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Réflexions sur le racisme systémique et le colonialisme dans le système de santé québécois

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7 octobre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Chronique rédigée par Megan Blanche – Contributrice

Plus d’une année s’est écoulée depuis la mort de Joyce Echaquan, une femme Atikamekw. Décédée en 2020 à l’âge de 37 ans à l’hôpital de Joliette, Echaquan a été victime d’un traitement discriminatoire et négligeant de la part de membres du personnel médical. Un an plus tard, la situation dans le système de santé a-t-elle changé ? Quels sont les progrès au niveau institutionnel en matière de racisme et de colonialisme ? Quelles sont les perspectives possibles ? 

Les réponses à ces questions demeurent nébuleuses pour plusieurs individu.e.s. Malheureusement, à mon avis, le climat d’indignation et d’insatisfaction face aux actions et aux propos des gouvernements, en particulier provinciaux, est entièrement justifié et reflète la volonté persistante des gouvernements de nier l’existence et les impacts du racisme et du colonialisme au niveau institutionnel au Canada. Les progrès demeurent lents et empreints de résistance. 

La mort de Joyce Echaquan a provoqué une onde de choc au Canada. La médiatisation de la situation a permis de provoquer une mobilisation sociale significative face à la discrimination et l’oppression pénétrant les institutions médicales. Il est nécessaire de rappeler que Joyce Echaquan avait, peu avant de perdre la vie, filmé des membres du personnel médical tenant des propos racistes violents à son encontre lors de sa visite à l’hôpital.

Des réponses politiques variables

La réponse politique fut mitigée et parfois particulièrement inadéquate. Alors que le gouvernement canadien a décrié le racisme systémique à la base du traitement raciste et discriminatoire de Joyce Echaquan par des infirmières de l’Hôpital de Joliette, le gouvernement québécois a refusé d’admettre quelconque forme de racisme systémique au Québec.

L’entêtement de François Legault et de son gouvernement à nier les structures de domination affectant les Autochtones ne fait que refléter la réalité formée par le chevauchement du racisme, du colonialisme et de l’État. Cela confirme également indirectement la validité des accusations adressées par rapport au racisme en santé.

Par ailleurs, la coroner ayant effectué l’enquête sur le décès de Joyce Echaquan a conclu que, malgré la cause accidentelle, le racisme conserve une place centrale dans les causes de sa mort. Parmi ses recommandations, la coroner encourage fortement l’État à reconnaître officiellement le racisme systémique au Québec et ses impacts sur le système de santé.

En réaction à la mort d’Echaquan, le Conseil de la Nation Atikamekw et le Conseil des Atikamekw de Manawan ont élaboré le Principe de Joyce, une déclaration visant à garantir l’accès aux services sociaux et médicaux pour les Autochtones, sans discrimination. Malgré les propos tenus par le gouvernement par rapport au Principe de Joyce, il tarde à l’adopter officiellement. 

Adopter ce principe impliquerait une reconnaissance officielle du racisme systémique au Québec. La réticence du gouvernement à s’engager formellement dans le respect de celui-ci tout en affirmant être en accord avec les idéaux supportant cette proposition pousse donc à la réflexion. Le gouvernement Legault feint une position neutre et un intérêt dans le Principe de Joyce. 

Une commémoration qui dérange ; un héritage rejeté 

Cette instrumentalisation du Principe de Joyce et de la mort de Joyce Echaquan fait état d’une grande insensibilité du gouvernement face à la réalité des peuples autochtones. Il est affligeant de constater la manière dont le gouvernement Legault utilise la mort de Joyce Echaquan et la réaction sociale à des fins politiques, alors que les impacts de cette tragédie se font encore sentir dans la communauté. Cette objectification et cette instrumentalisation est une forme de manque de respect et de considération envers la vie de Joyce Echaquan, son importance et la douleur causée par sa mort. 

Cette réalité est d’autant plus flagrante en considérant les actions et les propos du gouvernement de François Legault lors de la commémoration qui a eu lieu dans le Salon bleu. En affirmant soutenir le Principe de Joyce mais tout en ne posant pas d’actions en lien avec ces propos et en niant l’existence du racisme systémique, le gouvernement prétend être capable de concilier ces idées diamétralement opposées et réciproquement invalidantes. 

Le racisme et le colonialisme en santé

Au-delà de la violence coloniale et raciste que fait état la situation de Joyce Echaquan, le racisme systémique et le colonialisme envahissant dans le système de santé prennent une multitude de formes : stérilisations forcées des femmes autochtones, encore performées aujourd’hui, traitements discriminatoires, négligences et violences médicales, accès inégal à l’ensemble des services de santé… 

La santé des peuples autochtones est fréquemment posée comme un problème dans la société canadienne contemporaine. Néanmoins, comment peut-on s’attendre à une réalité différente considérant l’implication passée et présente de ce système dans l’oppression des Autochtones ? Comment les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent-ils s’attendre à une réconciliation tout en promouvant une vision particulièrement ethnocentrique, occidentale et paternaliste de la médecine ? Sans faire preuve d’une sensibilité sociale et culturelle par rapport aux savoirs traditionnels autochtones et notamment de leur compréhension de la maladie et de la guérison ? 

Au-delà de cette sensibilité évoquée, une notion de base semble mal comprise : l’empathie et le respect des personnes autochtones par le corps médical. La méfiance qui est possiblement ressentie face aux institutions est entièrement justifiée et compréhensible. Il est nécessaire de reconnaître l’implication significative historique et actuelle de la médecine dans la reproduction du colonialisme, au même titre que dans les services sociaux, notamment le département de la protection de la jeunesse.

L’adoption des propositions énoncées par le Principe de Joyce serait un pas dans la bonne direction pour les gouvernements. Néanmoins, les réticences persistantes du gouvernement du Québec à reconnaître la réalité des personnes autochtones ainsi que son refus de poser des actions concrètes permettant l’émancipation des peuples autochtones demeurent des barrières significatives à quelconque processus de réconciliation. Il n’est pas possible de déclarer vouloir favoriser le bien-être et la santé de ceux-ci sans s’investir activement dans le démantèlement de l’oppression raciste et colonialiste, en commençant par reconnaître publiquement l’existence du problème.

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