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Un vaccin, oui, mais pour qui ?

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6 décembre 2020

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Thelma Grundisch – Journaliste

Alors que la rumeur d’un vaccin contre la COVID-19 se concrétise au fil des semaines, les expert.e.s de la santé adressent la question de l’accessibilité aux soins. Selon la région du monde, le sexe ou l’ethnie, le droit à la santé n’est toujours pas le même pour tou.te.s. 

« La santé est l’un des piliers de la civilisation humaine », déclare Raywat Deonandan, épidémiologiste et professeur associé à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa (U d’O). Cependant, il déplore un accès aux soins de santé toujours médiocre dans de nombreux pays, qui touche de manière disproportionnée les personnes pauvres, souvent racisées ou autochtones.

Accès restreint au vaccin … 

L’inégalité face aux problèmes de santé se manifeste d’autant plus largement depuis le début de la pandémie, explique Ronald Labonté, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la mondialisation contemporaine et l’égalité en matière de santé à l’U d’O. Les pays possédant d’importants moyens financiers sont à même de minimiser les effets négatifs de la pandémie, grâce à des aides financières et l’obtention rapide de matériel médical.

Mais ceux à faibles revenus ont moins accès au dépistage, peuvent plus difficilement demander à leurs populations de travailler à domicile ou d’instaurer des mesures de distanciation sociale. Deonandan appuie donc que la capacité à se protéger contre la COVID-19 est fortement liée à la richesse.

La capacité des états riches à conclure rapidement des contrats pour accéder à des fournitures médicales menace l’équité en matière de santé, affirme Labonté. Il précise que dans la lutte contre la pandémie, ils ont mobilisé la totalité des ressources dès le début, ce qui a empêché les pays pauvres d’y accéder. Il s’agit donc selon lui d’un problème de répartition, puisque  les 13 % des pays les plus riches de la population ont déjà bloqué l’accès à plus de la moitié des potentiels vaccins.

Le Canada a déjà conclu des contrats avec différents candidats pour le vaccin qui, s’ils s’avéraient tous efficaces et sûrs, permettraient d’inoculer dix fois la population canadienne, précise Labonté. Il craint que ces comportements démesurés empêchent la plupart des habitant.e.s des régions à faibles et moyens revenus d’accéder au vaccin avant 2022.

… contre lequel il faut lutter

Rowenta Pinto, chef des programmes d’UNICEF Canada, assure que des mesures sont déjà mises en place pour améliorer les systèmes de santé à l’échelle mondiale. Au niveau de la COVID-19, le système COVAX, mécanisme de financement qui permettrait de distribuer équitablement le vaccin dans le monde, vient d’être mis en place par l’Alliance du vaccin GAVI et l’Organisation mondiale de la santé. Pinto révèle d’ailleurs que l’UNICEF va participer au déploiement rapide de vaccins sûrs et efficaces à l’échelle mondiale, « au profit de 92 pays à revenus faibles et intermédiaires de la tranche inférieure ».

Mais pour que cela fonctionne, il faut que les gouvernements qui en ont les moyens participent activement au financement de ce projet, renchérit Labonté. Si le Canada a déjà dépensé plus d’un milliard de dollars pour la vaccination des Canadien.ne.s, le professeur considère qu’il devrait investir la même somme dans les régions du monde qui en ont le plus besoin.

De son côté, Kevin Pottie, professeur en médecine familiale à l’U d’O, insiste sur la nécessité d’apprendre des erreurs qui ont été faites avec le traitement des épidémies de virus de l’immunodéficience humaine et d’Ebola. Pour lui, il est essentiel de travailler en collaboration avec les représentant.e.s des minorités pour développer une relation de confiance avec les populations vulnérables, avant de pouvoir réellement régler le problème d’accès aux vaccins.

Deonandan rappelle que « personne n’est en sécurité tant que tout le monde ne l’est pas », et que c’est sur cela qu’il faut se concentrer en ce moment. Les quatre expert.e.s s’accordent pour dire que tant qu’il n’y a pas une réelle collaboration entre les états du monde entier, l’éradication du virus est encore lointaine.

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