des milliers de plaies toutes uniques et différentes.
* Nous avons tenté à de nombreuses reprises de parler à la FÉUO depuis jeudi dernier pour obtenir les statistiques plus récentes et les projets du syndicat pour faire face aux problèmes de la maladie mentale, sans réponses.
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**Erratum: Dans la version précédente (16 novembre) de l’article, on pouvait lire que « nous avons tenté à de nombreuses reprises de parler à la FÉUO toute la semaine dernière« , il s’agissait d’une erreur de formulation.