Inscrire un terme

Retour
Éditorial

Quand vient le temps de tourner la page

Rédaction
8 avril 2019

Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

Jeudi, 9 août 2018. 17h08, pour être plus précis. Au 109 Osgoode qui sert de bureau à La Rotonde, je m’apprête à publier un autre article. Ça fait environ deux ans que mon nom figure sur des papiers. Mais cette fois, c’est différent. Cet article va faire réagir, je le sais.

J’ai travaillé tout l’été sous le radar, à parler à des sources, ici et là, pour obtenir des documents qui pourraient potentiellement, peut-être, exister… mais off the record m’avait-on dit. Quelques minutes avant de publier, je me prépare aux réactions qui vont déferler sur les réseaux sociaux.

L’article en question ? Il porte sur des allégations d’activités frauduleuses au sein de la FÉUO, déposition au service de police d’Ottawa par un ancien président comme appui. Clairement, ça fera jaser. En revanche, l’ampleur que ça a pris m’a surpris ; suspension du transfert de fonds, résiliation de l’entente entre la FÉUO et l’Université, défaite de la Fédération lors du référendum sur son existence.

J’achève ma troisième année à La Rotonde ; un joyeux foutoir avec lequel j’entretiens une relation semblable au syndrome de Stockholm. Une première année comme journaliste, puis deux mandats comme rédacteur en chef. Beaucoup de choses ont changé durant ces années. Mais une est restée la même : je n’aime toujours pas écrire.

Ne méprenez pas mes paroles. J’adore fouiner, trouver des informations, aller à la rencontre de sources. Je brasse la marde et j’aime ça. On me demande comment je jongle entre les études, le travail et la vie sociale. Chaque fois, je réponds que je ne sais pas.

Mais c’est un mensonge. Je carbure à la pression et j’adore ça. Je n’ai pas de problème à passer une nuit sur trois sur des canapés délabrés du bureau si ça me permet d’améliorer le produit final. C’est ce que je fais en ce moment pour l’écriture de ce texte. Et maudit que ça renforce la réalisation que je déteste écrire.

L’utilisation à outrance du conditionnel présent, le casse-tête des tournures de phrase et les titres – mes pires ennemis – hantent mes semaines. Je me souviens de mes premiers articles comme journaliste. Après les avoir lus, Yasmine, ma cheffe actu, m’avait pris de côté et m’a dit : « Je veux savoir quand tu prépares tes questions d’entrevue, quand t’écris ton lead, quand tu respires ». Le message est passé très vite.

­­Aujourd’hui, elle me sermonne chaque semaine en lisant l’éditorial. Que voulez-vous ? On peut changer de cheffe, mais la cheffe ne changera pas.

C’est une réalité qui touche tout ceux et celles qui ont fait partie de ce journal. La Rotonde est à la fois synonyme d’émotions allant des plus bas aux plus hauts, tout ça en l’espace d’une semaine. Puis, on recommence le lundi suivant. La Rotonde devient partie intégrale de nos vies, même après l’avoir quittée.

C’est éreintant. On pourrait décider de tout sacrer là et se dire qu’on a eu notre voyage. D’ailleurs, on y a tous pensé plus d’une fois. Mais on continue, parce qu’on y croit à ce foutu journal. J’ai signé plus d’une centaine de textes, mais il n’y en a qu’un seul qui, je sais, a réellement eu un impact, qui a vraiment changé quelque chose.

Au fond, je n’aime pas écrire, mais j’adore ce que j’écris. Pas mon style d’écriture, qui me fera assurément grincer des dents lorsque je me relirai dans quelques années. Ce que j’adore, ce sont les histoires que j’ai eu l’opportunité de raconter et la vérité que nous avons transmis au public. On ne le fait pas pour nous, mais pour tous.

Dans notre salle de production, nous avons un mur des citations prononcées par des membres de l’équipe. C’est loufoque. Mais cela incarne pour moi l’essence de La Rotonde. Des jeunes qui ont développé des relations humaines extraordinaires et qui sont unis par la volonté de s’investir pour ce journal, ce foutu journal.

Je ne sais pas comment conclure cette chronique, ce dernier texte que je signe. Ce dont je suis certain par contre, c’est que je suis fier d’avoir fait partie de ce journal. Je suis reconnaissant d’avoir pu croiser le chemin de personnes uniques.

Ce fut un voyage fantastique, mais c’est le temps de tourner la page. Merci pour tout.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire